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La Primera Iberdrola ; la professionnalisation du championnat féminin espagnol

On y est. Depuis le 10 juin 2020, le championnat féminin de football espagnol est devenu professionnel.  Si le Primera Iberdrola est l’un des plus vieux championnats féminins d’Europe, le statut professionnels est quant-à lui, arrivé bien tard au regard des autres championnats européens. L’annonce de la Fédération espagnole de football est l’occasion pour nous, de revenir sur l’histoire d’un championnat relevé, qui vient de prendre un tournant dans son histoire.  

Les Origines de la Primera Iberdrola 

Le Club des filles espagnoles et reconnaissance de la fédération

Si l’on a pour coutume de situer la création du championnat espagnol féminin à la fin des années 80, c’est en réalité, au printemps 1914, que la première équipe féminine se créée, à Barcelone : Le Club des filles espagnolesLe 9 juin 1914, le premier match de football féminin se joue et oppose l’équipe de Montserratcontre la Giralda, toutes deux appartenant au Club des filles espagnoles. Et plus qu’un simple match amical, les filles se sont affrontées au profit de la Fédération des femmes contre la Tuberculose. Mais faute de spectateurs, de sponsors et coïncidant avec le début de la Première Guerre mondiale, le Club des filles espagnoles cesse ses activités. Quelques décennies plus tard, dans les années 70, de nouvelles équipes féminines sont créées clandestinement. Rapidement, les dirigeants des grandes équipes espagnoles se réunissent et espèrent mettre en place le Conseil national de football féminin. Malgré les bons présages, l’intégration n’aura lieu qu’une décennie plus tard. 

L’équipe des Ike, une des premières équipes de football féminin en Espagne dans les années 70 (Source : Futbolretro)

Premier championnat et essor des années 2000

La Fédération royale Espagnole de football crée finalement la Ligue nationale féminine au cours de la saison 1988-1989. Pour cette première édition, neuf clubs sont inscrits et le nombre élevé d’équipes catalanes, témoigne de l’essor de la discipline dans la région. Petit-à-petit, le championnat féminin prend de l’ampleur et huit ans plus tard, le nombre de club à se disputer le titre augmente. Au cours des années 90, la Fédération se cherche et tente de nouvelles formes de championnat, un nouveau fonctionnement. Dès les années 2000, le bon format semble être trouvé, et rapidement, les équipes espagnoles sont propulsées sur la scène européenne. En 2002, pour la première édition de la Coupe de L ’UEFA féminine, la Levante Union Deportiva est la seule équipe à représenter l’Espagne, mais ne réussit pas à passer les phases de poules. Il faudra donc attendre le début des années 2010 pour voir des équipes féminines espagnoles s’illustrer en Europe. 

L’équipe du Levante UD lors de leur première apparition en Coupe d’Europe en 2002 (Source : Museo Virtual Levante UD)

Les années 2010 : en route vers la professionnalisation 

Les débuts des années 2010 sont périlleuses dans la recherche du format idéal. En 2008/2009, un modèle, plutôt classique est proposé : un championnat à 16 équipes. Mais l’année suivante, la RFEF, malgré l’opposition de la majorité des clubs et joueuses, procède à une refonte majeure de la compétition. Le nombre de participants passe de 16, à 24, et l’objectif, serait de favoriser les principaux clubs du championnat masculin. Mais au final, seuls le Sevilla FC et le Real Valladolid avaient rejoint le projet. Deux saisons plus tard, retour aux classiques, avec un championnat à 16 équipes et nouveauté, la Primera Iberdrola passe sous la tutelle de la Ligue nationale de football professionnel. Malgré quelques litiges entre la LNFP et la RFEF (pour des questions d’argent), le format semble convenir aux clubs et aux joueuses. Les années passent, les deux premiers du championnat participent à la Women’s champions League, tout semble rouler. Tout, sauf un fait important. En 2020, alors que tous les grands championnats européens féminin ont un statut professionnel, la Primera Iberdrola est en reste.

Les filles de l’Athletic Club sacrées championnes lors de la saison 2006/2007 (Source : Wikipédia)

Mais mercredi, les choses ont changé : « Jusqu’à présent, ces compétitions étaient considérées comme amateures, mais la RFEF a présenté une modification de ses statuts (…) qui permet d’ajouter cette qualification (professionnelle) à ces compétitions qui réunissent les conditions matérielles, économiques et professionnelles pour rendre cela possible », a expliqué la RFEF. Le 10 juin 2020, la Primera Iberdrola, ainsi que la seconde division espagnole féminine, sont devenues professionnelles. Un grand pas dans l’évolution du football féminin en Espagne et en Europe. 

La Primera Iberdrola maintenant, c’est quoi ?

Des équipes en bien ancrées en Women’s Champions League

La compétitivité de la Primera Iberdrola passe notamment par une tête de championnat bien présente en Ligue des Champions. Généralement, ce sont les Blaugranasl’Atletico de Madrid et l’Athletic Club de Bilbao qui représentent la nation espagnole sur la scène européenne. Et cette année, un quart de finale sera 100% espagnol, puisque le FC Barcelone et l’Atletico se disputeront la place en demi-finale de WCL. L’année dernière, les Barcelonaises avaient réussi la plus belle performance d’une équipe espagnole dans la compétition européenne : atteindre la finale de la Women’s Champions League. Mais alors le club catalan s’est le plus illustré en WCL, l’Atletic Bilbao compte cinq participations, le Levante Valence trois, et l’Atletico enregistre sa quatrième participation cette année. La Primera Iberdrola, malgré son jeune statut professionnel, n’a donc rien à envier à ses voisins français ou anglais. Les équipes du haut de tableau sont compétitives et se mesurent chaque année aux gros clubs européens tels que l’OL, Wolfsburg ou encore Chelsea et Arsenal. 

La joie des Barcelonaises après leur qualification pour la finale de WCL en 2019 (Source : The Score)

Des records d’affluence dans les stades

Depuis la Coupe du Monde 2015, le football féminin est entré dans une nouvelle dimension en Europe. En Espagne, cette évolution se traduit notamment au niveau de l’affluence dans les stades. Et en Primera Iberdrola, plus que dans d’autres championnats européens. Par exemple, le 17 mars 2019, lors d’une rencontre entre l’Atletico de Madrid et le FC Barcelone au Wanda Metropolitno, près de 61.000 supporters sont venus encourager leur équipe. Un record de fréquentation pour un match entre clubs de football féminin. Et quelques mois plus tôt, le record était détenu au stade de San Mamés, à Bilbao : 48.121 supporters avaient assisté à la rencontre entre l’Atletic Bilbao et l’Atletico de Madrid. Cette affluence croissante a aussi pris dans les autres championnats européens, mais à moindre mesure. En D1 Arkema, le duel au sommet, entre le PSG et l’OL avaient réuni 25.907 supporters en avril 2019. C’est pas mal certes, quand on sait que certaines équipes de D1 peinent à réunir plus de 1.000 spectateurs, mais on est bien loin des 61.000 supporters de l’Atletico.  Ces records d’affluence dans les stades de Pimera Iberdola ont permis aux médias de s’intéresser un peu plus à ce championnat espagnol. 

Le San Mamés (en haut) et le Wanda Metropolitano (en bas) enregistrent des records d’affluence en Europe (Source : Goal.com)

Des droits TV en avance sur leur temps 

Le plus grand paradoxe de ce championnat espagnol se retrouve au niveau des droits TV. Malgré le statut amateur des joueuses, les contrats de droits télévisuels sont des plus importants pour un championnat féminin en Europe. En mars 2019, alors que le championnat n‘était encore qu’amateur, une enveloppe de 9 millions d’euros a été négocié pour la période 2019-2022. A titre de comparaison, en France, c’est un pour un peu plus d’un million d’euros que Canal + s’est octroyé les droits de la D1 Arkema entre 2018 et 2023. En Angleterre, la Barclays Super League cherche d’abord à fidéliser son public avant de parler de droits TV. Ainsi, depuis août 2019, une plateforme gratuite de visionnage des matchs a été mise en place. L’offre de droits TV en Espagne pour le football féminin est donc alléchante et a largement participé à la professionnalisation de la première et deuxième division du championnat féminin. 

Mediapro verse 3 millions d’euros par saison pour s’approprier le championnat espagnol féminin (Source : Soccerex)

La Primera Iberdrola, bien qu’ancienne, a mis du temps à obtenir la reconnaissance qui lui est due. Entre recherche du bon format de championnat, droits télévisuels et sponsors, les Espagnoles sont passés par toutes les étapes afin d’obtenir leur statut de professionnel. Désormais, les choses ont changé, et les joueuses de première et deuxième division espagnols vont enfin pouvoir jouir du statut qui leur manquait. Si les Blaugranas on été sacré championnes cette saison pour la cinquième fois ,la Primera Iberdrola reprendra en septembre avec, pour la première fois, un statut professionnel.

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