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Le jour où #2 : la vague Jeremy Lin a déferlé sur la NBA

L’histoire du sport regorge de belles histoires. Et si une nation dans le monde raffole d’histoires improbables, de retours au sommet après avoir sombré, ou encore d’outsiders destinés à rester dans l’ombre mais finissant par éclore sur la plus belle des scènes, ce sont bien les Etats-Unis. Aujourd’hui, c’est du dernier cas de figure dont nous allons parler. D’un joueur non drafté, sorti d’un cursus plus connu pour ses génies que pour son basket, passé en une semaine du bout de banc à meilleur joueur de la semaine de la conférence EST. Une « Cinderella story » comme seuls les américains peuvent nous servir.

Toronto Raptors – New York Knicks, 14 février 2012. 87-87. Après un rebond offensif de Tyson Chandler, la balle revient, au milieu de terrain, dans les mains de Jeremy Lin. D’un geste de la main, le meneur demande de lui laisser l’espace libre. Aucun système. Il avance tranquillement, s’arrête derrière la ligne à trois points, et décoche une flèche qui fait trembler le filet. Il reste 0.5 seconde. Game Over. Les 20.092 spectateurs sont en feu. Rarement un shoot pour la gagne à l’extérieur aura déclenché autant de bruit. C’est l’effet « Linsanity ».

Juin 2010. Nous sommes loin de Toronto. Sorti d’Harvard, Jeremy Lin n’est pas drafté. Malgré tout, les Warriors qui ne dominent pas encore la ligue, le signent et font de lui le premier joueur d’origine taiwanaise de l’histoire de la ligue. Mais Lin n’est qu’une lointaine option, il joue à peine 10 minutes sur les 29 matchs qu’il dispute. Il est coupé à la fin de la saison puis testé par les Rockets mais pas conservé. Finalement, ce sont les Knicks qui le signent pour cette saison tronquée en raison du lock-out. Comme à Golden State, le meneur joue peu, ou pas. Seulement neuf matchs joués sur les 22 premiers de la saison, avec un seul match avec plus de six minutes de présence sur le parquet.

Les Knicks, eux, sont au bord du précipice. Sept victoires en 22 matchs, et seulement deux sur les treize derniers matchs. Avec Carmelo Anthony, Amare Stoudemire, Tyson Chandler et les jeunes Iman Shumpert et Landry Fields, cette équipe a pourtant fière allure. Le 4 février, Mike D’Antony, cherchant à sauver sa tête, s’offre un pari et donne du temps de jeu à Jeremy Lin. En 35 minutes, l’inconnu signe 25 points à 52% au shoot, sept passes et cinq rebonds, offrant une victoire et un sursis à son coach. En peine avec ses meneurs depuis le début de saison, l’ancien coach des Suns décide de titulariser Lin contre le Jazz.

Une nouvelle fois, Lin sort un gros match, avec 28 points et huit passes pour donner la victoire aux siens. La Linsanity n’en est qu’à ses débuts…

Deux jours plus tard, les Knicks reçoivent les hommes de la capitale, sans leurs deux All Star, Carmelo Anthony et Amare Stoudemire. Un problème ? Pas de problème, car le sophomore s’occupe de tout. Un premier double-double, 23 points, dix passes, 64% au shoot et une 3èmevictoire consécutive. La folie bat son plein, et c’est désormais dans la cité des Anges qu’a rendez-vous Jeremy Lin. Au Staples Center, pour y affronter les Lakers de Kobe Bryant. Une scène mythique, pour une performance dantesque. Lin va servir chaud, très chaud. 38 points, sept passes, quatre rebonds, deux interceptions, encore une fois à plus de 55% au shoot, et une victoire à Los Angeles.

Il enchaine ensuite à Minnesota, puis à Toronto avec ce fameux buzzer beater, puis, plus discret, face aux Kings. Sept victoires en sept matchs, soit autant que lors de 22 premiers de la saison. Avant son match à Toronto, Jeremy Lin est élu joueur de la semaine, avec des moyennes de 27.3 points, 8.3 passes et deux interceptions, tout en remportant quatre matchs dans la semaine. 109 points sur ses quatre premières titularisations ? Mieux qu’Allen Iverson, qui détenait le record. 20 points et sept passes sur ses quatre premières titularisations ? Une première dans l’histoire.

Jeremy Lin en pleine « Linsanity » médiatique. Crédit photo : espn.com

En 10 jours, Lin passe d’inconnu à phénomène mondial. L’Asie, dont il est originaire, voit en lui un successeur médiatique à Yao Ming. Il fait la Une des magazines, les ventes de maillots à son nom et de places au Madison Square Garden montent en flèche. Si le phénomène s’essouffle, le joueur, lui, reste très solide. Cette semaine folle marque un changement dans la carrière du non-drafté harvardien. Il finit la saison à quinze points et six passes de moyenne, avant de s’envoler pour…Houston. S’en suivront les Lakers, les Hornets, les Nets et les Hawks puis les Raptors. Titulaire lors de sa première saison dans le Texas, il gardera une moyenne semblable à son année New Yorkaise. Il sortira du banc lors de la majorité du reste de sa carrière, devenant au fil du temps un vétéran de qualité.

Il y a trois mois, Jeremy Lin est devenu champion NBA avec les Raptors, avec un rôle minime en play-off, lui qui ne joua que… 51 secondes en finale. A 30 ans, le meneur est sans contrat, et seul le CSKA Moscou lui en a proposé un, qu’il a décliné. En larmes, Lin a déclaré récemment que la NBA l’avait oublié. Le reverra-t-on dans la grande ligue ? Mystère, même si son profil de bon coéquipier vétéran devrait lui permettre d’accrocher un spot.

Sept ans et demi après, personne n’a oublié la Linsanity. Cette quinzaine folle où un total inconnu est devenu une star planétaire dans la Mecque du Basket Ball.

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