Site icon Café Crème Sport

Daniel Leclercq, le « Druide » s’en est allé

Daniel Leclercq s’est éteint ce 22 novembre 2019 à l’âge de 70 ans. Celui qui mena le Racing Club de Lens au titre de champion de France en 1998 a succombé à une embolie pulmonaire en Martinique où il encadrait actuellement les stages Raphael Varane. Hommage à celui qui dévoua sa vie au ballon rond, au point de devenir la figure emblématique du RC Lens et du football nordiste.

« C’est une partie de Lens qui est partie, pour moi. Si j’étais maire de Lens, je ferais mettre un ruban noir sur les portes ou les enseignes de chaque commerce lensois. Qu’est-ce qu’il a pu apporter aux gens… Avec ce titre de 1998, on a redonné de la fierté à une ville qui était traumatisée. »

S’exprimant auprès des médias, Gervais Martel ne cache pas son émotion à l’annonce de la disparition de celui qu’il considère comme « un frère« . L’ancien président du Racing Club de Lens est à l’image des amoureux des Sang et Or, triste de voir l’homme providentiel de 1998 partir ainsi. L’hommage est unanime en ce vendredi 22 novembre de la part de ces anciens joueurs, coéquipiers, collaborateurs, supporteurs et des acteurs du ballon rond en général. L’émotion est vive et sincère, Daniel Leclercq est un homme qui inspire le respect, de par son parcours, de par sa personnalité, de par ses valeurs. Pourtant rien n’a été facile pour celui qui était prédestiné à devenir comptable par son père et qui devait effectuer cinq kilomètres à pied pour se rendre aux entrainements lorsqu’il était gamin.

« Il avait été un grand joueur avec sa fameuse patte gauche. Il respirait le foot et aimait transmettre sa connaissance du jeu autant tactique que technique. Il n’y a pas beaucoup d’entraîneurs, à l’âge qu’il avait, capable pour illustrer une transversale à ses joueurs de poser le ballon et de l’envoyer parfaitement à l’endroit désiré… »

Formé à l’US Valenciennes-Anzin, Daniel Leclercq a été avant d’être celui qui ramènera un titre de champion au RCL, un joueur rugueux et généreux. Il faut dire que son mètre 85 ne passe pas inaperçu sur les pelouses de première division qu’il côtoie dès 1968 à l’âge de 19 ans. Milieu de terrain de formation, il reste trois saisons dans son club formateur avant de quitter son Nord natal pour la Canebière.

Surnommé le « Grand blond », Daniel Leclerc s’impose comme l’une des pierres angulaires du RC Lens des années 1970 (photo : L’Équipe)

S’en suivent trois autres saisons sous les couleurs de l’Olympique de Marseille (1970-71 ; 1972-1974) agrémentées d’un intermède à l’AS Angoulême (1971-1972) mais surtout d’un titre de champion de France en 1971. Au total 91 matchs sous les couleurs de la cité phocéenne dont quelques-uns en Coupe d’Europe des clubs champions et en UEFA aux côtés du duo mythique Skoblar – Magnusson et de son compère Bernard Bosquier.

« Daniel était timide, on ne l’entendait pas trop mais sur le terrain, quel joueur ! Il avait un mental d’acier et un pied gauche magnifique. J’ai été un peu surpris de le voir devenir entraîneur après sa carrière de joueur parce qu’il ne parlait pas beaucoup. Mais il connaissait très bien le football et avait des idées très précises sur le jeu. »

À 25 ans, barré par les recrues brésiliennes Paulo César et Jaïrzinho, il décide de retrouver ses racines et signe au RC Lens, où il devient rapidement l’un des piliers de l’équipe. Replacé en libéro, sa « patte gauche » fait des merveilles et il participe activement aux différents exploits du RCL entre 1975 et 1978. Le premier étant l’épopée en Coupe de France 1975. Défait en finale 2 à 0 par les stéphanois de Jean-Michel Larqué, auteur ce soir-là d’un but mémorable, le Racing se qualifie néanmoins pour la première fois de son histoire en Coupe d’Europe. En 1976-77, Lens obtient le titre honorifique de vice-champion de France et une qualification pour la Coupe UEFA, Leclercq remporte pour l’occasion, l’étoile d’or France Football devant un certain… Michel Platini.

Partageant le même poste et un style de jeu similaire, il est alors comparé à l’Allemand Franz Beckenbauer par la presse française. Enfin les Sang et Or se révèlent sur la scène européenne en se qualifiant pour les huitièmes de finale de Coupe UEFA en éliminant la Lazio de Rome. Un exploit d’autant plus incroyable que les Italiens partent favoris après la victoire du match aller au Stadio Olympico (2-0). C’était sans compter sur la détermination des Artésiens qui, portés par un stade Bollaert en ébullition, s’imposent au retour en prolongations, 6 à 0 (triplé de Didier Six).

« Il incarnait le foot du nord dans toutes ses valeurs, c’était quelqu’un d’une grande fidélité, pas très expansif mais quand il vous aimait, il vous aimait vraiment »

La fidélité est bien le maitre mot, décrit par Jimmy Adjovi-Boco, qui a caractérisé Daniel Leclercq lorsque malheureusement l’embellie ne dura pas et qu’en 1978, Lens retrouve la Division 2. Signe fort, malgré la descente, le « Grand Blond » reste et ramène les siens dans l’élite dès l’année suivante. Il quitte le Racing en 1983 après neuf saisons, 367 matchs, 33 buts et une nouvelle qualification en Coupe UEFA.

Personnage au caractère atypique, Daniel Leclercq n’en reste pas moins un homme de valeur. (photo : Ludovic Maillard)

Il boucle la boucle en réalisant une ultime saison, chez lui à Valenciennes, avant de raccrocher définitivement à 35 ans pour devenir tour à tour tenancier de café puis entraineur à Valenciennes, Guesnain et Lens chez les équipes de jeunes, qu’il emmène en finale de Gambardella 1995. Coach adjoint de Roger Lemerre en 1997, il prend la tête de l’équipe fanion dès la fin de saison et s’impose comme l’homme providentiel.

« C’était un Ch’ti, très attaché aux valeurs du club. Il était très sensible à cet état d’esprit, il n’était pas dans le marketing par rapport à des entraîneurs qui s’inventent des valeurs aujourd’hui. Il les ressentait, lui, parce qu’il les a vécues en tant que joueur puis entraîneur. Il se les inculquait à lui-même et nous les transmettait. Il a su créer un environnement autour des supporters et de l’équipe, composée de beaucoup de joueurs du coin. Pour moi, c’était ce qui a fait la réussite de cette saison 1998. »

Une saison dont Stéphane Ziani fût l’un des plus grand artisan. Recruté, au même titre qu’Anto Drobnjak par Leclercq, il formera avec « les jeunes du coin » (Déhu, Warmuz, Lachor, Vairelles, Smicer), une équipe ambitieuse, enthousiaste, joueuse et soudée qui parviendra jusqu’au titre national, le premier et le seul à ce jour des Sang et Or. Daniel Leclercq y gagne son surnom de « Druide » en parvenant également à se hisser en finale de Coupe de France en 1998 (perdue face au Paris SG), à remporter la Coupe de la Ligue 1999 (face au FC Metz) et vaincre les Gunners d’Arsène Wenger à Wembley en phase de poule de Ligue des champions 99. Entraineur porté sur le beau jeu et le football offensif, Leclercq a toujours fait preuve de beaucoup d’exigence envers ses joueurs et envers lui-même.

Une recette du succès qu’il parviendra à transmettre à Valenciennes entre 2003 et 2005 pour mener les Savidan, Mater, Saez et consort, à retrouver la Ligue 2 puis quelques mois plus tard, la Ligue 1 (avec Antoine Kombouaré). Malgré un dernier retour en demi-teinte au Racing Club de Lens en 2008, comme directeur technique pour épauler le novice Jean-Pierre Papin, son image reste intacte auprès des amoureux des Sang et Or malgré deux relégations (2008 et 2011).

« Il avait cette image du titre de 1998 et cette prestance. Dans la région, tout le monde a un peu le RC Lens dans le cœur. Daniel était le porte-drapeau de cette fierté nordiste. »

Une fonction de porte drapeau, comme le narre Philippe Brodziak dans les colonnes du Monde, qui a amené Daniel Leclercq à s’impliquer dans le monde amateur. Occupant diverses fonctions ces dernières années à Bavay, Guesnain, Arleux-Fechain, Douais, il est toujours resté proche du football malgré une retraite officielle en 2011, suite à une nouvelle relégation du RCL en Ligue 2. Ses derniers faits d’armes pour le club Sang et Or sont encore ancrés dans l’ADN du club, celui de la formation. Par leurs hommages, Raphael Varane ou Serge Aurier rappellent le rôle ô combien important de Daniel Leclercq dans leur parcours. Preuve en est, qu’au delà des titres et des souvenirs, le Druide restera encore pour de nombreuses années, un membre essentiel dans la reconstruction du Racing.

Joueur puis entraineur emblématique du Racing Club de Lens et plus généralement du football nordiste, Daniel Leclercq laisse après sa disparition, une trace indélébile que personne ne pourra ignorer au sein de l’institution artésienne. Avoué à demi mot par Gervais Martel, le plus beau des hommages serait, d’ici quelques mois, un retour de son club de cœur dans l’élite du football français.

Quitter la version mobile