Souvent cité mais rarement analysé, le Championship est connu mondialement comme étant la meilleure ligue de deuxième division. Si l’arrivée de Marcelo Bielsa à Leeds lui a fait bonne publicité, ce championnat est l’objet d’un contraste important entre la fascination qu’il suscite en Angleterre et sa méconnaissance sur le reste de la planète football. Et si le Championship méritait mieux que d’être jugé comme une division inférieure classique ?
Un engouement national
Le Championship et les divisions qui en découlent sont intensément ancrés dans la culture du football en Angleterre. Les supporters anglais raffolent plus qu’ailleurs de ce football moins bling-bling mais dont le niveau se rapproche de certains championnats historiques du Vieux continent.
Non, le Championship n’est pas une antichambre comme les autres. Son format est haletant : 24 équipes, 46 journées auxquelles s’ajoutent des play-offs – dont la Ligue 2 s’est inspirée – pour finir dans le mythique Wembley où se décidera le dernier ticket pour rejoindre la ligue de football la plus populaire et la plus lucrative au monde.
Si les stars connues du grand public européen ne courent pas sur les terrains elles sont sur les bancs à l’image de l’arrivée fracassante à Leeds de Marcelo Bielsa qui s’est frotté depuis à Frank Lampard (dans l’élite désormais), Slaven Bilic et nombre d’entraîneur célèbres outre- manche qui ont déjà connu le haut du panier anglais. C’est l’arrivée d’El Loco qui a déclenché un attrait soudain pour le Championship notamment en France où l’Argentin divise autant qu’il fascine. Ce qui fait de lui le sujet de la plupart des articles sur le Championship en France, des articles qui relaient régulièrement ses succès et ses frasques – l’espionnage des entraînements adverses – auxquelles l’Hexagone est familier.
Les Anglais, eux, n’ont pas attendu Bielsa pour se passionner pour le Championship. À l’image du football américain universitaire vis-à-vis de sa grande sœur la NFL, la D2 anglaise permet aux fans de retrouver une forme de football plus « vrai » loin de l’argent et des grands stades flambants neufs de la Premier League. C’est son aspect populaire qui fait le succès du Championship outre-manche.
Ce réel engouement propre aux Anglais se vérifie sur les affluences. Avec une moyenne de 20477 spectateurs, le Championship n’a pas à rougir face aux 22501 spectateurs en Ligue 1 sur la saison 2017/2018. Il faut en plus noter que du côté du Royaume il n’y a pas de PSG pour booster les billetteries à chaque déplacement ! Et si Newcastle est remonté depuis, St-James Park a maintenu une moyenne impressionnante au-delà des 51000 spectateurs après sa relégation. Les Anglais aiment « leur » football plus qu’ailleurs et ce sont les clubs qui sont les premiers à en profiter.
Une puissance digne des grands championnats
Les audiences sont aussi au beau fixe pour le Championship puisque Sky a signé sur cinq ans pour 595 millions de livres (environ 680 millions d’euros) les droits de diffusion domestiques des trois divisions qui précèdent la Premier League accompagnées de la League Cup. S’il est compliqué de tirer une estimation exacte de la valeur télévisuelle du Championship on peut tout de même rapprocher ce montant portant sur trois divisions inférieures et une compétition à l’intérêt discutable avec la Ligue 1 et son Paris Saint-Germain dont les droits domestiques entre 2016 et 2020 ne se sont pas négociés au-delà des 762 millions d’euros. Si la durée n’est pas la même et que le championnat de France s’apprête à jouir d’une forte inflation de ses droits sur la période qui suit, il est intéressant de constater qu’il n’y a pas une énorme différence et que le Championship peut profiter de revenus colossaux dont vont rapidement se nourrir les clubs.
En football le nerf de la guerre c’est l’argent. Et si les droits TV ont grimpé c’est aussi le cas pour la Premier League. C’est en partie ce qui explique l’intensité de la course à la promotion. L’enjeu financier est énorme avec des montants records et une distribution très équitable. Une promotion est synonyme d’importants revenus : West Bromwich Albion, dernier de Premier League, a empoché 94,7 millions de livres (environ 108 millions d’euros) pour la saison 2017/2018. Cette répartition est une des raisons du niveau sportif et économique du Championship : les clubs relégués descendent en emportant avec eux des sommes importantes qui profitent à tout le championnat puisque qu’une grande partie des investissements concernent les joueurs qui occupent déjà le Championship.
La puissance financière des clubs de Championship peut aussi être présentée comme un danger pour le football anglais et sa sélection. Les moyens grandissants risquent de moins pousser à investir dans la formation au profit de l’étranger pour y dénicher les pépites. À l’image de Brentford, dont la cellule de recrutement en France a récemment fait venir trois joueurs de Ligue 1 dont l’ancien stéphanois Neal Maupay, le Championship fait jouer bien plus de joueurs étrangers (48,3%) que la Ligue 2 (40,0%) à titre d’exemple. Si ce ratio ne semble pas augmenter significativement au cours du temps il ne donne pas vraiment de raisons de s’inquiéter pour les Three Lions : vingt des vingt-trois joueurs du groupe demi-finaliste de Coupe du Monde ont été formés ou ont évolué au sein du Championship. Preuve que la filière anglaise vit pour l’instant très bien la forte présence de joueurs étrangers dans ses rangs. La confirmation des jeunes pépites rodées à la deuxième division comme Tammy Abraham ou Mason Mount démontre cette saison la qualité de formation d’une telle compétition.
Des grands entraîneurs, des futurs grands joueurs, des fans nombreux et passionnés, des clubs mythiques (Leeds, Nottingham Forest…) et des revenus colossaux : le Championship ne manque pas de grand-chose pour ressembler à une première division classique en dehors du top-5 européen. S’il fait rêver l’Angleterre, il peine à réellement dépasser les frontières pour s’installer dans le paysage footballistique du Vieux Continent. Bielsa attire la lumière mais la promotion se profile. Condamné à l’ombre, le Championship doit peut-être se résoudre à ne fasciner qu’à l’intérieur du Royaume, mais c’est sûrement là, la clé de son authenticité et c’est peut-être mieux comme ça.