Dimanche 19 janvier 2020, dans le portillon s’avance le jeune français Clément Noël. C’est le dernier à s’élancer sur la piste de Lauberhorn, 2e manche du slalom de Wengen. Lors de son premier passage il a littéralement écrasé la concurrence puisqu’il se retrouve avec 67 centièmes d’avance sur son dauphin. Solide, puissant, après avoir allumé du vert à chaque temps intermédiaire, il passe la ligne de son second run avec 40 centièmes de moins que son rival, le norvégien Kristoffersen. C’est donc déjà le 5e succés dans la toute jeune carrière du français et même un premier doublé dans la station Suisse (il l’avait remporté l’année précédente). Retour sur le parcours d’un surdoué du ski.
Les prémices d’un champion

Clément Noël natif de Remiremont dans les Vosges, va chausser ses premiers skis dès l’âge de 2 ans et demi. C’est donc sur les pentes de la petite station de Ventron (quatrième plus grande station du massif) qu’il va apprendre, chuter, se relever, apprécier et découvrir tout simplement le goût de la glisse. Particularité à souligner : il n’a pas appris le ski alpin dans les Alpes, mais dans un massif Vosgien, en principe plus propice aux vocations de fondeurs ou de coureurs cyclistes. « Quand j’étais petit, j’aimais bien le ski pour être avec les copains, mais c’est tout, je ne voulais pas spécialement être champion », raconte-t-il dans la croix. « En fait, il a fait du ski parce qu’il voulait faire comme son grand frère Matthieu, qui a six ans de plus que lui. Pour nous, ce qui comptait ce n’était pas la compétition. C’était qu’il s’amuse au ski avec ses copains », confiait sa mère Laurence, au Dauphiné Libéré. À l’âge de 7 ans il rentre dans le club de ski l’US Ventron. Enfant comme les autres qui ne se distingue pas encore d’après son premier entraîneur Francis Mangel qui ajoute « Il fallait d’abord qu’il découvre et qu’il analyse tout ce qu’il faisait. Dans sa tête, ça tournait. »

C’est en benjamin qu’il va commencer à véritablement éclore et se démarquer. Les premiers résultats arrivent et il se fait logiquement repérer. Il intègre le Comité départemental des Vosges et devient Champion de France de slalom en U14. Suite à cela il rejoint le Comité régional des Vosges. Résultat deux nouveaux titres de Champion de France. Mais pour continuer sa fulgurante progression il n’a pas d’autre choix que de quitter le cocon familial à 15 ans et rejoindre Val d’Isère en Savoie pour son pôle France. « À l’époque, l’alternative était claire : soit je partais pour apprendre ce qu’était le haut niveau, soit j’arrêtais le ski. Je n’ai pas hésité longtemps. » Sur place le jeune champion est logé en famille d’accueil chez Patrick Chevallot . Le pâtissier, meilleur ouvrier de France, découvre « un garçon exceptionnel », simple et plein d’humilité. Il y restera trois ans.

L’apprentissage se poursuit et les résultats également. En 2015 il est Champion de France U18 (cadet) en slalom et slalom géant. Il participe également aux mondiaux junior la même année. Mondiaux qui se déroulent en Norvège à Hafjell. Dossard 49, il termine au pied du podium et engrange de l’expérience. L’année d’après, il continue sur sa lancée avec un nouveau titre de Champion Junior U21 en ayant trois ans de moins que la plupart des compétiteurs. Précocité…
Lors de la saison 2016-2017 le vosgien du haut de ses 19 ans, va vivre sa première épreuve de coupe du monde le 13 novembre, à l’issue de laquelle, il ne parvient pas à se qualifier en seconde manche. Il se rattrape sur le circuit européen avec une 9e place, au slalom de Zakopane (Pologne), synonyme de premiers points. Clément termine la saison en apothéose lors du slalom élite de Lélex (Jura) en devenant Champion de France devant Victor Muffat-Jeandet (+0”10) et Jean-Baptiste Grange (+0”67). Ce titre le révèle au grand public et le propulse dans le groupe coupe du monde. Perfectionniste, réaliste, Noël fait un bilan de sa saison : « C’est une surprise pour moi. Je me suis amélioré cette année. Les championnats de France sont toujours un événement important, même si la Coupe d’Europe est le rendez-vous régulier de la saison. J’étais détendu avant la course puis j’ai été un peu rattrapé par le stress entre les deux manches. La piste variée ici m’allait bien. J’ai déjà été champion de France U18 et U21 dans le passé. En arrivant ici, j’avais à cœur d’aller chercher des mecs de la Coupe du monde. J’arrive à être assez présent sur ces courses d’un jour. Cela représente quelque chose de bien. Cela pousse à dire qu’à piste égale, on peut s’approcher d’eux. Au final, j’ai réalisé un hiver mitigé car il y a eu de bonnes courses, mais j’ai été irrégulier, souvent dehors. En façade, c’est une super saison, mais dans le détail, c’est un peu moins bien. »

Le jeune skieur, part en Amérique du Sud avec tous les membres de l’équipe de France, pour effectuer le stage de pré-saison. Sur les entraînements, il réalise les meilleurs chronos devant tous les cadors ce qui n’altère pas la bonne ambiance et l’intégration du prodige. « Les anciens du groupe se sont beaucoup occupés de lui. Ils ont été super », observe son père. « Ils n’ont pas du tout la mentalité de mettre des bâtons dans les roues des jeunes qui arrivent. Ils ont été très prévenants, avec de très bons conseils », les remercie aujourd’hui Clément. La saison démarre pourtant difficilement, mais c’est à domicile que notre champion va inscrire ses tous premiers points en coupe du monde. Il prend la 20e place du slalom de Val d’Isère. Trois jours plus tard c’est sur le circuit européen qu’il brille avec un premier podium (3e) sur les pentes d’Obereggen (Italie). S’ensuit quelques épreuves ratées (dur apprentissage du plus niveau).
Mais comme toujours Clément rebondit et réalise une très bonne saison. 21 janvier 2018, premier top 10 en Coupe du monde, en prenant la 8e place (dossard 47), du slalom de Kitzbühel. Juste après il est 6e à Schladming, puis il enchaîne avec un titre de Champion du Monde Junior à Davos (Suisse). C’est seulement le deuxième français à obtenir ce titre 24 ans après Frédéric Covili.

Récompense ultime : il fait partie de la délégation tricolore qui participe aux JO 2018 de Pyeongchang. Il y court deux épreuves : le slalom et le Team Event (slalom parallèle par équipes) pour deux 4e place. Pas loin, mais dans cette compétition, seules les médailles comptent. Il en retire encore et toujours de l’expérience précieuse et relativise comme il sait très bien le faire. Une satisfaction plus qu’un regret à ses yeux. « J’ai fait du mieux que je pouvais. J’ai réalisé deux manches à mon niveau et je ne vois pas ce que j’aurais pu faire de plus. Je peux refaire dix fois la course, je serai sans doute qu’une seule fois sur le podium. Donc oui, il y a une frustration d’avoir été à quatre centièmes d’une médaille olympique, mais pas de regret vis-à-vis de ma performance. Et surtout je suis heureux d’avoir joué avec les meilleurs sur un tel événement. Je n’ai pas baissé les yeux, je me suis exprimé comme il fallait. C’est de bon augure pour la suite. »
Cela le conforte même dans ses certitudes « Les Jeux m’ont confirmé que je ne me suis pas trompé en faisant du ski. Mais cette 4e place n’a pas agi comme un déclic. Je ne me dis pas d’un seul coup que je peux être un champion. Cela se travaille au fur et à mesure. Avec le temps, je deviens de plus en plus professionnel. J’aborde ma vie en pensant au ski, en m’y consacrant davantage. »

La saison se poursuit par une 4e place (encore) à Kranjska Gora dans le parc national du Triglav, en Slovénie. Il prend ensuite la 2e place de l’épreuve par équipes (slalom parallèle) lors des finales de la Coupe du monde à Are. Petite cerise sur le gâteau, il devient Champion de France Junior de Géant à Châtel, histoire de conclure une saison splendide, qui laisse présager un futur de bon augure. Petit bilan de cette année : une place de 18e au classement du slalom et une 44e place au classement général de la coupe du monde.
2018-2019, L’explosion
En parallèle de ses études à l’université Savoie Mont-Blanc, Clément se prépare pour une nouvelle saison qui va être riche en émotions. Comme à son habitude, il démarre en mode diesel avec trois premiers slaloms décevants. (7e et 2 abandons). Il se reprend à Zagreb (4e), et signe dans la foulée son premier podium sur le circuit mondial. Une belle 2e place qu’il acquière à Adelboden derrière la légende autrichienne Marcel Hirsher. Et puis vient le moment le plus important dans sa toute jeune carrière.
Cela se passe à Wengen en Suisse. En tête après la première manche, il confirme lors du second passage malgré la pression de ses concurrents. Il transpire la sérénité, le calme et passe les piquets avec une aisance déconcertante. Malgré une grosse erreur au milieu du parcours, il arrive à garder 8 centièmes d’avance. C’est la délivrance. Il peut enfin exulter dans l’air d’arrivée et profiter de sa première marseillaise sur la plus haute marche du podium. Au passage, il met fin à une disette française sur slalom de presque 5 ans. Une éternité. En conférence de presse c’est un Clément tout sourire qui se présente. « La Suisse me réussit bien. C’est une semaine incroyable, mon premier podium à Adelboden (NDLR : en Suisse, la semaine dernière) et ma première victoire ici à Wengen, c’est extraordinaire . C’est un sentiment génial, c’était une course magnifique. Il y avait un peu de pression à gérer, je suis très content d’avoir réussi à le faire. Je n’ai pas tout de suite réalisé que j’avais gagné, il me faut du temps pour me rendre compte de la portée de cette victoire. » s’enthousiasme le Français.

Mais le meilleur est à venir. En effet le weekend d’après, les acteurs du circuit blanc ont rendez-vous pour l’épreuve la plus mythique de la saison. Bienvenue à Kitzbühel la mecque du ski. Notre Clément national y réalise une performance incroyable, puisqu’il signe tout simplement une victoire splendide, sur la piste Ganslern. Il s’agit donc d’un doublé mémorable, après Wengen. Sous de gros flocons, il domine dans son fief Hirsher et un deuxième français, Alexis Pinturault.
Son coéquipier Maxime Rizzo analyse « Clément est très intelligent, il réfléchit à énormément de choses. Beaucoup de gens disent qu’il skie avec l’instinct sans réfléchir, alors que Clément peut réfléchir à mille trucs dans le tracé (…) C’est un grand rêveur, mais sur terre. »
Avec une 2e victoire à seulement 21 ans, 8 mois et 23 jours, Noël peut regarder droit dans les yeux ses deux camarades de podium du jour, eux-mêmes monstres de précocité. Alexis avait glané son deuxième succès quasi exactement au même moment (21 ans, 8 mois et 18 jours), quand Marcel avait également remporté deux courses de Coupe du monde au même âge. Il rentre dans le cercle des français (5 en tout) ayant réussi le fameux doublé Wengen Kitz. La dernière fois qu’un Bleu avait gagné deux slaloms consécutifs, c’était Jean-Baptiste Grange en 2011.
Le plus grand compliment que pouvait recevoir le Français vient de la légende autrichienne en personne. Hirscher explique : « Il est techniquement brillant, il trouve des lignes plus directes que quiconque. C’est l’avenir du ski. » Bon résumé de la technique exceptionnelle du vosgien au physique atypique (1m91) plutôt destiné normalement aux épreuves de descente. Mais la normalité, celui qui est surnommé “Flante” par ses coéquipier (diminutif de “Flantier”, en hommage à Noël Flantier, nom de couverture de l’agent OSS 117), il ne la connaît pas. Humilité, imperméabilité au stress, maturité, timidité, sont ses qualités indéniables sur les skis comme dans la vie de tous les jours.

Février 2019, marque son premier championnat du monde à Åre. Auréolé de ses premières victoires, il se présente en Suède avec le statut de leader de l’Equipe de France en ayant de grandes ambitions. « C’est sûr, partir d’ici sans médaille, quelle que soit la couleur, serait une déception, confie le jeune Vosgien, mais j’ai pour habitude ne pas afficher d’objectif chiffré. Le résultat n’est que la conséquence de la manière dont on skie, donc je me concentre sur ce que je vais devoir faire sur la course. »
Malheureusement ça ne se passe pas comme prévu et il repart 7e à plus d’une seconde du vainqueur. Désillusion, mais pas de quoi paniquer. « C’est forcément une déception. Je ne venais pas ici pour faire septième. C’était une journée compliquée. Il y a eu une petite réaction en deuxième manche. Je n’étais pas super à l’aise avec la neige. J’ai eu du mal à m’adapter sur cette piste qui était ni trop raide, ni trop plate. On avait toujours un faux rythme. Il y a eu une petite réaction en deuxième manche, c’était un peu plus positif. Je n’étais pas tendu ce matin. Je me sentais bien. Le rythme que j’ai imprimé n’était pas le bon. Même en regardant ma manche, je me dis que je skie bien, mais sans rythme. Il fallait plus en mettre. En deuxième manche, j’ai forcé ma nature en poussant tout ce que je peux et cela n’a pas été une manche géniale. Le pire dans tout ça, c’est que je ne suis qu’à trois dixièmes du podium. Je me dis que je les avais aujourd’hui. C’est frustrant. Il y avait un petit peu plus de pression, mais ce n’était pas une mauvaise chose. Ce n’est pas ça qui explique ma mauvaise première manche. J’ai hâte de faire le prochain slalom. Je me sens prêt. Je sens que je skie bien. Il n’y a pas de remise en question, juste des petites choses à corriger. »
Il joint les actes à la parole. En effet, on passe sur sa 8e place anecdotique en Slovénie pour arriver à la dernière course de l’année qui a lieu à Soldeu en Andorre. Il parachève son année dantesque sur une troisième victoire et prend acte pour un futur radieux. Les membres de l’Equipe de France ne tarissent pas d’éloges le concernant. Julien Lizeroux, 40 ans, « D’autres avaient montré très jeunes des qualités à l’entraînement, mais lui, il a déjà gagné, ça fait toute la différence. Et en plus, on a le sentiment qu’il nous apporte quelque chose de nouveau. » Pour Fabien Saguez directeur technique national du ski « Tout le monde aimerait bien l’avoir, c’est un peu le gamin parfait, on ne peut être que jaloux de ce genre de mec. C’est un don du ciel. » Pour couronner le tout, il glane son deuxième titre (d’affilé) de Champion de France à Auron, un peu plus d’une seconde devant Julien Lizeroux (+1”03) et Victor Muffat-Jeandet (+1”11).
Le bilan de cet hiver 2018-2019 démontre le palier franchi. Clément termine 2e au classement du slalom, 11e au classement général de la coupe du monde et meilleur jeune (49 points de plus que le Suisse Loïc Maillard).

2019-2020 : La confirmation
Sa préparation est entachée de douleurs au dos en septembre. Il quitte même le stage en Argentine. Mais après une bonne récupération il est bien présent pour l’ouverture de la coupe du Monde à Levi. Nouvelle année particulière puisque l’immense Marcel Hirsher, maître incontesté de la discipline, a quitté le circuit pour une retraite méritée, au grand dam des passionnés de ce sport. Il n’en faut pas plus pour désigner Clément Noël comme son successeur. Une responsabilité que l’intéressé repousse d’un revers de la main : « Cela ouvre des portes et on est beaucoup à pouvoir se dire la même chose. Je sais qu’il y a des attentes. C’est logique et moi j’en ai aussi. Il ne faut pas trop se poser de questions en étant concentré sur ce que l’on a à faire. L’idée c’est d’être régulier. Je sais aussi que je fais un sport aléatoire. »
Retour donc à Levi. Première manche impeccable sur une piste assez facile. Près de sept dixièmes (- 0”68) d’avance sur Kristoffersen. La seconde manche voit le tricolore commettre une énorme erreur juste avant le mur lui faisant perdre une seconde. Sa seule erreur. Privé de vitesse dans la partie stratégique du tracé il arrive néanmoins à tenir la deuxième place. Première course, premier podium confirmant les attentes placées en lui.

Les courses se suivent, mais ne se ressemblent pas. Il part à la faute dès son premier passage, à domicile, sur sa piste, la face de Bellevarde. « C’est frustrant, a réagi le skieur de Val d’Isère. C’est difficile parce que ne même pas faire une manche devant le public français… Je ne participe même pas à la deuxième manche, à la vraie course (…) Ça ne remet pas en cause mon ski. C’est un profil très différent de Levi et là-dessus j’étais aussi dans le coup. Il n’y a pas d’alerte à avoir au niveau du ski, ça je le savais avant la course. C’est une faute, c’est comme ça, c’est dommage, mais il ne faut pas que ça arrive trop souvent. »
Comme souvent, il rebondit dès le troisième slalom de la saison à Zagreb. Il ne perd pas son temps et fait coup double. Victoire (sa quatrième en carrière) et dossard rouge de leader de la spécialité. Taille Patron. Il succède à Jean Baptiste Grange dernier Français à s’être imposé en Croatie (2011).

Pas le temps de savourer, 3 jours plus tard, il s’élance à Madonna Di Campiglio. En nocturne, il prend une belle troisième place réalisant le meilleur temps de la deuxième manche. Un nouveau podium donc, accompagné de l’Helvete Daniel Yule et de Kristoffersen, qui lui reprend le dossard rouge pour deux petits points. « C’est pas forcément les conditions qui me conviennent le mieux mais j’ai vraiment réussi à adapter ça à la deuxième manche et je suis super content d’avoir pu faire une deuxième manche de cette qualité. J’avais vraiment envie de remonter et d’essayer d’envoyer. Ça s’est super bien passé donc je suis content de monter sur la troisième marche du podium même si on espère toujours mieux. »
Après être sorti en fin de deuxième passage à Adelboden, le revoilà sur les terres de son premier exploit. Wengen et sa piste de Lauberhorn va encore être le théâtre d’un slalom épique du Français. Une première manche de toute beauté, une concurrence repoussée à prés de 7 dixièmes et une deuxième manche totalement maîtrisée. Il a su gérer son avance pour s’offrir sa deuxième victoire en Coupe du Monde cette saison, la 5e de sa carrière. « Adelboden c’était une grosse déception. J’aurais pu être dans le match avec Daniel. Donc gagner ici, c’est super, a réagi le Français. Wengen, c’est la station qui me réussit le mieux pour le moment, même si ma carrière en Coupe du monde n’est pas encore très longue. La piste me réussit particulièrement, elle est très exigeante, très difficile. Avec l’ambiance ici, le paysage qu’on a, c’est une super course. »

Il dégage une impression de fluidité et de facilité lorsqu’il s’enroule autour des piquets tout en absorbant les mouvements de terrain. Tous les skieurs sont unanimes : pour gagner des courses, il faut prendre des risques, skier au plus prêt des piquets serrés du slalom, au risque parfois d’enfourcher ou d’être déséquilibré. « Clément est capable de beaucoup risquer, de lâcher très fort ses skis dans la pente tout le temps en faisant le minimum de chemin, au plus court, tout cela avec une technique qui lui permet de ne pas se mettre en sursis total, explique JB Grange. Il peut contrôler des endroits, il a cette intelligence de course. » Le vice-champion olympique de slalom 2002 Sébastien Amiez analyse pour l’AFP « Il a une grande efficacité au niveau du relâchement, surtout par rapport à sa taille. Sa ligne de courbes est raccourcie, il est positionné sur le haut du piquet. »
Jean-Pierre Vidal, Champion Olympique de slalom en 2002 n’y va pas de main morte dans le journal l’équipe. Pour lui « Clément est parti pour marquer le slalom mondial. » Son analyse est très intéressante, il poursuit « Clément skie différemment des autres. Il amène un nouveau cap au slalom. Il ne fait plus de virages, il est capable de mettre le ski en direction, de tailler sa trajectoire d’une porte à l’autre. Il y a eu des analyses scientifiques qui disent que la vitesse la plus rapide pour aller entre deux portes en slalom, c’est de tirer droit et de virer court pour ne plus faire de virages. Sauf que personne n’y arrivait avant. Lui, il peut le faire sur des portions de course. Il arrive à ”suinter” cette première partie du virage et ensuite à tirer droit de porte à porte. Il fait moins de chemin et il est toujours dans la ligne de pente. Il a de la marge, on sent qu’il peut encore augmenter sa vitesse de pieds. » L’intéressé n’oublie pas de rendre hommage à ses compagnons d’entraînement qui l’aident à s’épanouir et à grandir. « Peut-être que je skie différemment, mais eux m’aident beaucoup dans la maîtrise de mes courses, dans la gestion de la pression entre les deux manches et dans mes relations avec les médias qui me sollicitent de plus en plus. »

Le slalom suivant il finit encore sur le podium à la troisième place devant Arnold Schwarzenegger et un public autrichien en délire. La semaine dernière a eu lieu l’étape de Schladming en nocturne pour une nuit de folie. Kristoffersen remporte logiquement un quatrième succès sur la Planai (un record), devant Alexis Pinturault et Daniel Yule. Et Clément Noël termine juste au pied du podium. Première manche catastrophique du Vosgien qui se fait une énorme frayeur en terminant 30e et dernier qualifié. On le pensait atteint, mais il va sortir un 2e passage dantesque. Il signe le meilleur temps de la manche pour remonter 26 places et garder toutes ses chances dans la course au Globe de Cristal de la spécialité. « J’ai de la chance aujourd’hui d’être resté 30e après la première manche, je suis vraiment chanceux, raconte le skieur de Val d’Isère. Je n’y croyais pas du tout, j’étais prêt à rentrer à l’hôtel, je me suis fait un sandwich entre les deux manches, du chocolat, des trucs que je ne fais pas normalement, mais finalement je suis resté 30. C’est beaucoup de chance. »
Clément Noël débute le mois de février de la plus belle des manières. Il remporte sa troisième victoire de la saison. Sur la “verte des Houches” de Chamonix, à domicile, devant 20 000 spectateurs acquis à sa cause, il résiste à la pression et évite les fautes contrairement à Yule et Kristoffersen. Ce magnifique succès lui permet de revenir à seulement 2 points de Kristoffersen au classement de la spécialité. Se sera malheureusement le même écart au classement final, privant le Français du petit globe. En effet l’intégralité des épreuves techniques restantes est annulée pour cause de pandémie empêchant une bataille au sommet entre le Norvégien et le Français.

Terminons le portrait de ce jeune champion hors pair, atypique, qui ski dans les traces des plus grands, leader incontestable du slalom Français, pour lui souhaiter une carrière à l’image de son énorme talent. Qu’il nous fasse encore vibrer et vivre des émotions intenses. Laissons le dernier mot à Ingemar Stenmark, le monument suédois aux 86 succès en Coupe du monde, dithyrambique à son sujet, qui résume parfaitement le phénomène Clément Noël « Il est fantastique. Je pense qu’il sera l’un des meilleurs skieurs du monde, il a une très bonne technique. Il a un bon feeling, un bon touché de neige. Il peut skier aussi bien sur la glace comme sur la neige plus douce, et ça, c’est assez difficile. »