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Qui était Justin Fashanu, le premier footballeur ouvertement gay, entré au Hall of Fame ?

Le nom de Justin Fashanu ne vous dit peut-être rien… Pourtant, il est le premier footballeur professionnel, noir, à avoir ouvertement assumé son homosexualité. En 1998, le joueur britannique se donne la mort. L’histoire de Justin Fashanu a, dans les années 90, mis en avant la question de l’homosexualité dans le sport. Retour sur le destin de celui, qui est aujourd’hui devenu symbole de la lutte contre l’homophobie dans le football : Justin Fashanu. 

Justin Fashanu ou l’étoile montante du football anglais

Fashanu naît en 1961 à Londres. Son père, un avocat nigérian abandonne la mère de Justin, obligée d’élever seule ses quatre enfants. Mais à l’âge de cinq ans, Justin et son frère, John, sont abandonnés, puis adoptés dans une même famille. Rapidement, quelque chose perturbe le jeune britannique. En effet, adopté dans une famille blanche, élevé dans une une Angleterre anti-émigration des années 70, Justin Fashanu et son frère John ont bien du mal à trouver leur place. En 1978, il signe son premier contrat professionnel avec le club de Norwich. Attaquant de qualité, technique et physique, Justin se démarque de ses coéquipiers. Il gagne même, en 1980, le But de la Saison de la BBC en inscrivant un but d’anthologie contre Liverpool : une reprise de volée dans le petit filet de Ray Clemence, gardien emblématique des Reds. En inscrivant 40 buts en 100 matchs, Justin devient l’étoile montante du football anglais. Un an plus tard, le club de Nottingham Forest, double champion d’Europe, est prêt à faire une offre historique. 1,7 millions d’euros. C’est la première fois dans l’histoire du football qu’un joueur, noir, dépasse le million d’euro pour un transfert. Justin Fashanu a alors l’ambition de devenir un modèle, une référence, une inspiration pour les jeunes footballeurs noirs. Il veut montrer que la couleur de peau n’est pas un frein pour réussir et que le la persévérance et le travail payent. Il devient, progressivement, une icone de la lutte contre le racisme dans le football et en Angleterre. 

Le déclin du jeune joueur 

Mais à Nottingham, tout ne se passe pas comme prévu. Avec 3 buts en 32 matchs, Justin souffre non seulement du mépris de son entraîneur Brian Clough, mais aussi de la haine des supporters. Entre insultes et cris racistes, ce qui dérange le plus, c’est la rumeur qui court… Connu pour sa vie nocturne active, Justin aurait été vu dans des bars gays de Nottingham. Pour le club anglais, c’est la goutte de trop. Brian Clough n’hésite pas à humilier son joueur, dans les vestiaires et dans les médias. 

Quelques années plus tard, en 1985, Justin Fashanu se blesse au genou avec le club de Brighton. Démarre alors une succession de conflits familiaux et de mauvais choix de vie. Après avoir dépensé beaucoup d’argent dans ses opérations mais aussi dans ses sorties, parfois jugées excessives, Justin n’a plus d’argent. Son frère, John Fashanu, lui aussi footballeur professionnel n’approuve en rien le mode de vie de son grand frère. Déclarations après déclarations, on comprend que la relation entre les deux frères, pourtant liés par une enfance compliquée, devient de plus en plus conflictuelle. Malgré son bon rétablissement, Justin n’y arrive plus. À la fin des années 80, il enchaînes les petits contrats dans différents clubs, Los Angeles, Edmonton au Canada, puis Manchester City, où il ne jouera que deux petits matchs.  

Les années 90, décennie de la révélation                                                   

Ruiné psychologiquement et toujours à la recherche de notoriété et d’argent, Justin décide d’assumer son homosexualité. Il contacte alors le magazine britannique The Sun auquel il vend son coming-out. C’est le coup de tonnerre dans le monde du football. Même si le footballeur était en mal de temps de jeu, personne n’aurait pensé une telle révélation. Mais Justin ne s’arrête pas là. En effet, dans un entretien, il dévoile avoir eu des relations sexuelles avec le député conservateur David Atkinson. Quelle affaire pour un pays ultra conservateur, à grande majorité blanche, dirigé d’une main de fer par Margaret Thatcher, apprenant qu’un homme noir, gay aurait eu une relation avec un député. Pour le monde du football, les réactions sont vives. De nombreux joueurs, témoignent leur dégoût envers les homosexuels, et rejettent fondamentalement qu’un homme comme Justin, puisse fouler les pelouses anglaises. La réaction de sa famille est aussi sans appel, son frère John se désolidarise totalement de son aîné qui se retrouve alors seul, contre tous. Les années passent et l’envie de prendre un nouveau départ grandit. 

La Une du magazine The Sun, le lendemain de la déclaration (Source : Cahiers du football)

En 1997, Justin Fashanu met fin à sa carrière de joueur et s’envole aux États-Unis. Un an plus tard, il signe son premier contrat en tant qu’entraîneur dans la région de Baltimore. Et encore une fois, tout ne se déroule pas comme prévu. Avant le début de la saison, Justin est accusé de viol par un mineur du club. La justice du Maryland ouvre alors une enquête mais le britannique quitte Baltimore et rentre en Angleterre pour fuir le procès mais surtout, pour fuir cet état où l’homosexualité est condamnée. Le 2 mais 1998, Justin Fashanu se donne la mort, laissant une lettre où il assure n’avoir agressé personne. 

De vives réactions et une reconnaissance

A l’époque, personne ne remet en cause le monde du football, ses dirigeants, ses supporters. Ce n’est qu’en 2012 que la nièce de Justin, Amal Fashanu, alors journaliste à la BBC, diffuse un documentaire appelé « Britain’s Gay Footballers » en hommage à son oncle. Le documentaire, d’ailleurs primé aux British Broadcasting Awards en 2013, dénonce toute forme de racisme et d’homophobie dans le monde du football et plus généralement, dans le monde du sport. Aidée de son père, Amal se bat chaque jour pour que la mémoire de son oncle soit faite et que jamais plus, un jeune soit rejeté du monde du foot pour son identité sexuelle. Et cette année, c’est la consécration. Le 19 février dernier, alors qu’il aurait eu 59 ans, Justin Fashanu entre, parmi les grandes gloires du football anglais, dans le célèbre musée du Hall of Fame. Sa nièce présente pour l’occasion, avait déclaré au Daily Mirror « Wow, il reçoit enfin la reconnaissance qu’il mérite (…) C’est un geste important et un grand pas en avant parce qu’ils le reconnaissent enfin sur un tout autre niveau. » Mais coïncidence malheureuse, l’hommage à Justin Fashanu intervient alors qu’un groupe de supporters de Manchester United (18 janvier, 5e tour de FA Cup) a été dénoncé pour chants homophobes lors du match contre Chelsea… 

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