Après un three peat, trois titres de MVP des finales, trois titres de MVP de saison régulière, six sélections dans la All défensive team, sept sélections au All Star Game, sept titres de meilleur marqueur, Jordan surprend le monde de la NBA en déclarant sa retraite en septembre 93 à l’âge de 30 ans. Un tremblement de terre à quelques jours du training camp, motivé par la lassitude de son quotidien et la mort tragique de son père au mois de juillet de la même année. Alors qu’il déclare un “retour impossible” à l’occasion de la cérémonie de retrait de son maillot en 1994, il revient finalement sur sa décision en mars 1995, un choix qu’il bouleversera l’histoire. Retro
Il s’était occupé entre-temps en tentant de devenir joueur de baseball professionnel, mais l’expérience n’avait pas été particulièrement concluante. Apparue en ligue Mineur chez les Birmingham Barons, filiale des White Sox de Chicago, il affiche une moyenne de 0,202 de réussite à la batte, 3 home Runs, 51 points et 30 bases volées en 127 matchs. La perspective d’intégrer la MLB s’éloigne par ailleurs en raison d’une grève générale de la Ligue en 1995.
18 mars : “I’m back”
Un événement qui précipite la rumeur d’un come-back dans le basket-ball. D’autant que MJ fréquente régulièrement le Berto Center depuis quelques semaines, afin d’y affronter ses anciens camarades, Pippen et Armstrong notamment. Puis le 18 mars 1995, la nouvelle tombe avec un fax désormais célèbre de trois mots : “I’m back“, sans aucune explication, MJ n’avait pas besoin d’en dire plus. La nouvelle fait l’effet d’une bombe et offre un véritable soulagement pour toute une génération d’amateur de sport.
En effet en cette année 1995, Outre Jordan, la NBA, pas aussi médiatisée que de nos jours, souffre des départs à la retraite de Magic Johnson en 91 et celui de Bird en 1992. Ses trois plus grandes icones de la dernière décennie. Le sport américain en général connait une période tumultueuse, la MLB est au beau milieu d’une grève et la NHL ressort à peine d’une période de Lock-Out. Le monde de la NFL, lui, en plein intersaison, est rivé sur le procès en cours d’O.J. Simpson, tandis que l’affaire Tonya Harding éclate au grand jour dans le patinage.
« Je l’espérais mais je ne pensais pas que cela deviendrait réalité. On avait évoqué une possibilité en début de semaine, et là, ça arrive. Pour nous et les fans, c’est un soulagement. » Déclare Phil Jackson
Le lendemain – plus d’un an après sa retraite – Jordan est de retour sur le terrain avec les Chicago Bulls pour affronter Reggie Miller et les Indiana Pacers. La NBA a évolué, les Rockets d’Hakeem Olajuwon ont repris le flambeau des Bulls, tandis que ces derniers, menés par Scottie Pippen, n’affichent plus le même visage. Malgré une première saison de transition à 55 victoires, le temps de la domination semble dévolu après une élimination en demi-finale de Conférence face aux Knicks. Phil Jackson est usé et pourrait quitter le navire à la fin de la saison. Mais très vite, l’effet Jordan se fait ressentir. Les Bulls, négligés, avec une côte de 40 contre 1, redeviennent les favoris au titre en passant à 5 contre 1 malgré un bilan à peine positif de 34 victoires pour 32 défaites.
Attente et interrogations
L’attente est énorme, l’hystérie est déjà présente à l’aéroport d’Indianapolis et près de 350 demandes d’accréditation ont été reçus. Le match est télévisé en antenne nationale et reste, à ce jour, comme le plus regardé avec 35 millions de téléspectateurs. En France, Canal +, détenteur des droits, le diffuse également. Dans la salle, le public de la Market Square Arena se lève à l’annonce de son nom, rendant un hommage à celui qu’ils ont longtemps sifflé. Pourtant, les interrogations sont nombreuses. Pourquoi revenir en NBA ? Physiquement, peut-il tenir le rythme à 32 ans ? Quel rôle doit-on lui attribuer dans un vestiaire désormais habitué à son absence. Jackson n’a pas de mal à y répondre, comme le témoigne l’arrière Pete Myers.
« Bien sûr, je savais que Mike commençait ; il connaissait toujours les systèmes offensifs. Phil (Jackson) n’a pas eu besoin de me le dire. J’entrais dans le vestiaire visiteur et Phil traversait la pièce. Je ne sais pas s’il me cherchait ou pas, mais il m’a dit « Je vais faire débuter Michael ce soir. » Je lui ai demandé « Tu es sûr de vouloir faire ça ? » Il m’a dit de dégager et nous nous sommes marrés.
Sur le terrain Jordan porte le n ° 45 pendant le match car le n ° 23 avait été retiré par les Bulls après sa retraite. Il retrouve sur le parquet ses anciens frères d’armes, Scottie Pippen, Will Perdue et B.J. Armstrong, ainsi que Steve Kerr, Toni Kukoc et Bill Wennington, remplaçants d’Horace Grant et Bill Cartwright, partis.

Si l’émotion est bien présente, tout n’est pas si simple, surtout face à l’une des meilleures équipes de la Conférence Est (d’un autre niveau que celle d’aujourd’hui). Les Pacers, détenteur d’un bilan de 40 victoires pour 24 défaites, se composent d’un roster talentueux avec Mark Jackson, Rik Smits, Antonio Davis, Byron Scott et Derrick McKey pour entourer Reggie Miller. Ces derniers sont à domicile et sont prêts à tout pour gâcher le retour de Jordan.
Un retour difficile
Les premiers shoots sont d’ailleurs fébriles (0/6) et les Bulls se retrouvent menés 47-37 à la mi-temps. L’écart se creuse encore au retour des vestiaires mais comme au bon vieux temps, Pippen (31 points) et Jordan amorcent la remontée. Ainsi, malgré un déficit de 16 points dans le troisième quart, ils arrachent la prolongation, qu’ils perdent finalement 103-96. Jordan a marqué 19 points (7/28) avec six rebonds et six passes décisives en 43 minutes d’action. Loin d’être hors de forme, le n°45 n’est pas du même acabit que le 23 mais qu’importe, Jordan est de retour.
« J’aurais dû me douter que l’idée de revenir contre Indiana n’était pas top. Nous avons perdu mais je ne me fais pas de souci. Si j’avais scoré 60 points aujourd’hui, la suite aurait été ennuyeuse. » raconte t-il après le match
Quatre matchs plus tard, Jordan domine les Knicks au Madison Square Garden en inscrivant 55 points, dans une rencontre qui façonne une partie de sa légende et qui porte le nom de « Double Nickel » et que Miller avait prédit “il est toujours le même. Laissez-lui deux ou trois match et il sera extraordinaire, comme autrefois“. Prophétique, dans les derniers instants à 111-111, Jordan fait basculer le match en dribblant autour du périmètre, attirant John Starks et Patrick Ewing afin de servir Bill Wennington sous le panier, pour les points décisifs. Désormais moins aérien, Jordan se tourne vers une arme terriblement létale par la suite, le Fadeway. Au cours de ses 17 matchs de saison régulière, il inscrit une moyenne de 26,9 points pour un bilan de 13-4, les Bulls terminant 5ème à l’Est.
En séries éliminatoires, malgré une moyenne de 31,5 points, les Bulls n’ont pas assez pour dépasser le Magic d’Orlando en demi-finale de conférence. Chicago s’incline face à la bande de Shaquille O’Neal et Penny Hardaway en six matchs. Suffisant pour remettre en cause le retour de Jordan et sa capacité à de nouveau amener les Bulls vers le titre. La suite est connue, grâce à un nouvel effectif, il mènera les siens vers un nouveau Three Peat, signant des saisons records avant de prendre une seconde fois sa retraite.