Il y a douze ans jour pour jour, l’élève de Denis Auguin entrait, à Eindhoven, dans la légende de la natation mondiale. Avec un chrono de 47“60 en demi-finale des Championnats d’Europe, Alain Bernard s’offre un premier record du monde du 100 m. Retour sur ce moment inoubliable.
Le record de Pieter van den Hoogenband à aller chercher.
Le record du monde était jusqu’à présent tenu par la légende VDH avec un incroyable chrono fixé à 47“84. Mais si les spectateurs néerlandais n’attendent qu’une chose : assister aux nouveaux exploits de leur idole, ils n’en verront que très peu la couleur. Après avoir reporté le bronze au 4x100m, le double champion olympique tombe malade… et déclare forfait pour le 100m. La place de leader est alors libre. Mais à entendre les déclarations de nos français, rien ne laissait présager que ce moment resterait dans les annales. « Avec le coach, on ne s’était pas fixé d’objectifs très précis pour cet Euro. Je voulais simplement gagner chaque course sur laquelle je m’alignais. » avait déclaré le futur recordman. Pas d’objectif précis donc, mais la volonté tout de même, d’aller chercher la victoire. Et Alain Bernard a une revanche à prendre. En effet, un an plus tôt, lors des Mondiaux de Melbourne, Bernard n’avait pas été à la hauteur de nos espérances. Avec une neuvième place aux 100m et au 50m, le Français avait échoué aux portes de la finale. Son coach, Denis Auguin, n’avait d’ailleurs pas manqué de le remettre en place : « Je lui ai passé un savon, c’est vrai. Je lui ai dit qu’il avait déconné sévère et qu’il devait muscler son jeu, pour paraphraser Aimé Jacquet ».
Une blessure et une rééducation éclair
En septembre 2007, moins d’un an avant les Championnats d’Europe, Alain Bernard se blesse. Une luxation eu 2e degré de l’épaule, et les médecins sont formels : interdiction de bouger le bras pendant trois mois. Et là, c’est la panique. À sept mois de la compétition, comment faire pour espérer revenir au meilleur niveau ? Privé des bassins pendant cinq semaines, le Français replonge finalement le 20 octobre. « Mais c’est compliqué, avoue le Français. Je ne peux rien faire ou presque. Je peux crawler mais interdiction de sprinter. Je vois mon kiné deux à trois fois par semaine. C’est l’enfer. » En décembre, Bernard participe finalement à l’Euro en petit bassin et s’en sort bien : du bronze sur le 50m, l’or sur 100m et l’argent au relais 4x50m. Mais ce n’est pas suffisant. De janvier à mars, le nageur est forcé de redoubler d’efforts aux entraînements : « Quand les autres quittaient le bassin, je restais, seul, avec Denis et je nageais 1 500m de plus pour combler ce retard. » Alain Bernard est prêt, prêt à exploser sur ces Championnats d’Europe qui resteront dans l’histoire de la natation.

Un record dans une course historique
La course lancée, Alain Bernard domine ses adversaires à la sortie des 50 mètres. Et c’est à ce moment, que le nageur de 24 ans passe dans une autre dimension. Pas vraiment inquiété par ses adversaires, rien ne semble pouvoir arrêter le français. Il donne une impression de fluidité, d’aisance et ne cesse de s’employer. Des amples mouvements qui lui permettent, sans concurrence, de rejoindre la finale du lendemain. Mais ce qui est historique, c’est le nouveau record du monde. Alain Bernard détrône Pieter van den Hoogenband avec un nouveau record du monde : 47 secondes et 60 centièmes soit 24 centièmes de moins que le néerlandais. « Sur le moment, je vois 47’’60, 47’’84. Et je ne comprends pas. Je ne comprends pas lequel est plus grand, plus petit. Mais moi, je suis où, j’ai fait 84 ? 60 ? C’est quoi le record ? Honnêtement je pense qu’il y a eu entre trois et quatre secondes de flottement, le temps de reprendre ses esprits. » Et le lendemain, le Français remet ça en finale : un titre continental et un nouveau record du monde (47“50). Une performance stratosphérique. Cinq mois plus tard, Alain Bernard se hissera sur le toit du monde en décrochant l’or aux Jo de Pékin. Il devient ainsi, le premier Français champion olympique du 100m.