En ces jours de confinement, l’actualité sportive est proche du palmarès collectif de Dan Marino. L’occasion pour le CCS de réviser son éphéméride et de se focaliser sur ces sportifs qui fêtent leur anniversaire dans les jours à venir. Toujours en activité, à la retraite ou partis trop tôt, nous choisissons des joueurs ou joueuses qui ont marqué la mémoire collective du sport.
En ce Mercredi 25 mars, c’est à un récent boxeur retraité et légende des poids lourds, que nous souhaitons un joyeux anniversaire : Wladimir Klitschko. L’occasion de revenir sur la carrière exceptionnelle de ce géant ukrainien, qui aura marqué les années 2000 et 2010 de son empreinte.
Celui qu’on surnomme Docteur Steelhammer, est donc né le 25 Mars 1976, à Semeï au Kazakhstan. S’il possède bien la nationalité Russe, il n’y est pas né à cause du poste qu’occupait son père. En tant que chef dans l’armée de l’air de l’EX-URSS, les mutations étaient fréquentes et la famille suivait à chaque fois. Ainsi, s’il connait une enfance rythmée par les déménagements, il reste toutefois toujours au près de son père et sa mère, enseignante. Son éducation est très stricte et l’instruction a une place très importante. Mais une autre figure a une place prépondérante dans le développement et le façonnement de Wladimir : son fère, Vitali. De 5 ans son aîné, c’est lui qui va l’influencer et le pousser à commencer la boxe.
En effet, l’aîné est attiré dès son plus jeune âge par les arts martiaux, malgré l’interdiction de les pratiquer et d’en visionner les films dans son pays. Il réussit même à participer à des séances de Kickboxing clandestines organisées lorsqu’il loge à Kiev à partir de 1885. Lorsque l’URSS lève l’interdiction, il va faire de la compétition et devient rapidement champion d’URSS, avant de décider ensuite de se convertir à la Boxe Anglaise. Wladimir a donc été imprégné toute son enfance par la passion de son frère, c’est donc assez logiquement qu’il le rejoint dans son club de boxe anglaise et va connaitre ses premiers succès.
Débuts amateurs et émigration en Allemagne
Il dispute sa première compétition internationale majeure en 1993, lors des championnats d’Europe Juniors en Grèce et décroche son premier titre. Deux ans plus tard, alors qu’il est âgé de 19 ans, il commence à boxer chez les seniors et émigre en Allemagne où il combat pendant un an pour le club de boxe de Flensbourg. Il va alors connaitre ses plus grands faits d’arme chez les amateurs (détails ci-dessous).
Le docteur Steelhammer écrit donc les premières lignes de sa légende sur le circuit amateur allemand et international. En 2 ans, il se construit un palmarès impressionnant, avec en point d’orgue le titre aux jeux olympiques d’Atlanta en 1996. Après ces derniers, il compte 134 victoires pour 6 défaites en 140 combats. Il ne fait alors plus de doute que ce jeune ukrainien de 20 ans fait partie du gratin mondial de la boxe amateur. Le club de Fensbourg se voit bien continuer avec lui une année supplémentaire, mais il voit les choses autrement et décide passer professionnel suite aux JO, en même temps que son frère.
Premiers pas en pro et premières interrogations
Dans le prolongement de leurs débuts en amateur et malgré la proposition du très célèbre promoteur américain, Don King, les Klitschko choisissent de débuter leur carrière en Allemagne. Ils signent avec le promoteur Klaus Peter Khol et font leurs débuts professionnels le 16 Novembre 1996 à Hambourg, au Sporthalle Wandsbek. Ils sont alors tous les deux entraînés par Fritz Sdunek, avec qui Wladimir partagera ses 8 premières années de Boxeur. Les débuts de l’ukrainien font office de sans faute. Ses 24 premiers combats se soldent tous par des victoires dont 22 avant la limite.
Mais en Boxe, il ne suffit pas d’empiler les victoires et rester invaincu pour être considéré comme un grand. Pour gagner le respect du monde du noble art et s’inscrire comme un grand poids lourds, il faut se mesurer à ceux considérés comme les meilleurs de sa propre génération. Wladimir en était alors loin et plusieurs de ses résultats allaient faire douter bon nombre d’observateurs sur sa réelle valeur.
Le 12 Mai 1998, , Dr Steelhammer est Opposé à Ross Puritty. Ce dernier est un boxer moyen, détenteur d’une carte de 24-13-1*. Comme lors de tous ses combats jusqu’à là, Wladimir domine et étouffe son adversaire en débitant beaucoup de coups pour un poids lourd. Mais arrivé à la fin du combat, il montre des signes de fatigues et Purrity parvient de plus en plus à toucher le géant Ukrainien. Arrivé au 11ème Round, il est même très touché et l’arbitre finit par arrêter le combat. Il chute ainsi pour la première fois et sa carrière connait alors un premier coup d’arrêt. Beaucoup de personnes (notamment les américains), mettent en doute sa capacité à encaisser des coups et jugent son menton trop fragile pour survivre chez les lourds.
Faux Départ
Wladimir s’éloigne alors des radars et doit retourner combattre des adversaires de seconde zone, avant de pouvoir se frotter au gratin mondial. De Mai 1998 à Octobre 2000, il va ainsi combattre à 10 reprises avant d’avoir de nouveau un title shot**. Durant cette période, il va remporter tous ses combats avant la limite et s’emparer de deux ceintures (champion inter-continentale et européen). Il gagne alors le droit de combattre pour la ceinture mondiale de la WBO contre Chris Byrd, récent vainqueur de son frère Vitali. Ce combat de la revanche doit donc permettre à Wladimir de se repositionner sur l’échiquier de la boxe poids lourds mondial. Chose qu’il parvient à faire puisque après douze reprises d’un combat acharné, Klitschko est déclaré vainqueur par décision unanime.
Après cette victoire, sa carrière semble décoller. Il défend à cinq reprises sa ceinture, dont 3 fois aux Etats-Unis. Il est même co-main event aux côtés de Floyd Mayweather le 7 Décembre 2002, au Mandala Bay à Las Vegas. Mais une nouvelle fois, les doutes quant à sa capacité à encaisser les coups vont refaire surface. Le 8 mars 2003, alors qu’il défend sa ceinture pour la sixième fois consécutive, il va subir une outrageuse défaite face à Corrie Sanders. A terre à deux reprises dès le premier round, Wladimir est très atteint dès le premier coup porté par son adversaire. De nouveau knockdown*** à deux reprises dès le début du second round, l’arbitre n’a d’autre choix que d’arrêter le combat (vidéo ci-dessous).
Le rebond
Le clan Klitschko commence lui aussi à se poser des questions sur les réelles capacités de Wladimir à se hisser au sommet de la division poids lourds. Des changements vont alors s’opérer. D’abord, la collaboration entre Wladimir et son entraîneur Fritz Sdunek va prendre fin en 2004. C’est l’américain Emmanuel Steward, ancien coach de Lennox Lewis qui va lui succéder. De plus, les training camps de l’Ukrainien se dérouleront dorénavant exclusivement à Stanglwirt, dans les montagnes autrichiennes. Malgré cela, Dr Steelhammer échoue dans sa reconquête et perd une nouvelle fois de façon peu glorieuse, lors de son championnat du monde contre Lamon Brewster (TKO au 5ème round), en Avril 2004. Sa carrière semble alors au plus bas et même son frère Vitali semble douter des réelles capacités de son frère. En effet, les relations entre les deux se détériorent pour le première fois. Wladimir n’accepte plus l’hyper implication de Vitali dans sa préparation et lui demande de ne plus venir aux camps.
Ainsi, malgré cette période très compliquée, il continue à croire en lui et compte bien parvenir à modifier sa boxe afin de dominer les lourds malgré ses faiblesses. Avec Steward, ils vont alors s’acharner à modifier sa boxe afin de tirer au maximum profit de ses qualités. Dorénavant, l’ukrainien doit réduire son nombre de coups donnés et plus se servir de son exceptionnelle mobilité pour son gabarit (1.98m). Il doit devenir mon agressif et martyriser ses adversaires sur la longueur. Il va alors parfaire ses directs qui vont devenir des armes létales pour décourager ses opposants et combattre de manière beaucoup plus posée, plus réfléchie.
Son retour sous les projecteurs se fait en Septembre 2005, au Boardwalk d’Atlantic City, où il affronte l’invaincu Samuel Peter (24-0-0). Ce dernier est alors considéré comme l’un des plus gros puncheurs de la catégorie, étant capable de mettre n’importe quel adversaire KO. Ce match fait donc office de test parfait pour savoir si Klitschko est oui ou non capable d’encaisser des coups d’un poids lourd dominant. Après 12 round d’une bataille acharnée, le docteur aura tenu bon et remporte le combat par décision unanime des juges. Il prouve alors qu’il est capable de tenir et encaisser les coups d’un énorme puncheur comme Peter. La suite n’est que légende.
L’unification et les records
Le 22 Avril 2006, il reprend les titres IBF et IBO à Chris Byrd en le battant par KO dans son pays d’adoption, en Allemagne. A ceux-ci il parviendra à ajouter deux titres. D’abord la ceinture WBO lors de son affrontement contre Ibragimov en Février 2008. Puis celle de la WBA lors d’une rencontre au sommet contre l’anglais David Haye en Juillet 2011. Ainsi, jusqu’en 2015 et sa défaite contre Tyson Fury, il défendra à 18 reprises ses titres mondiaux. En tout, le règne de Wladimir aura duré 12 ans, faisant de lui le champion combiné poids lourd avec la plus grande longévité de tous les temps, devant la légende Joe Louis. De plus, si on prend son record total de 25-4-0, il est même le poids lourds avec le plus grand nombre de victoires en championnats du monde.
Ainsi, il ne fait aucun doute que Klitschko fait partie du gratin mondial de la boxe poids lourd. S’il parait difficile de le classer parmi les 10 meilleurs all time de la catégorie, notamment du fait de ses dernières défaites contre des boxeurs comme Fury ou Joshua, il est toutefois difficle de ne pas le citer dans le top 20 voir 15. Si sa capacité à encaisser les coups et la solidité de son menton ont toujours fait débat, Wladimir n’en est pas moins un des poids lourds les plus atypiques de l’histoire. Doté d’une mobilité inconcevable pour quelqu’un de son gabarit et de directs foudroyant qui lui auront permis d’envoyer 53 fois ses adversaires au tapis, il fut assurément le tout meilleur poids lourd durant plus d’une décennie, et parmi les plus grands de l’histoire.
Explications :
* 24 Victoires – 13 Défaites – 1 Nul
** Un combat pour le titre
*** Aller au tapis et se relever en moins de dix secondes