A 30 ans, Ilnur Zakarin a cette saison pour la première fois depuis cinq ans changé d’équipe en passant de la Katusha à la CCC. De la Volga à l’Angliru en passant par l’Italie, retour sur son parcours atypique.
Né le 15 septembre 1989 dans la ville industrielle russe de Naberejnye Tchelny, Ilnur Azatovicth Zakarin est un coureur de l’équipe polonaise de la CCC. Aujourd’hui leader d’une formation World Tour, le parcours d’Ilnur pour arriver à ce statut n’a pas été de tout repos.
Ses débuts
Avant de se diriger vers le cyclisme, le petit Ilnur a testé la boxe et fut grandement passionné par la musique. C’est lors d’un voyage scolaire dans un club de cyclisme que le coup de cœur interviendra. Il ne quittera plus ce sport. Zakarin commence alors sa passion en rêvant de grand succès comme son idole Denis Menchov (vainqueur du Giro et de la Vuelta). Il choisit de s’aligner sur des courses juniors de sa région, le Tatarstan, et va rapidement dans des courses à échelle nationale.
Sa première grosse performance est d’avoir gagné les championnats d’Europe de contre-la-montre junior de 2007 à l’âge de 17 ans, devant un certain Michal Kwiatkowski. Zakarin cherche alors à devenir plus polyvalent et se mit à perdre 10 kg afin de devenir plus aérien dès que la route s’élève. Mais une tâche noire va venir perturber son ascension. En juillet 2009, il est contrôlé positif (après la prise d’un stéroïde anabolisant) quelques semaines avant son vingtième anniversaire. Il est alors interdit de course pendant 2 ans après avoir été suspendu par la fédération russe de cyclisme. Pour sa défense, le russe clame avoir suivi naïvement les conseils d’une de connaissance et n’avoir jamais eu l’intention de se doper.
Un nouveau départ
Zakarin revient à la compétition en 2012. Il intègre la réserve de l’équipe World Tour Katusha, l’équipe continentale Itera-Katusha. Il remporte une étape d’un tour d’Italie espoir et porte la tunique de leader pendant trois jours. Il finit finalement à la neuvième place du général. En août, il est promu stagiaire au sein de la World Tour de Katusha et se classe treizième du Tour du Poitou-Charentes. A l’issu de la saison 2012, on ne lui propose pas de contrat. Le russe est alors contraint de retourner à l’échelle inférieure et signe un contrat de 2 ans chez l’équipe continentale RusVelo. A 23 ans, Ilnur doit se résoudre à refaire ses preuves. Dès la saison 2013, il met à profit ses qualités de rouleurs. Il devient alors champion de Russie du contre-la-montre. En 2014, il réalise quelques bons résultats en triomphant au Tour d’Azerbaïdjan et en finissant deuxième du Tour de Slovénie. Dès septembre, la Katusha lui fait un joli cadeau d’anniversaire en lui offrant un contrat dès 2015 pour une durée de 2 ans. Une seconde chance à ne pas manquer.
Premiers grands succès
Le russe commence donc sa première saison entière chez une équipe World Tour à l’âge de 25 ans. Pour sa première course WT, il finit neuvième du Tour de Pays basque en suivant les meilleurs grimpeurs du peloton dans l’étape de montagne (Joaquim Rodriguez, Nairo Quintana, Bauke Mollema, etc.). Sa grande performance de la saison 2015 se réalise quelques semaines avant le Giro. Zakarin prend place à une autre course World Tour, le Tour de Romandie. Cette édition 2015 offre aux spectateurs un plateau d’envergure avec quelques vainqueurs des derniers grands tours : Christopher Froome (Tour de France 2013), Vincenzo Nibali (Giro 2013, Tour de France 2014) ou encore Nairo Quintana (Giro 2014) pour ne citer qu’eux. Beaucoup de grands noms viennent donc parfaire leur préparation (avant leurs objectifs). Durant l’avant dernière étape, Zakarin montre une très grande forme en finissant deuxième de l’étape reine à sept secondes du français Thibaut Pinot et endosse la tunique de leader. Terminant cette épreuve avec une belle troisième place dans un contre-la-montre final, Zakarin remporte contre toute attente le Tour de Romandie devant Simon Spilak et Chris Froome. Un véritable coup de projecteur avant de participer à son premier grand tour, le Giro. Durant un Tour d’Italie 2015 où la bataille Contador – Aru faisait rage, le russe va une nouvelle fois se mettre en évidence. Lors de la onzième étape, montagnarde, il s’impose en solitaire et s’offre son premier succès dans un grand tour. Zakarin semble alors être en mission pour rattraper le temps perdu.

En 2016, c’est sur les routes françaises que le russe va mettre en avant ses qualités de grimpeur. En mars, il remporte l’étape reine de Paris – Nice devant le futur vainqueur, Geraint Thomas, et finit quatrième du général. En juillet et après un abandon sur le Giro, il s’aligne sur la Grande Boucle. De nouveaux, il se montre aérien et remporte la 17e étape du Tour de France 2016. Une nouvelle fois, comme sur le Tour d’Italie 2015, le russe parvient à se débarrasser de ses adversaires et s’impose en solitaire, cette fois ci devant le colombien Jarlinson Pantano et le futur meilleur grimpeur Rafal Majka. Alors qu’il devait participer aux Jeux Olympiques, le russe fut interdit de départ à cause de son contrôle antidopage de 2009.
Leader pour le classement général
Pour la saison 2017, Zakarin fait du tour d’Italie son grand objectif. Cette fois ci, il compte bien viser le classement général. Contrairement aux années précédentes, il débarque sur un grand tour sans avoir gagné. Les deux grands favoris de ce Giro sont Nairo Quintana et Vincenzo Nibali, le vainqueur sortant. Parmi les outsiders, on peut citer le néerlandais Tom Dumoulin, les deux Sky Geraint Thomas et Mikel Landa, Steven Kruijswijk, Thibaut Pinot ou encore Adam Yates. Avec une forte concurrence habituée à être à 100% durant trois semaines, il semble difficile pour Zakarin de prétendre à bouleverser la hiérarchie, étant donné qu’il n’est pour l’instant sur les grands tours qu’un chasseur d’étapes occasionnel. Mais une nouvelle fois comme depuis ses débuts professionnels chez Katusha, le russe va être présent là où on ne l’attend pas. Après trois semaines d’une grande régularité, il termine à une belle cinquième à moins de deux minutes du vainqueur Tom Dumoulin. Après avoir pu récupérer de ce Tour d’Italie usant pour les organismes, il s’aligne sur la Vuelta en espérant faire mieux que durant le mois de Mai. Une nouvelle fois, Zakarin réalise un excellent classement. Derrière le match Froome – Nibali qui a vu le britannique remporter sa première Vuelta (avant qu’on lui attribue celle de 2011 suite au déclassement de Cobo Acebo), le russe parvient à tirer son épingle du jeu. Alors quatrième avant la dernière étape de montagne, il réalise une excellente montée du terrible Alto de l’Angliru et chipe cette dernière à Wilco Kelderman. Il s’assure son premier podium de grand tour. La reconnaissance arrive alors jusqu’à son pays où il sera élu sportif de l’année au Tatarstan, sa région natale.

Retour dans le rang et changement d’équipe
Pour la saison 2018, Zakarin arrive avec de nouvelles ambitions et un nouveau statut. Passé de chasseur d’étapes à sérieux outsider du classement général, il est désormais connu et attendu par les autres écuries. Le russe se fixe comme objectif de monter sur le podium du Tour de France. Cette fois-ci le russe ne progresse pas et termine à une neuvième place décevante pour lui sur le plan personnel. En 2019, il retrouve le succès sur un grand tour plus de trois ans après sa dernière victoire en World Tour en levant les bras lors de la treizième étape du Tour d’Italie, qu’il terminera à la dixième place.
Après des débuts tardifs, Ilnur Zakarin avait su rattraper le temps perdu en obtenant des succès de prestige et de très bons résultats sur les grands tours. Cependant, le coureur semble être rentré dans le rang depuis deux saisons et gagne moins. Avec un changement d’équipe pour la saison 2020 en arrivant à la CCC, le russe compte bien relancer sa carrière.
