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EXCLUSIF : @Gigg’s: “Je pense être aussi authentique que possible”

“Ils comprendront dans 100 ans.” “C’est un puncheur.” “Pour des gens comme nous, les rêves n’existent pas”. Vous avez déjà lu ça quelque part sur Twitter ? C’était sur le compte de @Giggs_. Mêlant sport, humour, analyse et culte voué à Josh Maja, sa communauté de 40 000 followers s’amuse de l’ingéniosité du twittos. Rencontre avec le supporter girondin, qui a fait des réseaux sociaux son moyen de gagner sa vie.

Salut Gigg’s, peux-tu te présenter brièvement pour ceux qui te découvrent ?

Salut. Je réponds au surnom de Gigg’s et j’ai 23 ans. Dans la vie, je fais des blagues sur Internet. À côté de ça, je passe le reste de mon temps à vouer un culte aux brunes bronzées ainsi qu’à Josh Maja. Je pourrais te raconter que j’ai été le seul survivant d’une portée de trois enfants ou encore que j’ai beaucoup de mal à oublier mon ex, mais franchement, tout le monde s’en badigeonne le nombril avec le pinceau de l’indifférence.››

Tu viens de passer le cap des 40 000 abonnés sur Twitter, en te faisant connaître comme suiveur de sport assidu, avec un certain sens de l’humour. Mais ton rapport perso au sport c’est quoi ? T’en as pratiqué, t’en pratiques encore ?

Mon rapport au sport se résume en un mot : passion. Cette passion m’a amené à explorer le sport sous quasiment toutes ses formes : en le pratiquant, en l’enseignant, en le regardant et en le commentant. Il y a d’abord eu le ski : étant fils de moniteur, je savais skier avant de savoir marcher (véridique). Puis j’ai commencé le football à l’âge de 5 ans. C’est de loin mon sport préféré. Il occupe une place immense dans mon quotidien. J’ai également eu une période tennis et judo. Désormais, le sport est le domaine principal sur lequel est basé mon métier donc je le consomme encore plus qu’avant. Je suis davantage de disciplines. Je regarde une multitude de sports en simultané, toute la journée, toute l’année. Je mets beaucoup de cœur à l’ouvrage, ça me fait vibrer et ça influe donc constamment sur mes états d’âme. Honnêtement, pour la première fois de mon existence, je suis quasiment rassasié.” 

Et du coup, petit top 3 de tes sports préférés, que ce soit à pratiquer et à regarder ? 

Perso, football tennis et ski. Mais j’aimerai mettre en lumière la pétanque et le sport boules qui sont des disciplines que j’apprécie tout particulièrement. Je ne mets pas le basketball car même si j’adore la NBA, j’ai beaucoup plus de mal avec le basket européen. Au travers de mon job, j’ai appris à aimer le cyclisme et la F1 aussi.”

A force, j’ai évolué avec le réseau et je me suis ouvert d’avantage, jusqu’à être totalement moi même.”

@Gigg’s

Tu arrives sur Twitter en 2013, quel est ton but au moment de la création de ton compte ?

Alors pour dire toute la vérité, j’ai d’abord rejoint Twitter en Juillet 2012 afin de stalker mon premier amour… Cinq ans plus tard, c’est devenu mon métier de tweeter et j’ai découvert la deuxième femme de ma vie sur ce réseau. C’est beau n’est-ce pas ? Mais en effet, j’ai créé ce compte en 2013, avec ma vraie identité à l’origine. J’avais alors 16 ans et mon but premier était de partager ma passion. C’était un compte très sérieux, quasiment professionnel, l’objectif étant de me faire connaître en partageant mes avis, analyses ou articles. Twitter est un formidable moyen d’entrer en relation avec des personnes qu’il te serait délicat de rencontrer dans la vraie vie. Étant donné que j’ambitionnais déjà de travailler dans les médias sportifs à l’époque, j’essayais de gérer mon compte en conséquence. Puis à force, j’ai évolué avec le réseau et je me suis ouvert d’avantage, jusqu’à être totalement moi-même désormais.››

Pourquoi as-tu décidé d’adopter l’anonymat au fil du temps ?

Même s’il est très relatif, c’était pour être plus libre. Aujourd’hui, je ne me force plus à rien. Je peux être pertinent ou impertinent, sérieux ou trolleur, premier ou second degré… Je tweete au gré de mes pensées. Cela m’a apporté une communauté très variée. Certains étaient là au tout début, d’autres ont rejoint la barque en cours de route… Et aujourd’hui on se retrouve avec un navire de plus de 40 000 personnes qui interagissent avec moi. Ça me dépasse un peu mais c’est plaisant. J’ai pu faire de belles rencontres, vivre quelques expériences sympathiques… Je pense avoir su tirer le meilleur de ce que Twitter peut offrir, au milieu de tout ce qu’il a parfois de pire également.››

T’as une certaine « patte », un certain style d’humour sur les réseaux sociaux qui te rendent assez reconnaissable. Quel est ton processus de blague ? Tu la penses, tu l’habilles comment ? Est-ce que c’est de l’instantané ou certaines blagues tu les penses des jours à l’avance ?

Il faut dissocier le CM du twittos (désolé j’avais envie de placer cette phrase). 
Concernant les tweets pour le compte du boulot, évidemment, je les travaille. Ils sont consécutifs à un premier travail de veille, qui se passe sur les réseaux, et ensuite à une phase de création, qui se déroule dans ma tête. Je cherche des sujets, des formats, des angles…
Concernant les tweets sur mon compte personnel, c’est différent. Je tweete à la volée, au fil de mes pensées et au gré de mes réflexions. J’y inclus d’avantage mes états d’âme. C’est du partage. Je ne cherche pas à toucher un public en particulier, je tweete avant tout pour moi. Mais en définitive, qu’il s’agisse de mes tweets personnels ou professionnels, tout prend source dans mon esprit. C’est donc plutôt instantané.

“J’assume complètement cette subjectivité. Je trouve que ça révèle une part d’humanité.”

@Gigg’s

Sur ton compte on peut trouver énormément de running gags, de sujets qui reviennent fréquemment : Maja, Football Manager, tes exs, ta future femme, et même un temps un amour soudain pour l’OL : comment tu fais pour ne pas faire la blague de trop, garder toujours une certaine fraîcheur ?

Une énième mention à son ex.

Honnêtement, je pense que justement, je fais souvent le tweet de trop. C’est bête à dire mais j’aime rire. J’aime forcer parfois, repousser les limites. Au final, les vraies limites, elles n’incombent qu’à moi puisque ce que je tweete n’engage que ma personne. Il ne faut pas se prendre la tête plus que de raison, Twitter reste une immense cour de récréation. Moi, j’aime donner mon avis et généralement je mets du coeur dans mes ressentis. Donc lorsque j’aime quelque chose, j’en fais les louanges, j’en assure la propagande. Et inversement, même si j’essaie autant que faire se peut de dire du bien… J’aime jouer le propagandiste, ça m’amuse. D’où ma bio « ils comprendront dans cent ans ». Je n’en ai que faire de l’avis du plus grand nombre, j’essaie de rester fidèle à mes convictions. J’assume complètement cette subjectivité. Je trouve que ça révèle une part d’humanité, et ça ne fait jamais de mal sur un réseau qui se déshumanise chaque jour un peu plus.

T’es 100 % le même sur Twitter que dans la vraie vie ? Ou est-ce qu’il n’y a pas une partie « exagération » dans ce que tu produis ?

“Je suis le même. La forme change, pas le fond. Ceux qui me connaissent peuvent en témoigner. Ceux qui me suivaient sur Twitter et que j’ai pu désormais rencontrer aussi. Après, tout est une question de perception. On ne peut guère avoir le contrôle sur l’image que se font les gens de nous, dans la vie réelle déjà, mais encore plus sur Twitter. Certains trouveraient peut-être un décalage entre le twittos et l’homme si on venait à se croiser. Mais ce serait sans doute un décalage entre leur image et la réalité. Me concernant, je pense être aussi authentique que possible sur la toile.”

Sans Twitter, tu penses que t’en serai où aujourd’hui ?

“C’est une bonne question. J’y songe parfois. Mais à quoi bon refaire l’histoire… J’ai encore tellement de choses à découvrir ainsi qu’à accomplir. Quoiqu’il en soit, on peut dire que Twitter a conditionné une bonne partie de ma vie : mon métier, mon lieu de résidence, mon entourage… J’essaie surtout de me concentrer sur la suite désormais.”

Toi qui consomme du sport h24, comment tu vis cette période sans sport ? Tu t’en détache ou tu es en recherche de contenu sportif via les séries, livres, podcasts etc ? T’as eu une période au début du confinement ou tu disais que couper un peu avec le foot te faisait du bien, c’est toujours le cas ?

En toute honnêteté, la coupure m’a fait beaucoup de bien. Quand tu regardes une dizaine de matchs par jour sur un mur d’écrans tout au long de l’année, tu as ta dose ! Je n’ai pas ressenti un véritable manque mais plutôt un vide car lorsque ta vie est calquée sur l’actualité sportive et que celle-ci s’arrête, tu es forcément impacté. Ceci étant, après un bon mois sans sport, ça commence à me manquer. Je me console avec des vidéos, des séries, des échanges sur Twitter… Il serait temps que ça reprenne mais bien évidemment ce n’est pas la priorité en ces temps difficiles pour l’humanité.

Comment tu consommes le foot aujourd’hui, hors confinement ?

Comme je l’ai évoqué précédemment, je le surconsomme. De nos jours, il y a du foot partout, tout le temps, et sous toutes les formes. Il est quasiment impossible d’en manquer. Cela a considérablement modifié la perception de ce sport. Et personnellement, je pense que ça attaque le plaisir de chacun dans ce qu’il a de plus pur. Parfois, je me dis que l’on devrait regarder moins pour apprécier mieux. Personnellement, j’avale plus de football que je n’en déguste. Mais je n’ai pas encore la sagesse de cesser de m’en goinfrer et de m’en resservir… C’est ce qu’il y a de plus tragique dans la vie d’un passionné. Prenons les Girondins par exemple. Tu sais que ce restaurant n’a pas bonne réputation, qu’il a perdu ses étoiles et que ses excellents chefs d’antan ne sont plus derrière les fourneaux. Mais toi, tu as pris l’habitude de venir dîner à cet endroit… Tu y es attaché. Donc tu y retournes, même si tu sais que tu vas être déçu. Sans surprise, l’entrée est fade comme un trio Oudin – De Préville – Hwang, le plat est raté comme un contrôle de Pablo, un centre de Benito ou une relance d’Otavio, mais on te sert la pépite Maja en dessert saupoudrée d’un zeste d’Adli… Alors tu te raccroches à ce petit plaisir, tu te résignes à te contenter de cela.

Est-ce-que t’aimerai un jour te pencher sur le côté plus « technique » du sport, et t‘investir dedans ? Par exemple, passer des diplômes, intégrer un staff, même au niveau amateur ?

J’ai déjà entraîné. Je me suis beaucoup investi dans l’aspect technique jusqu’à mon départ pour Paris à l’âge de 20 ans. Désormais, je n’ai plus vraiment le temps pour ça. Je viens d’avoir 23 ans, je dois me faire à l’idée que je ne serai pas le nouveau Robin Van Persie, c’est déjà assez dur comme ça… Coacher, ça pourrait encore m’intéresser. Je ne m’interdis rien. On verra plus tard. Mais à l’heure actuelle, je ne vois pas mon avenir aussi proche des terrains.

Tu es un fan des Girondins, tu peux nous raconter ton histoire avec le club ? Pourquoi Bordeaux, quels souvenirs tu as avec le club ? Et comment tu vois la situation actuelle du club ?

Le premier match au stade de Gigg’s. 15 ans plus tard, il arbore toujours une photo de Chamakh en photo de profil.

Je suis tombé amoureux de ce club lors d’un séjour au stage CapGirondins en 2005. J’ai vu mon premier match dans un stade à Lescure, un court succès face à Nancy sur un but de… Marouane Chamakh. La magie a opéré. Et la flamme ne m’a plus quitté. Ce club, c’est mon oxygène. Il représente l’exaltation suprême de ma passion pour le football. Je n’ai pas raté un match en direct depuis mes 8 ans. J’ai traversé la France pour lui chanter mon amour, j’ai rencontré pas mal d’amis au travers de cette dévotion commune… Je n’ai pas forcément envie d’entrer trop dans les détails car ça me fait beaucoup de mal à vrai dire. Ce rachat par King Street / GACP était une catastrophe programmée, c’est pourquoi j’ai essayé de prendre un maximum de recul à ce moment-là. C’était nécessaire afin de limiter les dégâts… Je pense avoir réussi, je me suis un peu détaché, et heureusement. Cela aurait été invivable sinon. C’est peut-être un peu égoïste comme réaction mais il m’est insupportable de voir mon club couler de la sorte, qu’il soit aussi dénaturé. Ce n’est pas celui que j’aime ni celui que j’ai aimé. Donc je vis très mal la situation. C’est pourquoi je me raccroche d’avantage à certains joueurs, car je ne me reconnais plus dans le club. Mon affection déraisonnable pour Josh Maja vient sans doute de là. C’est une sorte de thérapie.

Parlons en de Josh Maja. En vrai, tu penses qu’il devrait être titulaire à Bordeaux ? Qu’il peut devenir un grand joueur ? Et tu l’intégrerait à quel genre de système tactique ?

Oui, il devrait être titulaire. C’est un buteur né. Un finisseur clinique. Ses stats le prouvent. Ceux qui le côtoient sont unanimes là-dessus. Après, il est encore très jeune. Il a certaines lacunes tactiques semble-t-il, et il ne correspond pas vraiment au profil que cherche Paulo Sousa devant… Pour moi, le système le plus adéquat pour lui, c’est un 4-5-1 et ses dérivés. J’ignore s’il peut devenir un grand joueur véritablement, il débute tout juste, et cela dépend de tant de paramètres… C’est un joueur « ancien » dans le style, pas hyper mobile, mais redoutable dans la surface de réparation. Il est très bon des deux pieds. Il ne participe pas énormément au jeu collectif même s’il est intéressant en déviation, il ne court pas énormément sans le ballon… Mais il vit pour marquer et il est très efficace. Il n’a rien du joueur moderne mais ça ne veut pas dire pour autant qu’il ne réussira pas. L’avenir nous le dira. Je lui souhaite de tout cœur.

Maja, la source de bonheur quotidienne de Gigg’s. (Crédits : goal.com)

Durant le confinement, comment tu combles le manque d’actualité sportive en termes d’activité sur les réseaux sociaux ? Est-ce-que ce n’est pas encore plus dur de se démarquer ?

Cela impacte énormément mon travail et cela modifie notre production. Mais on essaie de faire au mieux, comme toujours. On s’efforce de continuer à divertir. Mais ce n’est pas le plus important actuellement. Il y a des choses qui passent bien avant l’actualité sportive. Il faut savoir reconnaître les priorités.

Comprendre les enjeux, mettre les moyens en place, adopter une stratégie… C’est un travail de longue haleine.”

@Gigg’s

Comment tu juges d’ailleurs l’activité menée par des comptes foot ou par des clubs ? Est-ce-qu’ils abordent une stratégie qui te paraît payante ? Si t’étais CM d’un club, qu’est-ce-que tu aurait mis en place?

C’est toujours délicat de juger les autres, ai-je la légitimité pour le faire ? Je remarque en tout cas que les choses évoluent, plus ou moins rapidement suivant les secteurs. Le social media, c’est quelque chose d’assez nouveau. Certains ont eu du mal à emboîter le pas dans cette ère du numérique. Comprendre les enjeux, mettre les moyens en place, adopter une stratégie… C’est un travail de longue haleine. Et surtout, c’est en constante évolution. Par exemple, le format vidéo prend de plus en plus de place sur les réseaux sociaux maintenant. Certains l’ont déjà compris, d’autres non. C’est un secteur à plusieurs vitesses.

Récemment, t’as beaucoup confié ton affection toute particulière au candidat de téléréalité Greg Yega, alors si tu devais faire un choix : Greg ou Josh ?

Tu me demandes de choisir entre mon père et ma mère là… Disons que mon affection pour Greg Yega vient du fait que nous sommes semblables à bien des égards. Nous sommes… terriblement humains. J’aurais aimé m’en sortir avec les poncifs « X c’est le travail, X c’est le talent… X c’est un sprinteur, X c’est le beau jeu… », mais je ne peux en flatter un au dépend de l’autre. Je vais donc faire une pirouette et te dire qu’il n’est pas nécessaire de sans cesse comparer ces deux monstres mais qu’il faudrait surtout profiter du privilège que l’on a d’être leur contemporain.” 

Enfin, parce que c’est de circonstance : tu vas faire quoi à la fin du confinement ?   

“Je vais aller sous la fenêtre de la femme que j’aime et lui dire que je veux la prendre dans mes bras.”

Classique Gigg’s.

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