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Dennis Bergkamp : le prince d’Highbury !

Véritable légende vivante d’Arsenal et incarnation presque ultime du raffinement et de l’élégance dans le football, Dennis Bergkamp a laissé une trace indélébile dans l’esprit des supporters néerlandais mais également des supporters du club londonien, club avec lequel il a remporté de nombreux titres et fait vivre des émotions incroyables. S’inscrivant parfaitement dans la droite lignée des joueurs néerlandais fin et élégant, à l’image de joueurs tels que Johan Cruyff, Johan Neeskens, Johnny Rep, Ruud Gullit ou encore Marco Van Basten, l’attaquant amstellodamois est une des figures incontestée et incontestable de sa génération.

Des débuts sous l’égide de Johan Cruyff

Né à Amsterdam, en mai 1969, le futur attaquant de l’Ajax Amsterdam et d’Arsenal doit son prénom à l’attaquant écossais Denis Law, dont son père était fan.

Dennis Bergkamp, intègre le plus mythique des clubs néerlandais, en 1981 alors qu’il est âgé de 11 ans. Il fera toutes ses classes à l’Ajax et côtoiera, notamment, les frères De Boer. En 1985, un tournant s’opère dans le club amstellodamois puisque la légende, Johan Cruyff, revient au club en tant qu’entraîneur. Cela sera aussi un tournant pour Dennis Bergkamp…

Observant, depuis son arrivée, les jeunes du centre de formation, Johan Cruyff décèle en Bergkamp ce que personne n’avait encore aperçu. En effet, durant son passage au centre de formation de l’Ajax, Bergkamp n’était pas considéré comme un joueur à fort potentiel et personne ne lui prédisait un grand avenir. Pourtant, le 14 décembre 1986, Johan Cruyff le lance dans le grand bain lors d’un match de championnat face à Roda JC, alors qu’il n’est âgé que de 17 ans. L’Ajax l’emporte 2-0 et cela marque le début d’une très longue carrière pour le jeune Dennis.

Photo de Dennis Bergkamp lors de sa première saison professionnel.

Quelques semaines plus tard il inscrit son premier but en pro face au HFC Haarlem (club qui a disparu en 2010) et nous montre déjà toute l’étendue de son talent ainsi que le sang-froid dont il peut faire preuve sur cette action.

Premier but de la carrière de Dennis Bergkamp

« Il fera son chemin, vous pouvez me croire… »

Johan Cruyff

Le Roi Johan n’a donc pas hésité à miser sur celui qu’il considérait comme un prodige. Il répondra même de manière très sobre à certains de ses détracteurs qui ne comprenaient pas pourquoi il s’entêtait à faire jouer un gosse de 17 ans : « Il fera son chemin, vous pouvez me croire ». Et du chemin, Dennis Bergkamp va en faire, après une première saison très correct pour un joueur aussi jeune, il s’impose petit à petit comme un joueur important de l’effectif de Johan Cruyff lors de la saison suivante et malgré le départ de ce dernier à la fin de la saison 1987/1988, Bergkamp se démarque et devient de plus en plus important pour l’équipe.

L’avènement… puis la dégringolade

Lors des saisons suivantes, Dennis Bergkamp s’installe définitivement à la pointe de l’attaque amstellodamoise et durant cinq saisons, l’attaquant néerlandais va éclabousser de sa classe son championnat, mais aussi l’Europe entière.

Il atteindra son peak de performance, à l’Ajax, entre 1990 et 1993, durant trois saisons il terminera meilleur buteur d’Eredivisie (25, 24 et 26 buts) enfilant les buts comme des perles. En 1992 il remporte, avec l’Ajax, la Coupe UEFA, face au Torino, la saison suivante il remporte la Coupe des Pays-Bas et passe tout proche du graal en terminant second au classement du Ballon d’Or derrière l’attaquant l’italien Roberto Baggio. Dans le même temps il fait ses débuts en équipe nationale avec les Pays-Bas sous les ordres du mythique Rinus Michels et est élu footballeur de l’année aux Pays-Bas deux années de suite (1992 et 1993).

Son pays natal commence à devenir trop petit pour lui, il décide donc de quitter son cocon, en 1993, pour rejoindre l’Italie et la Serie A qui est, à l’époque, considéré comme le meilleur championnat du monde et où jouent les meilleurs joueurs (Baggio, Papin, Boban, Maldini, Baresi, Gascoigne, Boksic, Gullit, Zola…). Son coeur balance entre la Juventus Turin et l’Inter Milan… il choisira finalement le vice champion d’Italie, l’Inter Milan.

En sept saisons à l’Ajax Amsterdam, Dennis Bergkamp dispute 239 matchs, inscrit 122 buts et délivre 14 passes décisives. Il remporte également un titre de champion des Pays-Bas (1990), deux Coupes des Pays-Bas (1987 et 1993), une Coupe des Coupes (1987) et une Coupe UEFA (1993)… bref il devient une véritable légende du club d’Amsterdam. Voici une petite compilation de ces exploits à l’Ajax :

À l’orée de la saison 1993/1994, Dennis Bergkamp s’engage donc avec le club milanais. Cependant, ses débuts sont mitigés et le trio offensif qu’il forme avec Rubèn Sosa et « Toto » Schillaci ne fonctionne pas, le club milanais est à la dérive et malgré un changement d’entraîneur en cours de saison, l’Inter n’y arrive pas et termine la saison à une peu reluisante 14e place, avec seulement un petit point d’avance sur le premier relégable, Piacenza. De son côté Dennis Bergkamp termine l’exercice 93/94 avec un total de huit buts et trois passes décisives, un bilan bien maigre pour l’un des meilleurs joueurs au monde. La rudesse du championnat est l’une des raisons qui explique ce passage à vide, lui qui était habitué à un championnat bien moins agressif, aux Pays-Bas.

En revanche, si l’Inter réalise l’une des pires saisons de son histoire en championnat, le club milanais parvient à décrocher une Coupe UEFA en battant, en finale, le FC Salzbourg. Le grand artisan de ce parcours européen est bien évidemment l’attaquant batave, ce dernier inscrivant huit buts et délivrant trois passes décisives (soit les mêmes statistiques qu’en championnat mais en jouant vingt rencontres de moins).

Si sa première saison, en Italie, est globalement manquée, mais encourageante, sa deuxième saison est un véritable naufrage. En effet, après un Mondial 94 éreintant avec les Pays-Bas, Dennis Bergkamp est en perte de vitesse et sa timidité est mal perçue par une partie des fans et par les journalistes. Ce qui entraîne un traitement médiatique particulier envers l’ex attaquant de l’Ajax. L’Inter termine 6e au terme de la saison 1994/1995 mais Bergkamp réalise la pire saison de sa carrière statistiquement, quatre buts et six passes décisives toutes compétitions confondus. Le rachat du club lombard, en février 1995, par Massimo Moratti sonnera le glas de l’aventure milanaise pour Dennis Bergkamp.

Dennis Bergkamp sous le maillot nerazzurro
(Source : compte twitter « @90sfootball »)

Retour du bonheur chez les Gunners et changements de rôles

Arrivée lors du mercato estival 1995, Dennis Bergkamp devient le joueur le plus cher de l’histoire d’Arsenal, à l’époque, avec un transfert estimé à environ 9 M€. Son arrivée est également très importante pour le club londonien, puisqu’après un début de décennie fastueux et couronné de succès, Arsenal semble rentrer dans le rang et le boring Arsenal (Arsenal ennuyeux) commence à agacer beaucoup de fans mais également certains dirigeants du club londonien comme David Dein qui était chargé du recrutement au sein du club. L’arrivée de Bergkamp mais également celle de David Platt devait donner un nouveau souffle au club.

Sa nouvelle aventure ne commence pas comme il l’aurait souhaité, puisque lors de ses six premiers matchs, Iceman (l’homme de glace, surnom en référence à son sang-froid devant le but) inscrit un total de… zéros but et la presse anglaise commence à douter de l’apport réel de l’attaquant néerlandais. La délivrance viendra le 23 septembre, à Highbury, Arsenal s’impose 4-2 face à Southampton et Bergkamp en profite pour inscrire ses deux premiers buts sous le maillot des Gunners. Sa première saison du côté de Londres est à l’image de sa première saison à l’Inter : correct, mais peu mieux faire.

L’arrivée d’Arsène Wenger à la tête du club, lors du début de la saison suivante marquera un nouveau tournant dans la carrière de Bergkamp. L’exigence du très haut niveau et l’hyper professionnalisation qu’apporte le coach alsacien sont du pain béni pour une équipe en perte de vitesse et pour un joueur comme Dennis Bergkamp. Ce dernier ayant toujours été très à cheval sur sa nutrition et sur le soin de son corps (ce qui explique sa longévité au plus haut niveau et le fait qu’il ait eu très peu de blessures durant sa carrière).

À partir de là, l’équipe du nord de Londres va petit à petit devenir une référence en Premier League et le duo formé par Ian Wright et Dennis Bergkamp sur le front de l’attaque va faire souffrir plus d’une défense. Pour le bien de l’équipe, l’attaquant néerlandais recule légèrement d’un cran sur le terrain et fait évoluer son jeu. Celui qui était auparavant un buteur fin et racé devient un attaquant de soutien maîtrisant comme personne le temps et l’espace et capable de distribuer les caviars comme un facteur distribue le courrier.

La saison 1997/1998 est un véritable chef-d’oeuvre de la part du non-flying Dutchman (surnom en référence à Johan Cruyff, mais aussi à sa phobie de l’avion), cette saison là, Arsenal réalise le doublé coupe-championnat et Bergkamp trouve le chemin des filets à 22 reprises toutes compétitions confondus. Il inscrit, également, un des triplés les plus marquants de l’histoire du championnat, face à Leicester, lors de la 2e journée :

En 1999, un jeune attaquant français rejoint le club londonien, un certain Thierry Henry. Après les départs successifs de Wright et Anelka, l’arrivée du champion du monde marquera le début d’un des duos d’attaquants les plus prolifiques et éminent de la Premier League. L’émergence de Thierry Henry et le profil polyvalent de ce dernier, ainsi que l’âge « avancé » du néerlandais, font une nouvelle fois évoluer le rôle de Dennis Bergkamp, en effet l’attaquant néerlandais « s’éloigne » de plus en plus de la surface adverse et se mue en meneur de jeu. Il devient le relais parfait entre les milieux de terrain (Vieira, Parlour, Gilberto etc) et les autres joueurs offensifs (Henry, Pirès, Kanu, Ljungberg etc).

Lors de la saison 2003/2004, alors âgé de 35 ans, il est un des artisans majeurs du titre remporté par Arsenal sans la moindre défaite, une saison durant laquelle ses statistiques ne sont pas incroyables (4 buts, 7 passes décisives) mais où sa science du placement et de la passe ainsi que son expérience lui permette d’être souvent à l’avant-dernière passe. Highbury devient son jardin et la relation qu’il noue avec ce stade est spécial, il déclarera quelques années plus tard dans un entretien accordé au magazine Sport/Footmagazine que pour lui « Highbury était sacré ». Dennis Bergkamp prend sa retraite en 2006, après un dernier match crève-coeur pour lui et pour de nombreux fans du club londonien : la finale de Ligue des Champions face au FC Barcelone, remportée dans les dernières minutes par le club catalan. Finale à laquelle il ne prendra pas part. Il fêtera son jubilé à l’Emirates Stadium, la même année, comme pour montrer que même si le trône avait changé c’était bien lui, le prince d’Highbury. Il trône, d’ailleurs, devant l’Emirates Stadium, avec Thierry Henry, Herbert Chapman et Tony Adams (et sera probablement rejoint d’ici peu par Arsène Wneger), puisque sa statue y a été inaugurée en février 2014.

Dennis Bergkamp devant sa statue, à l’Emirates Stadium.
(Photo : Arsenal.com)

« Bergkamp est le joueur qui m’a le plus marqué, par sa perfection« 

Arsène Wenger

En onze saisons du côté du nord de Londres, Dennis Bergkamp dispute 423 rencontres, inscrit 120 buts, délivre 110 passes décisives et remporte plusieurs trophées, dont trois titres de champion d’Angleterre (1998, 2002 et 2004), quatre F.A Cup (1998, 2002, 2003 et 2005) et trois Community Shield (1998, 2002 et 2004) mais au-delà des lignes de palmarès et des statistiques c’est avant tout sa classe, sa science du jeu et son élégance naturelle qui marquent les supporters des Gunners mais également ses coéquipiers. Notamment Thierry Henry, avec qui il entretenait une relation très forte, ce dernier dira même de Bergkamp qu’il est le meilleur joueur avec lequel il a eu la chance d’évoluer, quand on sait que Henry a joué avec des joueurs comme Zidane, Messi ou Ronaldinho… cela en dit long sur l’impact qu’a pus avoir Iceman sur ses coéquipiers tout au long de sa carrière. Même son de cloche pour Arsène Wenger, son ancien entraîneur à Arsenal, lors d’une conférence organisé par le Centre des Jeunes Dirigeants d’Entreprises (CJD), il y a moins d’un an, le coach alsacien déclarait la chose suivante : « Bergkamp est le joueur qui m’a le plus marqué, par sa perfection« . Hommage vibrant de celui qui l’a entraîné pendant dix saisons.

Deux buts pour l’éternité !

Dennis Bergkamp a inscrit des pelletés de buts dans sa carrière, des lobs (beaucoup de lobs, façon la plus simple de battre le gardien, selon lui), des buts de renards, des frappes de loin, des buts de la tête, des buts venus d’ailleurs après un contrôle soyeux dont lui seul a le secret… mais si vous ne deviez n’en retenir que deux, deux buts pour décrire tout le génie du néerlandais, lesquels choisiriez vous ?

Sans aucun doute nous nous choisirions ce chef-d’oeuvre inscrit avec les Pays-Bas contre l’Argentine en quart de finale de Coupe du Monde, en 1998 ainsi que celui inscrit avec Arsenal contre Newcastle en championnat, en 2002. Pourquoi ces deux-là ? Parce qu’ils résument parfaitement ce qu’était Dennis Bergkamp : un esthète calculateur capable de réaliser le plus beau des gestes techniques de façon « mécanique » mais toujours avec comme idée directrice, l’efficacité et le sens du jeu.

DENNIS BERGKAMP !!! DENNIS BERGKAMP !!! DENNIS BERGKAMP !!! DENNIS BERGKAMP !!! Wkcxjcmwjjopcqjfojzdojqmsl
Nikos Dabizas doit encore en faire des cauchemars

Ces deux buts font, sans aucun doute, partis des plus beaux buts de l’histoire de ce sport.

Dennis Bergkamp n’a jamais remporté de Coupe du Monde, ni de Ligue des Champions, ni même de Ballon d’Or, mais la trace qu’il a laissé sur le monde du football reste et restera à jamais celle d’un joueur à part et allant au-delà des simples lignes de palmarès ou des buts inscrits. Il fait partie de cette caste restreinte de joueurs dont l’avis n’est pas biaisé à la simple vu d’une compilation sur YouTube.

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