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Les lieutenants du basket épisode 3 : Joe Dumars

En cette période sans NBA, le CCS vous propose une série sur les différents lieutenants qui ont marqué l’histoire du basket. Qu’ils soient champions ou non, ils ont grandement contribué au succès de leur équipe, même s’ils n’en n’étaient pas le meilleur joueur. Aujourd’hui, Joe Dumars.

Lorsqu’on pense au Bad Bays de Detroit, on pense forcément à cette équipe extrêmement physique, prêchant le vice et guidée par l’illustre Isiah Thomas. Pourtant, un gentleman, reconnu pour son fair-play, était une des pièces centrales de cette milice devenue mythique. Son nom est Joe Dumars. Drafté avec le 18ème pick en 1985 par les Pistons, Dumars a tout de même quelques similitudes avec cette escouade ultra-défensive. Dès l’université, avec les Cow-boys de Mc Neese State, il se fait remarquer grâce à sa capacité à scorer et à défendre dur sur l’homme. Il joue meneur et est un cauchemar pour ses adversaires directs. À son arrivée dans la grande ligue, Joe D est déjà très admiratif d’un certain Isiah Thomas, pièce maîtresse des Pistons depuis 1981.  

« J’ai hâte d’avoir la chance de jouer avec Isiah. Je pense que je vais beaucoup apprendre de lui »

Joe Dumars

Pourtant, Thomas est déjà le meneur titulaire de la franchise, ce qui oblige le numéro 4 à se décaler au poste 2. Mais pour lui, ce n’est pas un problème. Il a toujours dit qu’il pouvait s’adapter, afin de pouvoir cohabiter. Déjà un bel esprit d’équipe et un gros signe de maturité. Positionné à l’arrière dès sa saison rookie, il s’acclimate rapidement et gagne du temps de jeu. Son association avec Thomas sur la ligne arrière fait beaucoup de mal aux autres guards de la ligue. Aussi bien offensivement que défensivement, la complémentarité entre les deux saute aux yeux.

Dumars entouré de Thomas et Lambeer (crédits : NBAE / Getty Images)

Une incroyable paire de guards

En attaque, Joe D qui est meneur de formation, hérite souvent du ballon en première main afin de construire les offensives. Un playmaker détenant une palette offensive plutôt très complète. En général, Thomas le trouvait dès le début de la possession suite à un démarquage sans ballon en tête de raquette. À noter que profiter d’un écran de Laimbeer ou Rodman, c’est plutôt pratique pour être démarqué. Ensuite, Dumars a plusieurs solutions. En premier lieu, le shoot s’il se sent ouvert, parce qu’il tourne à 46% au tir dont 38% derrière l’arc en carrière. Si son défenseur est toujours là, un coup de rein suffit et gentleman Joe va défier les grands dans la raquette. Spécialiste dans l’art d’attaquer la peinture, il trouve toujours un moyen de scorer au-dessus des longs bras. Et ce, malgré sa petite taille (1m90). Si l’accès est fermé, pas de problèmes, c’est qu’un coéquipier est libre. Laimbeer à l’intérieur et Thomas à l’extérieur profitent des espaces créés par Dumars. En plus, c’est réciproque. Quand toute l’attention des défenseurs est sur Zeke, Joe D sait se placer afin de recevoir le ballon démarqué et tirer librement. Un enfer à défendre.

Lorsqu’il est en possession de la balle à l’extérieur, il profite aussi des gros écrans de Laimbeer afin d’effectuer des pick and pop avec l’ancien de Cleveland. Bon shooteur à 3 points, le pivot profitait de ces séquences pour punir l’adversaire. En bref, Dumars était un lieutenant de luxe offensivement.  Capable de relayer magistralement son franchise player quand ce dernier est sur le banc, mais aussi de jouer avec lui lorsqu’ils sont tous les deux sur le parquet. Et défensivement, c’est presque pire. Joe Dumars n’y est pas pour rien si les Pistons ont été la meilleure défense du pays durant plusieurs années. Ses qualités étaient telles qu’on lui assignait souvent le meilleur joueur extérieur adverse. Jordan et Magic notamment, ont eu toutes les peines du monde à se dépêtrer du marquage incessant du Gentleman. Lors des fameuses Jordan Rules, il est celui qui doit rester collé à MJ sans jamais lui laisser quelques centimètres. Et lorsqu’il n’y avait plus Dumars, il restait Zeke à l’extérieur, puis la raquette Laimbeer-Mahorn à passer. Eh oui, à Detroit la défense, ça ne rigole pas. C’est d’ailleurs la principale raison pour laquelle cette équipe était nommée les Bad Boys.

Gentleman parmi les Bad Boys

Pourtant, Dumars est le seul Piston de l’époque à échapper aux critiques qui visaient le jeu rugueux de Detroit. Pourtant dur sur l’homme défensivement, il sait garder son calme et reste fair-play, évitant les coups bas. Bien sûr, lorsque Thomas, Mahorn, Lambeer ou Rodman déclenchaient des bagarres, Joe D les rejoignait pour de les défendre, mais c’est dans l’esprit de l’équipe : tout pour les coéquipiers et pour la victoire. Les Pistons n’étaient pas une équipe soudée et dominatrice pour rien, chaque joueur donnait le meilleur de lui-même et se sacrifiait pour ses frères d’armes.

« Nous étions vraiment une équipe, une organisation de première classe. Nous faisons chaque chose tous ensemble. Nous gagnions ensemble, nous perdions ensemble, nous pleurions ensemble. »

Isiah Thomas

D’ailleurs, Dumars s’entendait extrêmement bien avec son franchise player, Isiah Thomas. Une relation fusionnelle entre deux joueurs animés par la rage de vaincre et l’envie de devenir meilleur chaque jour. Ce n’est pas pour rien si Dumars a fait des sacrifices sur son jeu pour que Thomas éclabousse la Ligue de son talent. Ce n’est pas pour rien si un soir, c’est Isiah qui a annoncé le décès du père de Dumars à la presse. Une relation unique qui permet à Thomas de savoir qu’il peut compter sur son lieutenant, quoi qu’il se passe. Sur le terrain ou en dehors, ils étaient les mêmes.

Dumars, Thomas et Rodman étaient tous les trois All-Star (crédits : Pinterest/Bama Factor)

L’âge d’or des Pistons

Alors forcément, lorsqu’une franchise a comme meilleur joueur Zeke et comme lieutenant un arrière qui tourne à plus de 20 points, 5 passes et 1 interception de moyenne lors de ses meilleures saisons, il a de quoi gagner des matchs. En 1987, les Bad Boys sont stoppés par Boston en finale de conférence après une série très accrochée, dans tous les sens du terme. La saison suivante, ils parviennent à se débarrasser des Celtics et découvrent les Finales face aux Lakers. Malgré la grosse défense de Dumars sur Magic et un énorme Isiah Thomas, ce sont bien les Angelinos qui remportent la série en 7 matchs.

Mécontents, les Pistons terminent la saison 1989 avec le meilleur bilan à l’Est. En playoffs, ils balayent rapidement les Celtics et les Bucks, avant d’éliminer les Bulls d’un Michael Jordan toujours sans bague, en 6 matchs. L’affiche des Finales est la même que l’année passée mais cette fois-ci, il n’y aura pas de suspens. Detroit inflige un énorme sweep à Magic et ses hommes et s’adjuge le titre. Lors de cette série, ce n’est pas Isiah qui a brillé mais bel et bien Dumars. Le numéro 4 est élu MVP des  Finales avec des statistiques folles : 27,3 pts et 6 passes de moyenne, à 58% au tir. Pas si commun.

En 1990, les Pistons remettent ça. Une grosse saison régulière sous l’impulsion d’un Thomas énorme et d’un Dumars All-star. 59 victoires plus tard, ils sont de nouveau en tête de la conférence en attaquant les Playoffs. Pacers et Knicks sont avalés lors des premiers tours et les Pistons retrouvent leurs amis de Chicago. Au terme d’une série épique, ce sont les Pistons et leur Jordan Rules qui sortent vainqueurs de ce duel en 7 matchs. En finale, Portland ne fera pas le poids et Detroit réalise un back-to-back. Cette fois-ci, c’est Zeke qui est honoré du titre de meilleur joueur, pour le plus grand plaisir de Joe.

Joe Dumars et Isiah Thomas posent avec leurs deux titres (crédits : sportskeeda.com)

La fin du rêve

Dès la saison suivante, ce sont les Bulls qui prennent le pouvoir et qui éliminent sèchement les Pistons en finale de conférence. Abattus et un brin mauvais joueurs, les Bad Boys ne saluent même pas les Bulls à la fin du dernier match de la série. Ce geste, qui fait encore polémique aujourd’hui, Dumars ne l’aurait jamais fait s’il était seul. Mais Detroit est une grande famille et les joueurs se serrent les coudes coûte que coûte. Ils sont ensemble, comme des frères, à chaque bagarre, à chaque déclaration, à chaque décision. Le gentleman, trop fair-play pour snober tout Chicago, s’est tout de même arrêté pour saluer Michael Jordan à la fin du match : « Dure bataille, bonne bataille. Bonne chance pour les finales ». C’est ainsi que prend fin la domination de la franchise du Michigan.

En 1992, les vieillissants Pistons sont éliminés dès le premier tour de post-season par les Knicks. Le départ en retraite de Thomas en 1994 signe la fin définitive des Bad Boys. Après le départ de son leader, Dumars retrouve le poste de meneur et continue d’être un joueur performant. Mais il ne parvient que très rarement à amener son équipe en playoffs. Finalement, il arrête en 1999, après 14 saisons à Detroit. Gentelman Joe aura eu 6 fois l’honneur d’être All-Star, dans les années 1990, et nommé 4 fois dans la All-NBA first defensive team.

Lieutenant emblématique de Thomas, joueur au fair-play remarquable dans cette milice qu’était Detroit à l’époque, il est intronisé au Hall Of Fame en 2006. Son numéro 4 est aussi retiré par les Pistons, seule franchise pour laquelle il a joué. Loyal, bon, coéquipier exemplaire, infernal en défense, intouchable en attaque, Joe Dumars est tout ce dont un Franchise player peut rêver. Un gentleman au milieu des Bad Boys qui a éclaboussé la ligue de son talent et de sa classe.  

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