Rugby

Rugby: « En France, les jeunes sont dans des conditions exceptionnelles »

Avant d’être subitement interrompue, l’année 2020 nous a réservé son lot de surprises et d’émotion sportives. En premier lieu, la France a été marquée par les performances de la jeunesse française, lors du Tournoi des VI Nations en particulier. Le rugby français a fait peau neuve pour revenir sur le devant de la scène, et la qualité de ses jeunes y est pour beaucoup. Aujourd’hui, le Café Crème Sport donne la parole à Antoine Bonnet, un jeune rugbyman passé notamment par le Stade Rochelais, pour évoquer avec lui le fonctionnement de la formation française, ses qualités et ses défauts. Actuellement à Nîmes dans le Gard, l’arrière de 20 ans se livre sur son expérience au cours de ses années de formation. Un entretien à déguster avec un bon café-crème !

Bonjour Antoine. Peux-tu te présenter en quelques mots, en nous décrivant ton parcours, pour les lecteurs du Café Crème Sport?

Je m’appelle Antoine Bonnet et j’ai 20 ans. J’ai commencé le rugby à l’âge de 5 ans à Fontenay-le-Comte, en Vendée, où j’ai joué un an. Puis durant treize ans j’ai joué au Stade Rochelais : je suis passé par toutes les catégories jusqu’à l’anti-chambre des pros, les Espoirs, où j’ai joué 2 ans. On a été vice-champion de France l’année dernière, après une défaite contre Toulon en finale. Personnellement je suis passé par toutes les sélections départementales, régionales. J’ai même eu la chance d’être sélectionné en équipe de France des moins de 16 ans. Je fais actuellement partie de l’effectif de l’équipe première du Rugby Club Nîmois en 3ème division nationale. A côté de ce parcours sportif, j’ai obtenu mon baccalauréat en section sport étude avec mention. J’ai ensuite intégré le centre de formation du Stade Rochelais et entamé une licence d’économie gestion. Depuis mon arrivée à Nîmes j’ai débuté un DUT GEA.

A quel moment de ta carrière en jeune as-tu envisagé de devenir professionnel ?

Être professionnel c’est avant tout un rêve de gosse, mais j’ai réellement pris conscience que j’avais peut être une infime chance de devenir professionnel durant mon année de Seconde et mon entrée au Pôle Espoir. Le chemin est encore long.

Peux-tu nous en dire plus sur ce Pôle Espoir et sur les sacrifices que tu as du faire là-bas ?

A la suite d’une détection régionale, les meilleurs joueurs intégraient le Pôle, on était environ une douzaine par promotion. Nous avions entraînement et/ou musculation tous les soirs après les cours. J’y suis resté un an, je n’ai fait que ma première année de lycée au Pôle, car à la suite de ma sélection en équipe de France, le Stade Rochelais a voulu que j’intègre le pré-centre de formation : « l’académie ». Je ne dirais pas que j’ai du faire des sacrifices. J’ai plutôt dû hausser mon investissement, je suis devenu plus compétiteur. A partir de mon année de Seconde, je vivais rugby.

Comment as-tu fait pour lier ta carrière sportive à ton parcours scolaire et universitaire? Tu as rencontré des difficultés ?

Tout dépend la structure dans laquelle tu es et l’investissement que tu mets dans ton travail scolaire et sportif. Évidemment c’est mentir que de dire que le rythme est facile à gérer, car on arrive dans un cadre que l’on ne connaît pas. Il y a forcément un temps d’adaptation. Donc oui c’est difficile au début car nous sommes jeunes. Mais nous ne sommes pas livrés à nous-mêmes, j’ai eu dans chaque structure un suivi scolaire régulier, un entretien individuel avec le responsable à chaque fin de trimestre. J’ai toujours été suivi par mes parents aussi donc je n’avais pas trop intérêt à oublier la partie scolaire. Les difficultés que j’ai rencontré sont apparues à la faculté. Nous avions près d’une quinzaine d’heures d’entraînement réparties sur la semaine sans compter les matchs le week-end. Donc c’était compliqué de tout gérer surtout que nous sommes un peu livré à nous-mêmes à la fac. Beaucoup réussissent et il faut le signaler et les féliciter.

La formation française est-elle actuellement idéale pour les jeunes sportifs ? As-tu eu le sentiment d’avoir tout à ta disposition pour pouvoir réussir ?

En terme de formation, les résultats sont là, nous sommes doubles champions du monde chez les moins de 20 ans. Le niveau ne cesse d’augmenter dans les catégories jeunes grâce aux infrastructures. En terme de formation, oui nous sommes dans des conditions exceptionnelles, cependant encore trop peu de jeunes jouent à haut niveau mais c’est un autre problème… Moi, j’ai été dans un cadre optimal : le Stade Rochelais a pu nous permettre grâce notamment au nouveau centre d’entraînement d’être dans l’un des meilleurs centres de formations de France. Le staff était de qualité donc pour répondre à ta question, oui j’étais dans les meilleurs conditions.

A La Rochelle, ballon en main, Antoine Bonnet dans ses oeuvres

On peut avoir le sentiment que les équipes de Top14 tardent à donner leur chance aux nouvelles générations. Penses-tu que ces succès et cette nouvelle génération française puissent donner un nouvel éclairage à la formation française pour les années à venir ? N’est-ce pas trop dur d’intégrer les effectifs professionnels quand on sort des équipes de jeunes ?

Je pense que les instances se sont rendu compte que c’était possible de compter aussi sur un joueur français. D’ailleurs on le voit aujourd’hui, des garçons de ma génération, je pense notamment à Arthur Vincent, Romain Ntamack sont en équipe de France A. Je pense que ça a joué et qu’il faut leur faire confiance. Je ne dirai pas que c’est trop dur. Devenir professionnel dans un sport c’est aussi la récompense de ton investissement, si tu es prêt à tout pour le devenir et que tu as le niveau alors tu as peut être une chance, mais tu dois y consacrer beaucoup beaucoup beaucoup de temps. Il faut aussi savoir saisir l’opportunité quand elle se présente

Tu as été sélectionné pour des rassemblements en Équipe de France dans les catégories de jeunes ; comment cela s’est-il passé et quelle expérience en as-tu tiré ?

C’est une super expérience, on affronte et on s’entraîne avec les meilleurs joueurs de sa génération. Puis on reçoit environ 1 mois plus tard un mail expliquant que l’on va faire parti de l’aventure puis feu ! J’ai pu participer au tournoi du Wellington College. On était 2 délégations françaises durant 2 semaines on a affronté les Anglais et les Italiens dans un tournoi. Collectivement on a tout gagné, j’étais dans une équipe de dingue, beaucoup ont d’ailleurs joué en pro, que ce soit Louis Carbonel, Jean-Baptiste Gros à Toulon, Mathieu Hirigoyen à Biarritz, Sacha Zegueur a Oyonnax, Mathis Lebel à Toulouse et j’en oublie. C’est toujours flatteur de se dire qu’on a pu jouer avec ces gars-là. Personnellement, j’en garde une très bonne expérience humaine avec des mecs vraiment bonnard je pense notamment à un mec avec qui je suis toujours en contact c’est Yon André, il est complètement fou ce type.

Antoine Bonnet sous le maillot du Rugby Club Nîmois (Image : @tpn_rugby)

Pourquoi avoir quitté le Stade Rochelais, club où tu as effectué une grande partie de ta formation, pour rejoindre le Rugby Club Nîmois ?

Je l’ai quitté pour plusieurs raisons. La première, je manquais de temps de jeu suite à une mauvaise entente avec mon entraîneur. La seconde, je ne rentrais pas dans les plans pour intégrer l’effectif pro. La troisième, après 13 ans dans le même club, j’avais besoin de découvrir quelque chose de nouveau, de sortir de ma zone de confort. J’ai alors signé à Nîmes car je connaissais l’entraîneur, il m’avait entraîné quand j’étais pensionnaire de l’académie. Le changement s’est très bien passé, je suis arrivé dans un groupe vraiment sympa, tout de suite je me suis entendu avec tout le monde, je me suis fait de vrais amis. Il y a une très bonne ambiance dans l’équipe.

Tu as du faire face à une grosse blessure cette année ; comment vit-on une longue rééducation en tant que jeune sportif ? Quels objectifs as-tu après cela ?

En effet, j’ai subi une rupture des ligaments croisés. Je n’ai pas été épargné, surtout que j’ai fait face à une rechute en décembre car le greffon n’a pas tenu. C’est une période vraiment très compliqué personnellement, après 10 mois sans jouer, le terrain manque forcément, les sensations aussi. Mais j’ai eu la chance de pouvoir m’appuyer sur mes potes et ma famille qui m’ont soutenu et me soutiennent encore car c’est loin d’être fini. A court terme, mon objectif premier c’est de finir ma rééducation, de rejouer le plus rapidement possible et d’aider mon club. A long terme, j’ai envie de montrer mon niveau de pouvoir jouer en 3ème division et pourquoi pas un jour plus haut.

Enfin, question de circonstance : comment est-ce qu’un sportif comme toi vit le confinement ? Et ton club ?

Le confinement me permet de retrouver ma famille, de profiter de mes proches, ensuite évidemment je m’entretiens et je continue ma rééducation, j’ai pu avoir grâce au préparateur physique quelques séances et par mon kiné des exercices à faire. Après pour le club c’est une situation délicate. Nous joueurs, sommes en contact avec le président qui nous explique que le club doit supporter des pertes financières conséquentes. Donc on espère tous que l’on pourra rejouer le plus vite possible.

Le CCS remercie Antoine pour sa disponibilité et ses réponses pleines de franchises et de passion! La France continue de former des jeunes rugbymen talentueux, et ce ne sont pas les téléspectateurs du dernier tournoi des VI Nations qui diront le contraire.

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