Depuis sa remontée dans l’élite du rugby français en 2011, l’Union Bordeaux-Bègles n’est jamais parvenue à accrocher le top 6 au classement final. Entre désillusions de fin de saison et épidémie qui gèle le championnat, retour sur une véritable malédiction.
La saison 2020 n’est pas encore celle de l’UBB. Leaders du championnat avec 8 points d’avance sur Lyon (2ème), 15 sur le Racing (3ème) et surtout 21 sur Toulouse (7ème), les Bordelais avaient de quoi voir venir lors de cette dernière partie de saison. Il est, aujourd’hui, difficile de croire que cette équipe n’aurait pas été qualifiée pour les phases finales, difficile de croire qu’elle n’aurait d’ailleurs pas fini parmi les deux premiers du championnat. Pourtant, personne ne saura jamais si cette saison 2019-20 était celle du titre pour l’UBB. D’autant plus que, même si le jeu de l’équipe de Christophe Urios est alléchant, et que des stars telles que Radradra, Cordero ou Jalibert sont dans l’effectif, le club a aussi profité du calendrier international pour affirmer sa suprématie. La Coupe du Monde, puis le tournoi des 6 nations ont aidé l’Union, qui ne dispose pas d’autant d’internationaux que des clubs comme Toulouse ou le Racing.
Le titre n’était pas encore gagné, mais au moins il était dans les têtes ! Et ce, pour la première fois depuis 2011. La saison étant annulée, l’UBB n’a même toujours pas officiellement été qualifiée pour les phases finales du Top 14 depuis son retour. Une véritable malédiction quand on sait que le jeu bordelais, fait d’initiatives, est vanté depuis presque 10 ans maintenant. Pourtant, les bons entraîneurs se sont succédés sur le banc girondin : Marc Delpoux, Raphaël Ibanez, Jacques Brunel, Rory Teague, Joe Worsley et maintenant Christophe Urios. Alors où est le problème ?

2014, première déception
Lors de ses deux premières saisons post-accession, l’UBB ne vise que le maintien. Le club de Laurent Marti remplit cet objectif brillamment lors de sa saison de promu (8ème), et difficilement pour celle d’après (12ème), qui est la première de Raphaël Ibanez sur le banc. En 2013-2014, c’est une ambitieuse Union Bordeaux-Bègles qui joue le championnat à fond. Menée par son homme fort, Met Talebula, le meilleur marqueur du top 14 avec 15 essais, Bordeaux enchaîne les succès de prestige. Toulouse, Clermont, le Stade Français et même le champion en titre Castres, se casseront les dents à Chaban-Delmas. Le jeu de vitesse proposé sous la houlette de Vincent Etcheto séduit les observateurs et les supporters. Le problème, c’est que l’Union ne dispose pas encore d’un effectif aussi profond que ses concurrents. Conséquence, l’UBB échoue à la 8ème place, avec seulement deux petits succès à l’extérieur, contre les clubs basques Biarritz et Bayonne.

Bordeaux peut notamment regretter le match à Toulouse, où la botte de Beauxis (toulousain à l’époque) les prive d’une victoire lors d’un match accroché. Il y a aussi ce match perdu dans les 10 dernières minutes face à Toulon, à domicile. Le bonus offensif acquis lors de la dernière journée ne permet même pas aux coéquipiers de Pierre Bernard de se qualifier pour les barrages de Champion’s Cup, puisque le Stade Français empoche le bonus défensif face au futur champion toulonnais. Bien que frustrante, cette saison reste encourageante et de belles choses sont promises à l’avenir pour l’UBB.
Maladresse de Beauxis et terrible désillusion
Si le terme malédiction est employé, c’est en grande partie parce qu’en 2014-15, c’est sur un fait étonnant et surréaliste que Bordeaux ne parvient pas à se qualifier. Au terme d’une saison dingue, au scénario fou. Les Girondins sont à la lutte aux phases finales depuis la première journée et signent des succès retentissants contre Clermont (51-21), Castres (59-7) et à la Rochelle (26-29). Cette bonne dynamique est cassée lors de la défaite face à Toulouse (20-21), à Chaban-Delmas (11ème journée). Un revers amer qui laissera des traces, étant donné que Pierre Bernard rate une transformation, pourtant dans ses cordes, dans les dernières secondes du match. Cette défaite est aussi la première à domicile de la saison pour l’Union. Bordeaux est toujours à la lutte mais montre encore une énorme fébrilité à l’extérieur, comme en témoigne le déplacement à Montpellier. Avec le match en main et en supériorité numérique suite au carton rouge de Benoît Paillaugue, les coéquipiers de Sofiane Guitoune vont subir le reste de la partie. Ils repartent avec une énième défaite loin de leurs bases (34-24).
Après deux revers d’un seul point, à domicile, contre le Stade Français (22-23) et La Rochelle (20-21), la conquête des phases finales semble impossible pour l’UBB. Pourtant, Ibanez et ses hommes arrivent à se relever et à finir le championnat en bombe pour garder une chance d’intégrer le top 6 final. Lors de la dernière journée, l’Union se rend à Toulouse avec l’obligation de s’imposer. Dans le même temps, Oyonnax, à la lutte avec les Girondins, se déplace à Toulon et n’a que de faibles chances de victoire. À Ernest Wallon, Bordeaux fait jeu égal avec le Stade Toulousain. Comme face à Montpellier, les bordeaux et blanc sont même en supériorité numérique dès la 20ème minute, après l’exclusion de Census Johnston pour un coup de poing au visage. Mais dès qu’il faut capitaliser, les démons du match aller refont surface pour Pierre Bernard. L’ouvreur manque 3 pénalités et une transformation.
« À moins qu’un troupeau de moutons débarque sur la pelouse, cette pénalité devrait passer entre les perches »
Wilfied Templier, qui commentait Toulouse-UBB sur RMC, avant la pénalité de Lionel Beauxis
Bernard est donc remplacé par Beauxis pour la fin du match. Ce dernier se montre d’abord adroit en transformant l’essai de Connor (78’). L’UBB est alors à un point de Toulouse et récupère une mêlée sur les 22m toulousains après une erreur de Toby Flood. La sirène retentit lorsqu’Alexandre Ruiz siffle une pénalité en faveur de Bordeaux. Face aux poteaux, Beauxis n’a qu’à ajuster son coup de pied pour envoyer Bordeaux en phases finales, vu qu’Oyonnax s’est incliné à Toulon. Buteur expérimenté, l’international avait déjà permis à son club de triompher à l’extérieur, avec une pénalité lointaine dans les dernières secondes à La Rochelle. Mais cette fois-ci, il glisse et le ballon passe lentement sur la droite des poteaux. L’UBB s’incline incroyablement (23-22) et doit dire adieu à ses rêves de top 6.

Maudites fins de saison…
Malgré cette défaite, l’Union se qualifie quand même pour la Champion’s Cup, après un barrage gagné à Gloucester… à la sirène, sur un drop de Bernard (22-23). La saison 2014-15 se déroule donc sous fond d’Europe. Une compétition qui ne sera pas bradée par le club qui manque de très peu la qualification pour les phases finales européennes. En Top 14, l’UBB s’affirme comme un des outsiders du championnat. Menés par l’ailier australien Adam Ashley-Cooper, qui arrive après la Coupe du Monde, ils sont à la lutte pour le top 6 et croient avoir fait le plus dur en se classant 4èmes après un bon match nul obtenu à Toulouse (13-13, 18ème journée). Mais lors les 2 matchs suivant, qui se déroulent à Chaban-Delmas, les Bordelais connaissent des énormes désillusions en s’inclinant face à Clermont et au Racing. Un véritable tournant. Malgré une victoire à Grenoble, l’UBB n’arrive pas à remonter et doit se contenter de la 7ème place. Rageant.

Les 3 saisons qui suivent sont du même acabit. L’UBB est conquérante en première partie d’année et croit au top 6. Mais à chaque fois, des défaites presque incompréhensibles en fin de saison viennent annihiler tous espoirs de qualifications pour les phases finales. L’exemple le plus frappant est sûrement la saison 2018-19. Après s’être séparé de Jacques Brunel, l’Union est dans le top 6 avant de recevoir Castres, un concurrent direct, à quelques journées de la fin. Bordeaux perd ce match à domicile (12-16) et se montre incapable de se relever par la suite. L’équipe perd même inexplicablement contre Toulouse quelques semaines plus tard, toujours à Chaban-Delmas (36-43), dans un match où l’UBB menait pourtant 36-7 à la mi-temps ! La peur de gagner diraient certains.
2020, frustration ultime
Au départ de cette saison 2019-20, Bordeaux fait le neuf avec l’arrivée de Christophe Urios au poste d’entraîneur notamment. Profitant d’un nouvel état d’esprit et de la Coupe du Monde, l’UBB enchaîne les succès et se classe en tête du championnat, avec Lyon. Un début de saison parfait, qui rassure en tout point. Bordeaux est désormais capable de glaner des succès importants à l’extérieur, détient de jeunes talents, une profondeur de banc, et fait en plus le spectacle. Et comme, en plus, il y a des joueurs d’exceptions comme Semi Radradra, Matthieu Jalibert ou encore Santi Cordero, l’UBB poursuit sur sa lancée et est largement en tête du championnat à 9 journées de la fin. Mais Covid-19 oblige, le Top 14 est définitivement annulé et Bordeaux doit cesser de croire en ses rêves de titres. Le plus dur reste sûrement que le club de Laurent Marti n’a donc toujours pas officiellement été qualifié pour les phases finales depuis 2011 !
Cette saison n’est toujours pas la bonne pour l’UBB qui aura, encore une fois, goûté au malheur en fin de saison. Mais un groupe et un état d’esprit sont nés. Les joueurs seront sûrement revanchards la saison prochaine pour aller accrocher ce qui leur est dû : une place parmi les meilleures équipes du Top 14. Il y a, certes, les départs importants de Semi Radradra, Adrien Pélissié et Peni Ravai, mais il y a aussi les arrivées de Ben Lam, Joseph Dweba et Ben Tameifuna. Pour la saison prochaine, tout est donc encore possible.