Hockey

NHL : Québec, le Nord en héritage

La saison 2020-2021 de NHL marquera l’anniversaire des 25 ans du déménagement des Nordiques de Québec à Denver, pour devenir l’Avalanche du Colorado. A cette occasion, nous revenons sur le parcours d’une franchise qui a marqué l’histoire de la ligue et dont le souvenir est encore profondément ancré dans son port d’attache, Québec, la plus francophone des villes nord-américaines.

L’uniforme des Nordiques de Québec de retour en NHL la saison prochaine ? Oui… mais pas vraiment. Afin de souligner ses 25 ans d’existence, l’Avalanche du Colorado veut rendre hommage à ses racines en ressortant des cartons le vieux maillot des Nordiques. « On s’est toujours assuré de respecter l’historique de la franchise, explique Jean Martineau, vice-président aux communication de Colorado. Tous les records et statistiques des Nordiques demeurent comptabilisés dans nos guides médias. D’autres organisations ne le font pas, mais on a toujours respecté notre passé. » Si cette initiative risque de faire jaser sur les bords du Saint-Laurent, elle a le mérite de remettre sur le devant de la scène la franchise québécoise.

Car le bleu blanc rouge n’a pas toujours été l’apanage du Canadiens de Montréal dans la National Hockey League (NHL). De 1979 à 1995, les couleurs du drapeau français ont également été fièrement portées par les Nordiques de Québec. Créée en 1971, l’équipe évolue d’abord dans la AMH (Association mondiale de hockey) jusqu’à la disparition de cette dernière en 1979. Les Nordiques, tout comme les Oilers d’Edmonton et les Jets de Winnipeg, prennent alors le chemin de la NHL. « C’est le plus grand jour de l’histoire du Québec depuis l’arrivée de Jacques Cartier », s’enthousiasmait Marcel Aubut, le président de la franchise, le jour de l’officialisation de la nouvelle.

Rivalité fratricide

Match entre les Nordiques (en bleu) et les Canadiens (en blanc), au Forum de Montréal, en 1986. Crédit : Archives La Presse/Bernard Brault

S’ils n’ont jamais remporté de titre en 16 ans d’existence dans la grande ligue, les Nordiques ont vu passer dans leurs rangs quelques joueurs qui se sont frayés un chemin jusqu’au Hall of Fame. C’est notamment le cas de l’ailier québécois Michel Goulet, qui a effectué toute sa carrière à Québec (1979-1990), d’une légende en fin de carrière (Guy Lafleur, 1989-1991) ou encore de jeunes prometteurs qui feront une grande carrière ailleurs (Mats Sundin et Joe Sakic). Mais, s’il ne fallait en garder qu’un, ce serait sans aucun doute Peter Stastny. Arrivé à l’issue de la première saison des Nordiques dans la NHL, le joueur de centre tchèque s’impose de suite comme une superstar. Il remporte le Calder (trophée remis au meilleur rookie) en 1981 et, jusqu’à son départ à New Jersey en 1991, il restera régulier au-dessus des 100 points par saison. Mieux encore, il devient le chouchou du Colisée de Québec grâce à sa personnalité et ses efforts pour apprendre le français. Son fils, Paul Stastny, joue encore en NHL et a notamment porté le maillot des Bruins de Boston… et de l’Avalanche du Colorado.

Au-delà des talents individuels qui ont enfilé l’uniforme aux fleurs de lys, l’histoire des Nordiques dans la NHL est surtout marquée par la rivalité entretenue avec les Canadiens de Montréal. Rivalité sportive bien sûr, puisque les deux équipes québécoises se sont affrontées 5 fois en play-offs (3 victoires à 2 pour Montréal), mais également rivalité politique et économique entre la capitale de la région, 100% francophone et symbole des envies d’indépendance du Québec, et sa rivale, plus peuplée et davantage tournée vers les Etats-Unis.

De cette haine fratricide est née la Bataille du vendredi saint, l’un des événements les plus marquants de l’histoire de la NHL. En 1984, en pleines séries éliminatoires, les Canadiens accueillent les Nordiques pour un sixième match qui sent la poudre. S’ils l’emportent, les Montréalais se dirigent vers les finales de conférence. Au cours de ce match, de nombreuses bagarres éclatent, dont deux “générales” qui font des dégâts : Mario Tremblay brise le nez de Peter Stastny (les deux joueurs seront expulsés) tandis que le Montréalais Jean Hamel (un ancien des Nordiques) reste inconscient sur la glace pendant plus de 10 minutes à la suite d’un coup de poing. Mark et Dale Hunter, pourtant frères mais jouant l’un contre l’autre, se frappent à plusieurs reprises. Finalement, les Canadiens l’emportent 5-3 et éliminent les Nordiques, mais ce match obligera la NHL à changer plusieurs règles afin que les joueurs se croisent le moins possible lors des pauses.

En 1995, à la suite de difficultés économiques et à l’issue d’une saison écourtée marquée par un lock-out, les propriétaires des Nordiques cèdent les droits de la franchise à un groupe américain qui fait déménager l’équipe à Denver, dans le Colorado.

L’espoir d’un retour ?

A l’image des fans montréalais avec leur équipe de baseball des Expos, les Québécois n’ont jamais vraiment fait une croix sur leur franchise de cœur. Au début des années 2010, un possible retour des Nordiques avait même fait l’actualité. La municipalité a en effet investit très fortement dans la construction d’une aréna répondant aux exigences de la NHL. Le Centre Vidéotron a officiellement été inauguré en 2015 et accueille les Remparts de Québec (LHMJQ) ainsi que de nombreux événements et concerts, en attendant peut-être mieux.

Le Centre Vidéotron accueille les Remparts de Québec (une équipe junior) en attendant peut-être, un jour, le retour des Nordiques.

Derrière ces investissements, il y a bien sûr une volonté politique, mais le “dossier” du retour des Nordiques est principalement mené par Pierre-Karl Péladeau, homme d’affaires québécois qui détient Québécor, le géant des télécommunications (dont le fournisseur Vidéotron qui donne son nom à l’aréna) et des médias. “PKP”, c’est également l’ancien chef du “PQ”, pour parti québécois, le principal parti indépendantiste du Québec.

Si les espoirs d’un retour de la NHL dans la capitale québécoise ont été quelque peu douchés avec les choix successifs de Las Vegas et Seattle comme nouvelles équipes d’expansion, Péladeau a récemment émis l’hypothèse que l’actuelle crise économique causée par la pandémie de coronavirus pourrait être un avantage pour Québec. « Dans les circonstances que nous connaissons, avec les outils, les actifs et les avantages dont dispose Québecor, honnêtement j’ai de la difficulté à dire ce qui nous manque pour réussir », a avancé l’homme d’affaires lors d’une entrevue à Radio X, il y a une dizaine de jours. Actuellement, un système de péréquation permet aux équipes en difficulté financière de profiter des revenus des équipes en meilleure santé. Mais, avec la crise, c’est tout ce système qui pourrait être mis à l’épreuve, rendant les plus petits marchés vulnérables. D’autant que certains d’entre eux avaient déjà du mal à garnir leurs gradins avant la crise…

Avec son marché de passionnés, son aréna dernier cri et son histoire qui parlera à tous les nostalgiques de la NHL des années 80, Québec a plus que jamais les atouts pour tenter un retour en force. Alors que le dernier match de son histoire s’est déroulé il y a un peu plus de 25 ans jour pour jour, le 16 mai 1995 au Madison Square Garden de New York, les Nordiques de Québec n’ont peut-être pas fini de faire parler d’eux.

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :