Une défaite 1-4 face à Leverkusen, hier soir, sur ses terres et une perspective de maintien qui s’éloigne pour le Werder Brême. Le club du nord de l’Allemagne va mal et pourrait connaitre sa première relégation depuis 39 ans. L’occasion de retrouver le voisin d’Hambourg en D2 l’an prochain ? Une réalité à ne pas écarter tant le club hanséatique ne parvient pas à s’extirper du bourbier de la 2.Bundesliga depuis deux saisons. Pour Brême, il reste malgré tout neuf matchs pour s’en sortir mais le temps presse et les motifs d’espoir sont maigres. Focus sur une saison galère.
De la course à l’Europe, à la lutte pour le maintien
Le temps où le Werder dominait l’Allemagne avec Ismaël, Baumann, Borowski, Micoud, Ailton, Klasnic ou Charisteas, qui le voyait attendre une finale de Coupe de l’UEFA avec Mesut Ozil, semble bien révolu. Durant la dernière décennie, les Grünweissen se sont imposés comme un club du ventre mou de la Bundesliga avec pour seuls motifs de satisfaction, les passages éclairs mais éblouissants de Kévin de Bruyne (2012-13) et Serge Gnabry (2016-17). Toutefois, la cuvée 2018-19 laisse entrevoir de l’espoir. Avec un coach jeune et issu du cru local, Florian Kohfeldt, et un effectif talentueux, Brême réalise un exercice de belle facture qui le voit échouer à un petit point d’une qualification en Europa League, après avoir atteint la demi-finale de la DFB Pokal.

Fort de ce retour en grâce, l’ambition est au rendez-vous l’été dernier et la volonté de retrouver l’Europe après une absence de près de 10 ans, est martelée. En ce sens, on mise sur la stabilité, l’effectif est quasiment inchangé et un seul départ majeur est à noté, celui du capitaine Max Kruse vers le Fenerbahçe. Pour remplacer l’attaquant, auteur de 11 buts et 9 passes décisives, le club signe l’ancien pensionnaire du centre de formation, Niclas Füllkrug, ainsi que l’ex pépite de Cologne, Leonardo Bittencourt. Le défenseur international turc, Ömer Toprak, est lui prêté par le Borussia Dortmund pour apporter un peu plus de volume à la défense.

Mais le constat est aujourd’hui amer et rien ne s’est passé comme prévu. Avec encore neuf matchs à disputer, dont un en retard, le Werder occupe la 17e place, cinq points derrière le Fortuna Düsseldorf, barragiste, et à neuf de Mayence, premier non relégable. Plus inquiétant, les statistiques ne trompent pas, le Werder est à sa place : 28 marqués (deuxième pire attaque) pour 59 concédés (pire défense) dont 18 sur coup de pieds arrêtés. Un mal profond pour la formation qui a encaissé le plus de but parmi les cinq grands championnats depuis 10 ans (599). La période de lune de miel est bel et bien terminée pour l’entraîneur Florian Kohfeldt, lui qui n’était pas né lors du dernier passage en deuxième division de son club de toujours (saison 1980-81).
Les blessures au cœur du problème ?
Si l’Allemagne se montre précurseur dans la formation de ses tacticiens, tous ne connaissent pas la même réussite. Pour chaque Jürgen Klopp, Thomas Tuchel ou Julian Nagelsmann, il y a un Alexander Nouri (Werder), un Sandro Schwarz (Mayence), un Christian Titz (Hambourg), un Andre Schubert (Gladbach), un Ante Covic (Hertha), pour qui la confirmation d’une saison réussie n’est pas au rendez-vous. Pour Kohfeldt, il semble s’inscrire dans le deuxième cas. Mais malgré les résultats désastreux : 4 victoires, 6 nuls et 15 défaites, le board du Werder avec Oliver Baumann en tête, n’hésite pourtant pas à maintenir sa confiance à l’entraineur de 37 ans, qui a fait ses armes avec les équipes de jeune et la réserve auparavant.
À sa décharge, l’effectif mis à sa disposition est miné par les blessures (18 au total), à commencer par les renforts estivaux. Töprak n’a disputé que 10 rencontres de championnat à ce jour et Füllkrug seulement quatre. La défense est d’ailleurs la plus touchée, neuf joueurs ont disputé au moins 7 rencontres, une situation qui maintien un chantier permanent et qui explique en partie le naufrage défensif. Au delà, pas moins de neuf dispositifs tactiques ont été appliqué cette saison, allant du 4-3-3 offensif au 3-5-2, en passant par un 4-1-4-1, mais aucun n’a duré plus de 3 matchs. Conséquence, l’équipe, n’est pas organisée, le gegenpressing n’est pas efficace et le bloc collectif n’est pas compact, ce qui empêche une unité défensive resserrée et un jeu de possession fluide.
À l’image de Nuri Sahin, milieu défensif expérimenté qui est passé par Dortmund (sous Klopp), le Real Madrid et Liverpool, c’est tout le milieu de terrain qui se montre inefficace. L’international Turc le premier. Malgré un début de saison satisfaisant qui le voit concurrencer Kevin de Bruyne au titre du milieu le plus efficace dans l’organisation du jeu (82,2% de passes réussie et une moyenne de 2 passes clés dans le match), son rendement a clairement baissé. Pour preuve, le joueur touchant le plus de ballon est Maximilian Eggestein (1307 ballons), qui ne pointe pourtant qu’au 52ème rang de la Bundesliga. Avec 46 % de temps de possession au milieu de terrain, le Werder subit la baisse de régime de ses cadres et de ses difficultés collectives. Son jeu de transition ultra rapide est trop difficile à mettre en place dans un tel contexte.
Rashica et Sargent en sauveur ?
Quatrième meilleure attaque (en ayant d’ailleurs été la seule à marquer à chaque match de Bundesliga), Brême est aujourd’hui une équipe qui frappe en moyenne 12 fois au but durant 90 minutes. Mais le pourcentage de réussite n’est que de 7 %, seul Düsseldorf fait pire. Cela s’exprmie au travers d’un xG par tir de 0,085, révélant une incapacité à tirer dans des positions favorables. D’autant que 38 % des tirs sont pris à l’extérieur de la surface (soit 5 par match). L’une des explication est que le profil de Kruse n’a pas été remplacé. L’attaquant allemand, représente l’archétype du n°9 moderne en Allemagne, capable d’imposer une présence physique dans la surface adverse, de participer à la construction du jeu en se plaçant entre les lignes et d’être à la finition. Mais ni Osako, ni Sargent, ni Pizarro ne peuvent s’inscrire dans ce registre. Le prêt de Selke en janvier apporte une alternative qui s’en rapproche.
Tableau 2 : xG du Werder de 1,5, un des pires ratio de Bundesliga, nouveau symbole du manque d’efficacité offensif
Tableau 3 : Pourcentage élevé (38 %) du nombre de tir en dehors de la surface, ce qui démontre l’incapacité à se procurer des occasions franches
(source : footballbh)
Suffisant pour redémarrer la machine ? Jusqu’ici, seul le duo Rashica-Sargent parvient à faire de maigre différence (11 points sur 18 grâce à eux). Le Kosovar, dont le profil est similaire à Alexis Sanchez, se montre particulièrement efficace lorsque l’occasion lui est donnée, alignant un but toutes les 145 minutes jusqu’à décembre (5ème meilleur ratio d’Europe pour un ailier), pour 7 buts au total. Malheureusement, il n’a plus marqué depuis et le Werder n’a remporté qu’un match. Constat similaire pour Sargent, le jeune international américain de 19 ans, souvent comparé à son coéquipier Pizarro, n’a inscrit que 3 buts et délivré 2 passes décisives, tout en rapportant sept points au total (une victoire et quatre nuls) et à chaque fois en tant que titulaire (9 fois).
Les deux joueurs possèdent les qualités requises pour permettre le jeu en transition affiché l’an passé. Rapide, technique et puissant, le duo se complète bien et est idéal dans les situation de contre-attaque. Cependant, cette situation ne représente que 4% des buts du Werder cette année et les coups de pieds arrêtés n’apportent pas une option plus viable (7 buts marqués). Psychologiquement l’équipe est au fond du trou, incapable de s’adapter avec un effectif inexpérimenté pour une opération de sauvetage. Le match nul au Hertha juste avant l’arrêt du championnat va dans ce sens, un avantage de 2-0 qui se liquéfie en fin de rencontre (2-2), car le banc de touche n’est pas un soutien efficace : 0 but inscrit par des remplaçants.
Le spectre de la descente
Si cette saison, les fans, dirigés par l’une des scènes ultra les plus dynamiques d’Allemagne, restent fidèles à leur équipe. Le Weserstadion n’a pas porté chance a ses poulains, qui n’ont empoché qu’une victoire et cinq points au total à domicile. Si Kohfeldt se veut optimiste et assure que cette situation de d’arrêt du championnat a changé les choses, la prestation d’hier soir face aux Bayer Leverkusen (1-4) a démontré que les maux restent les mêmes.

La crise apparait profonde, sur le terrain comme dans les têtes. Elle passe aussi par une contestation plus large. Durant la saison, plusieurs manifestations contre la décision controversée de vendre les droits de namming du stade à la société immobilière Wohninvest ont été aperçues. Les bannières avec des messages tels que “Forever Weserstadion” et “Weserstadion intouchable” sont monnaie courante à domicile et les supporters n’hésitent pas à être d’avantage démonstratifs. Dix minutes après le début du match contre Paderborn, les fans ont déployé un drap noir sur la boîte VIP, bloquant la vue des occupants, démontrant leur envie de maintenir les valeurs du club avant tout.
C’est pourquoi Kohfeldt terminera la saison, quitte à envoyer le Werder en deuxième division. Une relégation qui s’inscrirait dans un marasme général pour les Traditionvereins ces dernières années. Hambourg, Stuttgart, Hanovre, Cologne ont connu la descente sur les trois saisons précédentes. Schalke est passé proche de les rejoindre l’an passé et récemment, Wolfsburg et Mönchengladbach ont dû passer par des barrages pour se sauver. La situation est d’autant plus urgente qu’en cas d’arrêt définitif du championnat avant sa conclusion, la DFB s’est déjà déclaré en faveur d’une relégation des deux derniers au classement. Une chute qui s’accompagnerait d’une perte des droits TV pour les matchs non diffusés, alors qu’une dizaine de millions d’euros sont d’ore et déjà perdu à cause du huis clos imposé.
Pour s’en sortir, le Werder devra affronter Fribourg, Mönchengladbach, Schalke, Wolfsburg et le Bayern, tous concernés par des enjeux cruciaux dans le haut de tableau. Le scénario cauchemar d’une relégation semble se dessiner alors qu’il ne reste que neuf matchs à disputer, si les conditions le permettent. Demi-finalistes en 2009 de la Coupe de l’UEFA, Hambourg et Brême pourrait de nouveau s’affronter mais pas de la manière espérée.