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Mourad Boudjellal, l’ambitieux

Dirigeant historique du Rugby Club de Toulon, Mourad Boudjellal est sans conteste possible un des personnages les plus hauts en couleur du paysage sportif français. Audacieux, « grande gueule », clivant… On pourrait lui trouver des qualificatifs nombreux, qui diffèreraient selon les affinités. Mourad Boudjellal n’est pas du genre à reculer devant un projet colossal et inédit. Sera-t-il dirigeant d’un club de football ou président de la Ligue Nationale de Rugby ? Une chose est sûre, il est fait pour diriger, et entend bien trouver un nouveau défi à relever.

Sa petite entreprise ne connaissait pas la crise. A la présidence du RC Toulon depuis 2006, Mourad Boudjellal a mené le club varois au sommet du rugby français et européen. Champions de France en 2014, mais surtout vainqueurs de la Coupe d’Europe en 2013, 2014 et 2015, les Toulonnais ont infligé à l’Europe une période de domination rare. Le Napoléon du Var a durant près de 15 ans enchaîné les déclaration osées devant la presse et les gros coups sur le marché du rugby. Jonny Wilkinson, Delon Armitage ou encore Bakkies Botha ont rejoint les rangs des Rouge-et-Noirs durant la présidence de Mourad Boudjellal, permettant ainsi au RCT de rayonner tant d’un point de vue sportif que marketing. Le RC Toulon est confortablement installé dans le Top 14, après plusieurs années en dents de scie entre 2006 et 2010. Mais rapidement, on comprend que Mourad Boudjellal n’est pas un dirigeant comme un autre ; la compétitivité de son club en Top 14 n’est pas sa principale préoccupation. Briller à l’échelon européen est plus important, et s’il a quelque chose à faire à l’échelle française, c’est diriger encore plus haut.

La Ligue nationale de rugby : une idée qui ne date pas d’hier

En 2016, Mourad Boudjellal était déjà candidat à la présidence de la LNR. « En tant que candidat, je peux retrouver ma liberté de parole. J’ai des solutions et ça va surprendre » déclairait-il alors, avec son assurance assumée. L’un de ses leit-motive, le manque de liberté économique et financière des clubs de Top 14. En 2014/2015, le RC Toulon avait été épinglé pour ne pas avoir respecté le salary cap imposé par les instances françaises, un dépassement de moins de 1 % selon lui. De cette lutte avec Paul Goze, Boudjellal sort battu, mais loin d’être résigné. Il affirme réfléchir depuis longtemps à des solutions efficaces et détonantes pour relancer le rugby français. Aujourd’hui encore, le varois à des choses à dire et des propositions à avancer. Révolutionner la LNR, relancer l ‘économie du rugby, voilà le challenge que veut relever Mourad Boudjellal.

Désormais retiré du RCT, Mourad Boudjellal fait mûrir ses projets (Image : Icon Sport)

S’il n’est pas encore officiellement candidat pour briguer la présidence de la LNR, Mourad Boudjellal a tout de même exposer les bribes d’un plan ambitieux : des clubs actionnaires de la ligue, des droits TV plus avantageux, des aides pour les clubs dans le dur… Bref, des changements radicaux qui visent à renforcer une économie trop instable selon le principal intéressé. Le principal chantier auquel il aimerait s’attaquer est celui du salary cap. Dénonçant les pratiques laborieuses et désormais usuelles de tous les clubs pour contourner les règles actuelles, Boudjellal en propose de nouvelles : « Ce que je veux c’est que l’argent reste à l’intérieur du système » déclare-t-il à l’antenne d’RMC. Comment ? « En excluant du salary cap les joueurs formés au club […] ou en achetant du salary cap à des clubs », manières de valoriser la formation et de soutenir les clubs modestes du championnat.

Valoriser la formation, en voilà une idée qui nous rappelle à nos bons souvenirs de début d’année 2020. Limiter le nombre d’étrangers est une des solutions proposées par Mourad Boudjellal à ce propos. Une solution étonnante quand on sait le nombre de stars mondiales qui sont venues porter le RCT les années passées, mais qui l’est beaucoup moins après le sacre des Espoirs toulonnais l’an dernier dans le championnat de France (face au Stade Rochelais). Mourad Boudjellal entend également faire de la ProD2 le berceau du rugby français.

Frapper aux portes du football

Et si le rugby était un terrain de jeu déjà trop arpenté par Mourad Boudjellal ? Le football peut-il devenir la nouvelle obsession du varois ? C’est en tout cas une information qui a pris du poids au cours de ces dernières semaines, avant de connaître un revirement de situation brutal. Après avoir démissionné de la direction du RCT en février 2020, Mourad Boudjellal déclarait vouloir briguer la présidence du Sporting Club de Toulon, le club de football de la ville, évoluant actuellement en National 2, la quatrième division française. Boudjellal le reconnaît lui-même, il pensait que ce projet allait susciter un engouement positif… « En disant ça, dans une ville comme Toulon, je pensais que j’allais être accueilli à bras ouverts. Sauf que j’ai été reçu à bras raccourcis » déclarait-il à France TV Sport. Dans le viseur de l’ex-président du RCT, il y a Claude Joye, actionnaire majoritaire du Sporting, qui selon ses mots « prend vite des coups de soleil à la lumière ». Mourad Boudjellal a vu son projet réduit à néant en un claquement de doigts.

Claude Joye & Mourad Boudjellal, deux dirigeants qui ne passeront pas l’été ensemble (Image : Var-Matin)

Pourtant, ce projet, Mourad Boudjellal l’avait laissé mûrir longtemps. Pour les moins de vingt ans, Toulon n’a rien à voir avec le football, le club ayant disparu de l’élite depuis plus de 25 ans, mais le Sporting a connu de belles années, se maintenant 10 ans en première division de 1983 à 1993. De grands noms comme Delio Onnis, Jean Tigana, Roland Courbis ou David Ginola ont porté le maillot du Sporting. Devant cette histoire pas si vieille, Boudjellal déclare : « Revoir Toulon en Ligue 1, ça aurait de la gueule », et on peut difficilement lui donner tort. Déclarant ouvertement son envie de reprendre le club en main, Boudjellal a une fois de plus divisé l’opinion. Selon Var-Matin, Boudjellal aurait même contacté Pascal Dupraz afin d’entraîner les Azurs et Or en cas de rachat, requête à laquelle l’actuel coach du Stade Malherbe de Caen aurait répondu positivement. Une information qui a d’ailleurs poussé le technicien à préciser son attachement au Sporting sans pour autant reconnaître une volonté de changer de club.

Que ce soit à Toulon ou ailleurs, la possibilité de voir Mourad Boudjellal intégrer le monde du football est très crédible. « Le Sporting reste mon option numéro 1 car je suis attaché à ma ville, mais si ça ne se fait pas, j’ai d’autres options dans le foot, dont une très avancée » déclarait-il dans un entretien accordé à L’Équipe. S’il refuse pour l’instant d’évoquer ses autres projets, les rumeurs vont bon train. L’une d’elles, et pas la moins remarquée, le lierait à Cyril Hanouna et à l’Athlético Marseille. Tant que Claude Joye est à la tête du Sporting Club de Toulon, il paraît impossible de voir Mourad Boudjellal acquérir des responsabilités au sein du club. Partira-t-il ? Bien qu’il semble très attaché à sa ville, Boudjellal semble résolu à se lancer dans une nouvelle aventure…

Quel sera le prochain poste de Mourad Boudjellal ? Bien difficile à dire aujourd’hui. Pas vraiment candidat à la présidence de la LNR, sur liste noire à Toulon, Mourad Boudjellal alimente la chronique et fait parler de lui. En connaisseur avisé du sport professionnel, il semble plein de ressources pour rebondir et ne pas lâcher ses plus profondes convictions qui font de lui l’un des agitateurs appréciés par le public. Toujours est-il que ses propositions pour réformer le rugby français s’opposent de plein fouet au conservatisme des instances actuelles. Le rugby français sautera-t-il le pas vers une refonte profonde ? Suivra-t-il le pragmatisme et la raison actuelle ? Dans tous les cas, Mourad Boudjellal saura donner son avis, et le défendre.

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