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Pourquoi les médias espagnols sont-ils un problème pour le football ?

« Intransigeant », « sévère », « tranchant » sont souvent des mots caractéristiques de la presse espagnole vis-à-vis du football. Apparue dans le paysage journalistique au début du XXe siècle, cette presse s’est au fur et à mesure du temps développé au point de devenir la presse sportive la plus lue du monde. Malgré tout, jugée parfois dérangeante, la presse espagnole ne fait pas toujours l’unanimité. Le CCS vous en explique les raisons.

Comment se structurent les médias sportifs espagnols ?

Logiquement, la presse sportive espagnole a tendance à se différencier entre les régions. Très schématiquement, on peut la partager entre la région de la Catalogne et la province de Madrid. De ce fait, s’opposent les médias pro-Barça et ceux pro-Madrid. Le plus connu de tous, le journal Marca. Fondé par Manuel Fernández-Cuesta Merelo en 1938, ce journal sportif est le quotidien le plus vendu en Espagne. Pro-madrilène, il défend principalement les couleurs de la Maison Blanche. À ses côtés pour supporter les couleurs du club entrainé par Zinedine Zidane, le journal As. Créé à la fin des années 60, il couvre, comme Marca, essentiellement les actualités liées aux deux clubs de Madrid.

À plusieurs centaines de kilomètres de Madrid, se trouve la Catalogne. Dans cette région, de nouveaux médias aliment l’actualité footballistique. Les plus connus d’entre eux: El Mundo Deportivo et Sport. Plus ancien que tous les autres, El Mundo Deportivo, défend fièrement les clubs catalans, le FC Barcelone et l’Espanyol Barcelone. Le célèbre journaliste Santi Nolla est le directeur du journal.

Une statistique pour souligner l’importance de cette rupture entre les médias pro-Barça et pro-Madrid: près de 3 lecteurs sur 4 du journal El Mundo Deportivo sont des lecteurs catalans. La presse espagnole est donc clairement une presse régionalisée. On aurait pu même parler du journal Superdeporte qui couvre l’actualité sportive près de la région de Valence.

Cette division résonne aussi jusque dans les médias internet. Plusieurs d’entre eux défendent principalement un des deux clubs. Par exemple, les sites internet Defensa Central ou encore Bernabeu Digital couvrent l’actualité des Madrilènes.

Le foot espagnol face à la presse

Journaliste à la Radio Nationale Espagnole (RNE), Guillaume Bontoux le dit lui-même: les journaux sportifs espagnols sont faits “pour et par les supporters”. À l’affut des dernières informations pas tout le temps avérées, elle n’hésite pas à sortir des nouvelles proches du “buzz”. Ces derniers sont des véritables médias d’opinion. Évoquer un éventuel transfert contestable, critiquer l’arbitrage après une rencontre ou bien l’adversaire lui-même sont tant de choses que les médias espagnols ne se privent pas.

Cette interdépendance média/sport s’est intensifiée depuis que le marché des transferts s’est mondialisé. Il suffit d’évoquer le transfert le plus important de l’histoire, celui de Neymar au PSG, pour le comprendre. Généralement à l’origine des premiers “scoops”, la presse espagnole s’est montrée, à travers ce transfert, dans toute sa splendeur. Elle cherche d’ailleurs encore à relancer les spéculations autour de ce transfert. L’année dernière, alors que Neymar semblait vouloir quitter le club de la capitale et se rapprocher de son ancien club, la presse espagnole n’a pas hésité à tenir en haleine ce sujet pendant tout l’été. Le lendemain que les dirigeants du PSG aient déclaré que Neymar était transférable en cas d’offre à la hauteur de ses attentes, le journal Sport titrait en une “Porte ouverte à Neymar”. En l’occurrence, pas si ouverte que cela puisque Neymar est, actuellement, toujours un joueur du PSG.

Cette animation médiatique peut s’expliquer aussi, outre la recherche du “buzz”, par le jeu du pouvoir politique. Si l’on prend l’exemple du président du FC Barcelone, Josep Maria Bartomeu, il est indéniable de penser qu’il pèse énormément dans les décisions éditoriales des journaux pro-Barça. Il n’hésite pas à se servir de ces médias pour faire passer des messages importants liés au club. Dans une interview accordée à Mundo Deportivo en mars dernier, Bartomeu s’est exprimé au sujet des différents qu’avaient eu lieu au sein du club au début d’année. Une interview qui a permis au président du Barça de remettre de “l’ordre dans la maison”. L’occasion également de parler de nouveau du retour de Neymar en affirmant que le Barça “sera sur le marché disposé à effectuer les opérations qu’il jugera appropriées”. Synonyme que les présidents des clubs ont aussi un poids important au sein de cette agitation médiatique. Les journaux sont en quelque sorte les propriétaires de l’image des clubs.

L’une des plus belles rivalités médiatiques

Si l’on veut voir s’opposer les médias pro-Barça et pro-Real, il suffit de s’approcher des grands rendez-vous footballistiques. L’un des plus importants d’entre eux: le Classico entre le FC Barcelone et le Real Madrid en 2010. Cette année-là, José Mourinho vit son premier classico sur le banc des Merengue. Face à lui, le Barça de Pep Guardiola et de Lionel Messi. L’entraineur portugais et l’ensemble de son équipe vivront une soirée cauchemardesque puisqu’ils s’inclineront sur le score de 5 buts à 0. La presse espagnol ne tardera pas à réagir à ce fiasco. Le journal Sport fera l’une de ces Unes les plus célèbres avec en premier plan les 5 doigts de la main représentant les 5 buts du Barça infligés aux joueurs du Real.

Cet exemple de Une montre à quel point les médias espagnols peuvent user de la provocation. Cependant, cela n’insinue pas forcément un “mauvais” travail journalistique en lui-même. Effectivement, la renommée de cette presse espagnole est aussi due à la pertinence de ses écrits. Dans un article du Monde, le sociologue du sport Ramon Llopis-Goig, parle de “façade sensationnaliste qui cache une connaissance technique et tactique. En rajoutant “Le ton véhément a tendance à prendre plus de place ces dernières années.”. Une manière de traiter l’actualité sportive propre à l’Espagne, si on la compare, par exemple, à d’autres presses sportives.

Au final, une presse espagnole plutôt “à part” qui n’hésite pas à afficher ses prises de positions sportives. Des engagements payants puisque elle est, aujourd’hui, la presse la plus lue dans le monde.

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