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Report des JO 2020 : Qui en sont les gagnants et les perdants ?

Mardi 24 mars dernier, le Comité International Olympique et le Japon ont conjointement annoncé le report des Jeux Olympiques de Tokyo 2020 du 23 juillet au 8 août 2021. C’est une première car jusqu’à présent seules les deux guerres mondiales (en 1916, 1940 et 1944) avaient eu raison de la compétition ressuscitée par le baron Pierre de Coubertin. Jamais les JO n’avaient été reportés, ni organisés une année impaire. Entre désillusions et espoirs grandis, ce report historique engendrera des destinées nouvelles. Mais qui pourraient en être les gagnants ? Et qui semblent en être les perdants ? Allez, on fait le point.

Avant de parler en détail de l’ensemble des athlètes, le premier grand perdant est bel et bien le Japon, pays organisateur. Selon le quotidien économique japonais Nikkei, le report pourrait coûter 300 milliards de yens (près de 2,5 milliards d’euros), en incluant les frais de location de sites, la modification des réservations hôtelières et l’emploi prolongé du personnel de l’organisation et d’agents de sécurité, entre autres. Alors que le Japon est entré en récession économique, le CIO a dégagé une enveloppe de 740 millions d’euros pour faire face aux conséquences de la crise liée au coronavirus. Toshiro Muto, le directeur général du comité d’organisation estime qu’il faudra « revoir certaines ambitions à la baisse ». En somme, des Jeux plus cher… mais moins spectaculaires que prévu.

Toshiro Muto se veut réaliste sur ce report de Tokyo 2020 (Photo : TÉLAM)

Les jeunes qui devraient en profiter

Ils sont jeunes et déjà brillants. Ils le seront sans doute encore plus dans un an. C’est la logique des choses. Sasha Zhoya, pépite de l’athlétisme français, est programmée pour Paris 2024. Le report lui offrira peut-être l’occasion d’avoir une première expérience olympique, sans connaître la pression qu’il portera sans doute sur ses épaules dans quatre ans. Un luxe. Le cycliste belge Remco Evenepoel, déjà très impressionnant depuis ses débuts professionnels en 2019, devrait être encore plus costaud en 2021. De quoi viser un doublé doré chrono-course en ligne ? Le temps joue aussi en faveur de la Next Gen du tennis. Thiem, Tsitsipas, Zverev ou encore Medvedev auront une année de plus sur le circuit – et peut-être un titre en grand chelem – pour aborder les JO en 2021 et essayer de déloger un big 3 (Federer, Nadal et Djokovic) ne laissant que très peu de place aux autres. Autres perles du tennis mondial, les jeunes Sofia Kenin (21 ans), Bianca Andreescu (19 ans) et même Coco Gauff (16 ans) auront l’occasion d’accumuler de l’expérience avant de tenter leur chance à Tokyo. Le Japon pourrait reporter ses rêves de gloire sur Takeru Kitazono. Avec 5 médailles d’or aux Jeux Olympiques de la Jeunesse de Buenos Aires, le gymnaste de 17 ans a le profil idéal pour faire une belle moisson en 2021. Enfin, la skateboardeuse britannique Sky Brown, âgée de seulement 11 ans et actuellement classée troisième au monde, deviendra la plus jeune athlète à avoir participé à une Olympiade, tout en luttant pour une médaille.

Sasha Zhoya, posant ici avec son record du monde junior du 60 m haies, est le futur de l’athlétisme français (Photo : FFA)

Ceux et celles qui vont revenir de blessure

Ils avaient vu leur rêve olympique s’effondrer en se blessant gravement. Ils voient toutes et tous d’un bon œil les quelques mois supplémentaires qui leur sont accordés pour se reconstruire. Le Sud-Africain Wayde Van Niekerk, recordman du monde et champion olympique du 400m à Rio en 2016 n’a plus participé à une course officielle depuis 2017 et sa grave blessure au genou droit. Ce report d’un an lui permettra de retrouver une forme olympique avant de défendre son titre. Il en va de même pour le judoka Toma Nikiforov, champion d’Europe en 2018 et en rééducation d’une épaule ou encore de la belge Nafissatou Thiam, championne olympique de l’heptathlon à Rio qui souffrait d’un coude. Côté français, le rayon infirmerie va également pouvoir se vider avant 2021. Le report sonne ainsi comme une bonne nouvelle pour trois sportives victimes d’une rupture des ligaments croisés d’un genou : les handballeuses Manon Houette (en janvier) et Laura Glauser (en octobre), et la gymnaste Claire Pontlevoy (début février). Touché au tendon d’Achille, à l’ischio-jambier gauche et au genou droit pendant les Mondiaux de Doha, Kevin Mayer n’a encore participé à aucune compétition depuis et devait réaliser les minima pour les JO aux États-Unis au mois d’avril. Le risque de voir le champion du monde 2017 enchaîner deux décathlons dans la même année, ce qui aurait été une première depuis 2016, n’est plus d’actualité. Il peut prendre son temps pour performer à l’automne et se concentrer sur ce qui devraient être « ses Jeux » en 2021. Opéré de l’épaule en janvier dernier Mehdy Metella avait dû déclarer forfait pour les JO 2020, contraint à une convalescence de quatre à six mois. C’est donc un énorme soulagement pour le médaillé de bronze mondial sur 100 m nage libre en 2017 : « mon rêve ultime va se réaliser malgré le fait qu’il était brisé » confie-t-il. 

Manon Houette veut accompagner les bleues à Tokyo pour viser une nouvelle médaille olympique (Photo : Baptiste Fernandez)

Les « revenants »

Ils sont sortis de leur retraite. Et à, eux aussi, le report peut donner le sourire. Florent Manaudou, champion olympique à Londres, double médaillé à Rio, a décidé de replonger dans l’eau avec un objectif : Tokyo et ses JO. Ce report va lui permettre de progresser jusqu’en juillet 2021 pour viser un doublé avec sa compagne Pernille Blume, titrée à Rio sur 50 mètres nage libre. Kim Clijsters, en tennis, appartient aussi à cette catégorie. Elle peut continuer son retour en douceur. Autre revenant, Amaury Leveaux a replongé ces derniers mois après six années hors des bassins. Intéressant lors des championnats de France en petit bassin (4e du 50m nage libre), l’ancien détenteur du record du monde de la spécialité aura le temps de monter en puissance. Également de retour après avoir donné naissance à son deuxième enfant, la lanceuse de disque Mélina Robert-Michon, déjà symbole de longévité à l’aube de ses sixièmes Jeux olympiques, pourra revenir à 100% pour terminer en beauté sa carrière. Même situation pour la triple médaillée d’argent du Commonwealth en 400m haies, Eilidh Doyle – qui a donné naissance à son fils en janvier – qui va pouvoir profiter de davantage de temps pour retrouver la forme.

Florent Manaudou et sa compagne danoise Pernille Blume viseront chacun l’or à Tokyo l’an prochain (Photo : @florentmanaudou)

Un laps de temps supplémentaire ne sera pas de refus

Les athlètes qui ont changé de structure récemment peuvent être satisfaits de cette décision du CIO. Pour diverses raisons, Pierre-Ambroise BosseJimmy Vicaut, et Rénelle Lamote avaient choisi de tout changer à quelques mois des Jeux. Ils auront désormais toute le temps nécéssaire pour s’épanouir dans leur nouveau cocon. Bosse, champion du monde du 800m en 2017, s’entraîne maintenant à l’INSEP avec Philippe Dupont. Il peut travailler sereinement, loin des médias, loin des ennuis judiciaires qui lui ont pollué la vie ces dernières saisons. Le sprinteur Jimmy Vicaut continue de s’adapter au camp floridien de Rana Raider, et de ses nouveaux partenaires de piste comme le canadien André de Grasse. Pour se relancer, Rénelle Lamote, triple vice-championne d’Europe du 800m, est partie à Montpellier avec Bruno Gajer, elle qui avait besoin de renouveau psychologique et technique. Pour lui ce n’est pas un problème de qualification, mais plutôt de statut. Même si son corps est usé et qu’il va devoir encore « en baver » pendant un an pour aller aux Jeux, Teddy Riner fait aussi partie des gagnants. En effet, vu le peu de compétitions auxquelles le double champion olympique de judo a participé ces derniers mois, il lui manquait des points afin d’obtenir le statut de tête de série pour le tournoi olympique. Sans report, il aurait pu avoir un parcours difficile à Tokyo avec des adversaires de qualité dès le premier tour. Il va pouvoir décrocher ces précieux points. En plein démarrage de nouveau cycle, l’équipe de France de handball voit certainement d’un bon œil ce délai supplémentaire pour se qualifier. Les Bleus de Guillaume Gille devaient en effet participer à un tournoi de qualification relevé à la mi-avril à Paris (avec le Portugal, la Croatie et la Tunisie). Ce qui aurait fait court pour le nouveau staff tricolore afin d’insuffler un nouvel élan.

Renelle Lamotte voudrait retrouver les podiums, comme ici en 2019 à Glasgow (Photo : A.Mounic)

Il y aura aussi des perdants

Dans une carrière réglée au millimètre et marquée par les sacrifices, se fixer un objectif est un moteur. Beaucoup de sportifs voulaient terminer en beauté cet été aux Jeux de Tokyo. Ann Wauters (39 ans), Federica Pellegrini (31 ans titrée à Pékin en 2008), Ryan Lochte, (35 ans, douze médailles olympiques dont six en or), l’escrimeuse Charlotte Lembach ou Allyson Felix (34 ans, 30 médailles internationales, dont six titres olympiques) étaient de ceux-là. Ce sera sans doute aussi le cas de Simone Biles (23 ans), attendue comme une des stars de l’été japonais. La fièvre olympique devrait les faire tenir un an de plus. Mais arriveront-ils à garder leur forme une année de plus ? Tous n’auront pas cette force ou cette possibilité. Pieter Timmers, vice-champion du 100m nage libre à Rio, s’arrêtera au terme de cette saison particulière. Comme prévu. Le report ne favorise pas non plus les légendes vieillissantes. En effet, des interrogations entourent les participations de Roger FedererSerena Williams ou de Kohei Uchimura. L’or olympique en simple est le seul titre qui manque au fabuleux palmarès du maestro suisse. Mais à 38 ans, chaque année complique sa tâche. Quant au gymnaste Japonais, sa présence chez lui à Tokyo était déjà incertaine à 31 ans, alors à 32, cela s’annonce difficile. D’autres noms verront leur tâche alourdie. Parmi eux et non des moindres : Dai GreeneMo Farah, Jason KennyMartyn Rooney, Justin Gatlin ou encore les françaises Camille Lecointre et Aloïse Retornaz, favorites en voile. 470 cette année.

La participation de Kohei Uchimura à Tokyo, ici champion olympique des anneaux à Rio, est compromise (Photo : Thomas Coex)

Ceux qui étaient en forme olympique

Il n’y a pas que les athlètes âgés qui sont potentiellement désavantagés par ce report olympique. À l’image de Armand Duplantis par exemple. Le jeune suédois, esthète de la perche, est au sommet de son art cet hiver. Cet hiver, Il a enchainé les sauts à plus de six mètres comme d’autres ouvrent les portes. Rien ne dit qu’il sera au même niveau dans douze mois ou qu’une blessure ne viendra pas perturber son impressionnante sérénité. Le cycliste Matthieu Van der Poel, petit fils du regretté Raymond Poulidor avait, lui, un plan de carrière clair et bien établi. Il visait l’or en VTT à Tokyo avant, sans doute, de se consacrer totalement à la route. Tout son programme est aujourd’hui retardé de quelques mois. D’autres se questionnent davantage, à l’image de la sprinteuse sur piste Mathilde Gros« Un report en 2021 me fait me poser plein de questions. Seize mois, c’est long… Qu’est-ce qu’on va décider pour les qualifications ? Va-t-on les considérer comme acquises ou les rouvrir sur une année ? Une décision dans un sens ou dans l’autre changera complètement l’intérêt des compétitions. » Laurent Tillie, sélectionneur de l’équipe de France de Volley va avoir la lourde tâche de mener les Bleus jusqu’à Tokyo tout en portant la nouvelle casquette d’entraîneur en club à Osaka, au Japon. Ce report n’est pas nécessairement une excellente nouvelle pour cette équipe de France, « la Team Yavbou », qui ce serait passée d’une année de plus pour les cadres comme Earvin Ngapeth, Kevin Tillie ou Benjamin Toniutti, même s’ils garderont toutes leur chances à en 2021.

Mathieu Van Der Poel, champion du monde de cyclo-cross pour la troisième fois en février (Photo : Le Télégramme)

Le report des Jeux olympiques de Tokyo a rebattu les cartes pour de nombreux athlètes. En particulier dans leur processus de qualification, de préparation ou de retour à leur meilleur niveau. Certains se réjouissent et peuvent retoucher leur rêve du doigt pendant que d’autres voient leur destin leur échapper, si près du but. 

(Photo de couverture : Le télégramme)

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