Stuttgart – Hambourg, une affiche de haut standing lorsque les deux clubs trustaient les premières places de la Bundesliga lors de la décennie des années 2000. Pourtant, il faut se heurter à la réalité, les deux traditionverein occupent toujours les premières places, mais il s’agit cette fois de la deuxième division. Hambourg, 2ème avec 46 points, se déplace ce soir à la Mercedes Benz Arena de Stuttgart, 3ème avec 45 points. Un affrontement potentiellement déterminant dans la course à la Bundesliga, où la première place semble promise à l’Arminia Bielefeld, alors qu’un match nul n’arrangerait personne en raison de la proximité au classement du FC Heidenheim, 4ème avec 45 points. Une dramaturgie symbolique de 10 ans de mauvaises gestions pour l’un comme pour l’autre. Focus sur les raisons d’un déclin inexorable
Un statut de club historique
« Les Allemands disent qu’à Hambourg, il y a toujours du théâtre » déclarait en 2019 l’ex-défenseur Stéphane Henchoz au quotidien suisse, le temps. Il connait l’importance du football dans une ville passionnée de sport, qu’il a cotoyé de 1997 à 1999, et où le HSV fait figure de porte étendard, sauf pour les rivaux locaux de Sankt Pauli. Le club fait beaucoup parler, il y a deux grands quotidiens locaux en plus du Bild qui consacrent quotidiennement des pages sur lui, pas une semaine ne se passe sans qu’une nouvelle histoire sorte. Un contexte médiatique délicat mais qui résulte du passé glorieux du « dinosaure », son surnom. En Allemagne, les clubs de football sont des institutions très fortes, mais leur audience est principalement régionale. Seuls trois possèdent une aura nationale : le Bayern Munich, le Borussia Dortmund et Hambourg, tous vainqueurs de la C1. Dans les années 70-80, la rivalité HSV-Bayern, sur fond de rivalités nord-sud et Hambourg-Munich (les deux villes se revendiquent comme la plus belle d’Allemagne), tenait le pays en haleine. Hambourg alignait beaucoup d’internationaux, des joueurs emblématiques comme Manfred Kaltz, Horst Hrubesch, Ditmar Jakobs, Uli Stein, et pouvait recruter les stars de l’époque, comme Kevin Keegan ou faire revenir au pays Franz Beckenbauer. L’épisode le plus prestigieux étant la victoire en Coupe des clubs champions 1983 contre la Juventus de Platini, Zoff et Rossi. Au palmarès du « Dino », six titres de champions, trois coupes d’Allemagne et une Coupe des coupes.

Les Souabes ont connu plusieurs périodes fastes. La première, dans les années 1950, avec deux titres de champion et deux coupes d’Allemagne. Membre fondateur de la Bundesliga, comme Hambourg, Stuttgart attend 1984 pour soulever son premier titre de champion dans cette nouvelle formule. La bande de Fritz Walter remporte un nouveau championnat en 1992 et en profite pour s’installer dans le gratin européen durant ces mêmes années. En point d’orgue, deux finales perdues, celle de la Coupe UEFA en 1989 contre le Napoli de Maradona et en 1998, contre Chelsea, en Coupe des vainqueurs de coupe. Des succès, certes par parcimonie, mais qui font la fierté des 57 000 membres du club, eux qui ont connu la joie d’un cinquième meisterschale en 2007 avec une génération dorée, portée par le jeune Philipp Lahm, prêté par le Bayern.
Une lente descente aux enfers
Malheureusement, cette période glorieuse ne connaîtra pas de lendemain, mal préparés à de tels succès, les deux clubs enchainent les mauvaises décisions. Stuttgart comme Hambourg restent des noms prestigieux mais n’ont aujourd’hui plus qu’un statut d’équipe de second rang, qui ne dispute plus de Coupe d’Europe (dernière participation en 2013 pour Stuttgart, 2010 pour Hambourg), avec des choix de recrutement plus que discutable. L’un comme l’autre achète cher des joueurs qui, au bout de quelques mois à peine, ne répondent plus aux attentes. Alors, il faudrait pouvoir les vendre, mais personne n’en veut au prix payé et les intéressés eux-mêmes ne sont pas pressés de partir car ils ont un très bon contrat. Le premier à en faire les frais est Stuttgart, avec une première relégation en 2016. Si la remontée est immédiate, avec Benjamin Pavard dans ses rangs, le mal est plus profond et l’ascenseur est pris deux ans plus tard, à la suite d’un barrage perdu face à Union Berlin.
« Les gens de Hambourg disent toujours qu’ils habitent la plus belle ville du monde. Cela peut prêter à sourire car ils sont les seuls à penser cela, mais ils en sont intimement convaincus. Comme ils restent persuadés que leur port est le plus important, alors qu’il l’est de moins en moins année après année. Ils nourrissent d’eux-mêmes et de ce qui leur appartient une image qui ne correspond pas à la réalité, ce qui est un frein pour entreprendre des réformes ».
Stéphane Henchoz au quotidien Le temps
Une situation, qui avait souris à deux reprises à Hambourg en 2014 et 2015. Par deux fois le HSV se sauvent in extremis en barrage (contre Fürth et Karlsruhe). Toutefois, ce qui devait arriver, arriva. La date du 12 mai 2018 est marquée d’une pierre blanche, après une présence continue de 54 ans, 261 jours, 36 minutes et 2 secondes en Bundesliga (symbolisé par la présence d’une horloge au Volksparkstadion), le HSV est relégué pour la première fois en 2. Bundesliga. Alors que beaucoup pensaient qu’Hambourg allait rapidement remonter, la lutte s’est avérée plus difficile que prévue et le HSV, malgré une large avance à la mi-saison, s’est peu à peu effondré, enchainant une série de huit matchs sans victoire qui lui est fatale dans le sprint final. Terminant finalement quatrième, le voilà reparti pour une deuxième pige en D2.
Une instabilité chronique
Le VfB Stuttgart donne l’impression d’un immense gâchis. Le club n’a pas profité du Meisterschale de 2007 et des participations en Ligue des Champions pour grandir, sportivement et financièrement, et s’établir durablement aux avant-postes de la Bundesliga. La faute à une instabilité chronique. Depuis le départ de l’entraîneur du titre, Armin Veh, en 2009, le VfB a usé pas moins de 15 entraîneurs : Babbel, Gross, Keller, Labbadia, Schneider, Stevens, Veh le retour, Stevens le retour, Zorniger, Kramny… La relégation en Zweite Liga en mai 2016 aurait dû être l’occasion d’un nouveau départ, sans succès. Même son de cloche du côté du HSV. Ces dix dernières années ont vu défiler huit directeurs sportifs et 18 entraîneurs. La société anonyme créée en 2014, pour encadrer le secteur professionnel, a elle-même connu quatre patrons différents. Conséquence, les politiques de formations ont été délaissées. Stuttgart a vu Khedira, Werner, Rüdiger, Leno, Rudy ou Gnabry partir pour quelques millions d’euros. Tandis qu’Hambourg regrette encore les départs de Son, Tah, Demirbay ou Waldschmidt.

Avec Hambourg et Stuttgart, la Bundesliga a perdu les deuxième et sixième villes les plus peuplées d’Allemagne. Une chute de deux clubs historiques qui n’est pas isolée, puisqu’auparavant, Kaiserslautern (3ème division), Munich 1860 (3ème division après un passage en quatrième), Sankt-Pauli (2ème division), Karlsruhe (2ème division) et Nuremberg (deuxième club le plus titré de l’histoire), ont connu le même sort. Si le Werder Brême et Schalke sont toujours là, ils vivotent. Dans le même temps, des petits clubs soutenus par un gros sponsor ont poussé comme des champignons jusqu’en Bundesliga : Paderborn, Ingolstadt, Darmstadt, et surtout RB Leipzig ainsi que Hoffenheim, qui semblent aujourd’hui solidement installés. La conséquence de la révolution entamée par la DFB après l’échec cuisant de la Mannschaft à la Coupe du monde 1998. Ces petits nouveaux ont pris le pas en modernisant leurs approches techniques et tactiques avec une génération d’entraineurs particulièrement talentueux dont la tête de liste est Julian Nagelsmann.
Objectif remontée
L’objectif déclaré est celui de la remontée pour l’un comme pour l’autre, avec des projets centrés sur des glorieux anciens de la maison : Hitzlsperger à Stuttgart (directeur sportif) et Marcell Jansen à Hambourg (président). Avec 45 points, le VfB occupe actuellement la troisième place du classement en ayant raté le coche de la reprise : deux défaites à la clé. Les souabes ont pourtant un statut de favoris après un début de saison tonitruant avec un total de 20 points sur les huit premières rencontres. Puis tout s’est enrayé et les défaites se sont enchainées. À tel point qu’à l’intersaison, l’entraîneur Tim Walter a été remplacé par Pellegrino Matarazzo, pour des résultats semblables : d’abord quatre victoires en cinq matchs, puis des contreperformances, Stuttgart étant sur une série de trois défaites sur les quatre dernières rencontres.

La dynamique est similaire dans la ville hanséatique. Durant l’été, le club a décidé d’en finir avec quelques-unes de ses vieilles traditions, dans une volonté de provoquer un choc psychologique et de se montrer plus humble. La fameuse horloge a été décrochée, une année après s’être arrêtée, et la célébrité locale Lotto King Karl, n’interprète plus l’hymne Hamburg, meine Perle, dans un Volksparkstadion qui affiche en D2 une moyenne incroyable de 46 000 spectateurs. Sur le plan sportif, Dieter Hecking a repris le club et jusqu’à la pause hivernale, les Hanseates étaient sur le chemin du retour malgré quelques revers, notamment à l’extérieur (1,2 points/match contre 2,3 à domicile). Mais en 2020, Hambourg marque le pas, se faisant distancer par Bielefeld. Pire, Stuttgart et Heidenheim font craindre un scénario similaire à celui de la saison passée, tandis que Sankt Pauli s’est payé le luxe de remporter les deux derbies.
Lors du match aller, Hambourg SV a fait le spectacle lors de la 11e journée : le duel entre les deux poids lourds a débouché sur la victoire des hanséatiques sur le score de 6-2, les locaux faisant preuve d’un réalisme froid – Sonny Kittel (14e, 36e), Bakery Jatta (24e) Gonzalo Castro contre son camp (56e), Martin Harnik (76e) et Adrian Fein (90e + 1) – pour décrocher les 3 points. Dans un huis clos total et avec la pression du résultat en prime, le spectacle ne sera peut-être pas aussi festif ce soir, qu’importe seule la victoire comptera.