La franchise du Massachusetts est l’une des plus historiques de la NHL, commençant à participer au championnat dès la saison 1924/1925. A l’instar des équipes du même Etat que sont les Red Sox et les Patriots, la décennie précédente a été remplie de succès. Pourtant aux yeux des suiveurs, elle est souvent laissée de côté au profit d’autres franchises. Pourquoi cette franchise qui fait partie assurément des quatre meilleures franchises de la décennie est-elle si souvent oubliée? Pour expliquer cette mise à l’écart par certains, il suffit de regarder le traitement de la part des fans américains à l’égard des autres franchises de la ville de Boston. Que ce soit les Patriots ou les Red Sox, les franchises du Massachusetts ne connaissent pas un énorme plébiscite en dehors de leur Etat et les Bruins n’échappent pas à cette situation. Malgré ces critiques récurrentes, la franchise progresse se retrouvant à la lutte pour la Stanley Cup chaque année. Elle compte dans ses rangs, l’une des meilleures premières ligne de la ligue avec un trio composé de Brad Marchand, Patrice Bergeron et David Pastrnak. Derrière ce trio, les Bruins restent polyvalents à tous les postes que ce soit en défense ou encore au niveau des gardiens. Cette gestion d’effectif par la direction est un point central de la réussite des Bruins leur permettant de rester compétitif chaque saison. La réunion de ses éléments permet clairement d’envisager une domination des Bruins sur la décennie à venir, au grand désespoir de la majorité des suiveurs de la NHL.
Un parcours tumultueux
Les Bruins sont d’une régularité impressionnante depuis plus de 13 ans avec 10 qualifications pour les séries en 12 saisons. Sur la même période, seuls les Penguins, les Sharks et les Capitals font mieux. Cette régularité est d’autant plus incroyable lorsque l’on connait la lutte acharnée pour arriver à se qualifier pour les séries dans l’Est. Mais avant tous ces succès, la franchise est passée par une période plus délicate ponctuée par de nombreuses désillusions.

Tout avait pourtant bien commencé lorsque la direction décide de relancer la franchise en recrutant Mike Sullivan, jeune entraîneur sans expérience dans la grande ligue, comme entraîneur chef au cours de l’été 2003. Pour sa première année, il parvient à installer la franchise au sommet de la division Nord Est. Une performance impressionnante quand on sait que la division Nord Est était l’une des plus relevées cette saison, avec 5 représentants dans les 9 premiers de la conférence Est. Lors de cette saison, les Bruins sont menés par l’emblématique Joe Thornton qui est alors le capitaine de la franchise. Lors de la saison 2003/2004, il mène son équipe au classement des pointeurs avec 73 points inscrits, suivi de son lieutenant Glen Murray avec 60 points inscrits. L’autre point fort des Bruins lors de cette saison est du côté des gardiens avec Andrew Raycroft. En effet ce dernier, pour sa première saison complète dans la ligue, a été impressionnant lui permettant de remporter le Calder. Il finit la saison avec un pourcentage de sauvetage de 92,6% et 2,05 buts concédés par match. Cette formidable saison s’est précipitamment terminée avec une élimination au premier tour par les Canadiens au terme d’un match 7. Cette désillusion fait mal à la franchise et plus particulièrement à son capitaine, transparent durant les séries avec aucun point inscrit en sept rencontres.
A la suite de cette saison les Bruins chutent du haut du classement et tournent la page Joe Thornton en novembre 2005 malgré une prolongation durant l’été. Il est échangé aux Sharks contre Wayne Primeau, Marco Sturm et Brad Stuart. Ce transfert signifie la fin de l’aventure à Boston pour celui qui avait été sélectionné en premier lors des repêchages de 1997. Durant la saison, les Bruins ne parviennent pas à reproduire ce qu’ils avaient montré deux ans plus tôt. Mike Sullivan ne parvient pas à redresser la barre entraînant son départ à la fin de la saison après une dernière place dans la division Nord Est. La seule satisfaction de cette saison est le jeune Patrice Bergeron qui finit meilleur marqueur de la franchise avec 73 points inscrits pour sa deuxième saison dans la ligue. La franchise a alors peut-être trouvé sa nouvelle tête d’affiche depuis le départ de Thornton.

Lors de la saison suivante, la franchise de Boston fait un peu mieux sous les ordres de Dave Lewis et grâce à l’arrivée de Marc Savard lors du marché d’été. L’ancien joueur des Thrashers inscrit 96 points pour sa première saison dans la franchise du Massachusetts mais c’est insuffisant et les Bruins échouent de nouveau à se qualifier pour les séries. A la fin de la saison, la franchise choisit de changer une nouvelle fois d’entraîneur et se tourne vers Claude Julien, véritable artificier des Bruins du XXIème siècle. Avec lui les Bruins retrouvent les séries et deviennent candidats à la Stanley Cup.
Le renouveau des Bruins : l’ère Claude Julien
Lorsqu’il arrive chez les Bruins, Claude Julien sort d’une saison réussie avec les Devils du New Jersey, les menant à la deuxième place de la conférence Est. Mais malgré sa belle saison à la tête de la franchise, la direction a décidé de le congédier à une semaine de la fin de la saison régulière. Son arrivée chez les Bruins apparaît comme une opportunité de se relancer, lui permettant de montrer ses talents d’entraîneur. De leur côté, les Bruins attendent un coach capable de leur faire retrouver les séries. En effet, depuis la saison 2003/2004, les Bruins ne connaissent plus les séries avec une saison blanche en raison du lockout et deux saisons difficiles. Les deux parties ont alors besoin de se relancer. La cohabitation entre la direction et l’entraîneur est alors très attendue par les observateurs.

Pour sa première saison, il parvient à faire retrouver les séries aux Bruins. La franchise est toujours mené par Marc Savard qui finit une nouvelle fois meilleur marqueur de la franchise avec 78 points, bien aidé par le capitaine Zdeno Chara et Marco Sturm. Une qualification importante pour la franchise d’autant que sa jeune star Patrice Bergeron a manqué la majorité de la saison à la suite d’une commotion cérébrale survenue le 27 octobre 2007 contre les Flyers. La franchise a préféré faire sans lui pour les séries afin de ne pas compromettre sa santé. Comme lors de la saison 2003/2004, Boston échoue au premier tour des séries contre les Canadiens au terme d’un match 7. Une nouvelle déception pour les fans mais le plus important pour la direction est surement de voir les Bruins retrouver les séries. Désormais le prochain palier à passer pour Claude Julien et son effectif est le premier tour des séries.
L’année suivante, la franchise termine avec le deuxième meilleur bilan de la ligue, à un point seulement des Sharks. L’impact de Claude Julien commence à se faire ressentir et c’est logiquement qu’il remporte le trophée Jack Adams, récompensant le meilleur entraîneur de la saison régulière. Par ailleurs, deux autres joueurs se sont distingués cette saison. Chara remporte le Norris, récompensant le meilleur défenseur de la saison et Timothy Thomas le Vézina, récompensant le meilleur gardien. Enfin deux jeunes joueurs ont tiré leur épingle du jeu dans le dispositif des Bruins: Phil Kessel et David Krejčí. Ils terminent parmi les meilleurs marqueurs de la franchise juste derrière Marc Savard. Cette saison régulière est réussie mais l’objectif est cette fois-ci de passer l’épreuve du premier tour. Comme lors de leurs deux dernières qualifications pour les séries, les Bruins rencontrent les Canadiens mais cette fois-ci l’équipe de Claude Julien parvient à prendre le dessus en l’emportant en quatre matchs. Lors du tour suivant, ils affrontent les Hurricanes de Rod Brind’Amour. Dans cette confrontation sous pression, la franchise de la Caroline du Nord l’emporte au terme d’un match 7. Malgré cette défaite au second tour, la franchise progresse dans le jeu en se montrant de plus en plus solides des côtés de la ligne bleue. Cette saison marque aussi le début de la philosophie bostonienne : l’alliage entre l’expérience de Savard/ Chara et la jeunesse de Kessel, Krejčí et Bergeron. Désormais la franchise a tout pour dominer les prochaines saisons de la ligue.
Après plusieurs échecs, la franchise finit par gagner la Stanley Cup lors de la saison 2010/2011 avec une victoire en finale contre les Canucks au terme d’un match sept. Cette victoire illustre parfaitement ce que les Bruins ont mis en place dès l’arrivée de Claude Julien. Les jeunes joueurs comme Krejčí, Bergeron et Marchand mènent la franchise sur le plan offensif, Brad Marchand finissant d’ailleurs le meilleur marqueur des séries pour la franchise. Tandis que les anciens assurent sur le plan défensif comme Tim Thomas qui termine meilleur joueur des séries avec un pourcentage de sauvetage de 94% et avec 1,98 buts concédé. Après 39 ans de disette, les Bruins retrouvent la Stanley Cup et la jeunesse de l’effectif laisse penser que la franchise peut s’imposer comme l’équipe de la décennie.

Malheureusement pour la ville Boston, après cette victoire, les Bruins de Claude Julien ne sont plus aussi dominants. La seule éclaircie lors de ses six dernières saisons en tant qu’entraineur chef, est celle de 2012/2013, raccourcie en raison de l’absence d’accord entre la ligue et l’association des joueurs. Cette saison-là, les Bruins retrouvent les finales mais échouent contre les Blackhawks. Après cette défaite, les Bruins ne parviennent plus à se qualifier pour les séries, la méthode de Claude Julien semblant alors arriver à son terme. Les départs des joueurs d’expérience comme Marc Savard et Timothy Thomas après la Stanley Cup ont mis fin au cycle des Bruins, commencé à l’arrivée de Claude Julien. Il est finalement limogé au cours de la saison 2016/2017 alors que la franchise est sur le point de manquer les séries pour la troisième année consécutive. La direction décide de le remplacer par Bruce Cassidy, l’entraineur des Bruins de Providence, la franchise d’AHL affiliée aux Bruins. Un nouveau projet commence calqué sur la philosophie instaurée par Claude Julien.

Le retour au premier plan
A son arrivée, la franchise ne fait pas partie des équipes qualifiées pour les séries. Lorsqu’il débarque dans le Massachusetts, les résultats s’améliorent. Ainsi, les Bruins remportent 18 des 27 derniers matchs de la saison, leur permettant d’accrocher le podium de la division atlantique. Les Bruins se qualifient pour les séries mais s’inclinent dès le premier tour contre des Senators plus dominants. Pourtant la franchise à de quoi se réjouir pour le futur. En effet, cette saison marque l’avènement de Brad Marchand comme le meneur offensif de la franchise. Durant la saison régulière, il inscrit 85 points dont 31 points depuis l’arrivée de Bruce Cassidy. A côté de Brad Marchand, un nouveau jeune joueur émerge au sein de la franchise en la personne de David Pastrňák. Pour sa première saison entière au sein de la NHL, il inscrit 70 points dont 36 buts, annonçant plein de promesses pour la suite. Enfin Patrice Bergeron reste toujours présent offensivement et défensivement au sein de l’effectif. Avec ces trois joueurs, la franchise possède désormais sa première ligne lui permettant d’effrayer les défenses de la ligue.

Lors de la saison suivante (2017/2018), les hommes de Bruce Cassidy poursuivent sur leur lancée. Ils terminent la saison régulière avec 50 victoires leur permettant de se qualifier pour les séries. Ils font alors face aux Leafs de Toronto au premier tour pour ce qui est le premier chapitre d’une nouvelle rivalité. Pour le premier acte de cette confrontation, ils s’imposent au terme d’un match sept. Au second tour, ils affrontent le Lightning de Tampa Bay s’inclinant contre la franchise de Floride en cinq matchs. Malgré cette défaite, l’effectif des Bruins ne cesse de s’étoffer. Au-delà du premier trio qui a une production statistique toujours plus importante, d’autres joueurs se font remarquer. Les vétérans Tuukka Rask et Zdeno Chara continuent à guider la franchise. Le premier réalise une saison régulière dans ses standards avec un pourcentage de sauvetage de 91,7%. Le second reste important sur le plan défensif avec 118 tirs bloqués et 141 mises en échec. Enfin cette saison, deux jeunes joueurs ont émergé: Charlie McAvoy et Jake DeBrusk. Les deux se sont imposés au sein de l’effectif pour leur première saison dans la grande ligue. Tandis que Charlie McAvoy s’impose comme le futur de la défense des Bruins avec 80 tirs bloqués sur la saison. Jake DeBrusk montre, pour sa part, toute l’étendue de son talent, s’imposant comme un joueur capable de prétendre à une place sur le deuxième trio de l’attaque des Bruins. Il termine la saison avec 43 points inscrits. Encore une fois, la réussite de la franchise du Massachusetts est due à ce mélange entre les anciens et les jeunes qui parviennent à se compléter à la perfection.
La saison 2018/2019 est du même calibre que les saisons précédentes. Les Bruins se qualifient facilement pour les séries en terminant une nouvelle fois sur le podium de la division Atlantique. Lors des séries, ils affrontent pour la deuxième année consécutive les Leafs au premier tour. Pour ce second acte, ils s’imposent une nouvelle fois au terme d’un match 7. Au second tour, ils affrontent les surprenants Blue Jackets mais parviennent à gérer la série en six matchs pour rejoindre les Hurricanes en finale de la conférence Est. Encore une fois la franchise s’impose facilement en quatre matchs et n’est plus qu’à une série de la Stanley Cup. Ils affrontent alors les Blues, apparaissant comme les favoris de la série grâce à leur expérience. Pourtant la série est serrée entre les deux franchises et les Bruins ne dominent pas aussi facilement qu’à l’attendu. Les deux équipes ne parvenant pas à se départager lors des six premiers matchs, la Stanley Cup se joue alors sur un ultime match au TD Garden. En principe, les Bruins bénéficient d’un avantage non négligeable en jouant devant les supporters les plus bruyants de la ligue. Pourtant les Blues l’emportent facilement 4 buts à 1 lors de ce dernier match, réduisant à néant les rêves de Stanley Cup de la franchise bostonienne. Cette défaite est une véritable déception pour les Bruins qui sont surpris par les Blues. Pourtant, les Bruins repartent avec un effectif inchangé pour relever la tête après cette défaite. C’est d’ailleurs ce qu’ils font en dominant la saison 2019/2020 jusqu’à son interruption en raison des circonstances sanitaires. Au cours de la saison, l’effectif est apparu plus fort que jamais, mené par un David Pastrňák qui termine meilleur buteur de la saison régulière grâce à ses 48 buts inscrits, à égalité avec Ovechkin.

Malgré l’interruption de la saison, les Bruins ont les moyens de poursuivre leur aventure pour les prochaines saisons. D’un point de vue financier, la franchise possède l’une des masses salaires les plus équilibrés de la ligue. Aucun joueur ne dépasse les 7,250 millions de dollars par saison et les meneurs de l’équipe que sont Bergeron, Pastrňák et Marchand sont encore sous contrat pour au moins deux saisons. La franchise peut alors se concentrer sur les prolongations de Tory Krug et Jake DeBrusk dont les contrats arrivent à leur terme à la fin de la saison. Enfin la franchise espère voir Chara poursuivre l’aventure du côté de Boston malgré ses 43 printemps. Le principal intéressé a d’ailleurs annoncé, lors d’une récente entrevue avec Sportsnet, vouloir continuer à jouer au hockey. Une bonne nouvelle pour la franchise qui peut espérer voir son meneur au sein du vestiaire rempiler pour une nouvelle saison.
La franchise des Bruins connait un début de siècle particulièrement renversant avec plusieurs projets couronnés de succès mais aussi d’échecs. L’arrivée de Claude Julien a été déterminante pour la franchise en la menant à la Stanley Cup après 39 ans d’attente. Depuis cette victoire, la franchise a eu plusieurs opportunités de l’emporter une nouvelle fois mais à chaque fois elle est tombée sur plus forte qu’elle. Néanmoins, les Bruins possèdent l’un des meilleurs effectifs de la ligue pour retrouver la Stanley Cup dans les prochaines années. Malgré une forte animosité de la part des partisans du hockey américain, les Bruins restent l’une des meilleurs franchises de la décennie. Les comportements parfois limites de Marchand et Chara ne doivent pas faire oublier le talent de ces derniers et le jeu produit par l’effectif tout entier. Lorsque le hockey sera de tour de l’autre côté de l’Atlantique, les Bruins seront l’équipe à battre.