Rugby Une histoire de famille

Ntamack père et fils, le talent au centre

Le sport est parfois une histoire de famille. Lorsqu’on a un père ou une mère qui a brillé au plus haut niveau, l’héritage est parfois lourd à porter, et les enfants de stars ne parviennent pas toujours à emprunter le chemin associé à leurs noms. Mais ce peut aussi être tout l’inverse. Ils sont nombreux à avoir su imiter leurs glorieux aînés pour se faire une place parmi les grands noms de leurs disciplines. Premier épisode des « Histoires de famille », avec les Ntamack comme premiers sujets.

Une équipe les lie : le Stade Toulousain. Émile Ntamack et son fils Romain, n’ont jusqu’alors connu qu’un seul club. Si la carrière du père est finie depuis quinze ans maintenant, celle du fils ne fait que commencer, mais déjà on lui prédit un avenir digne de son paternel. Né en 1999 à Toulouse, Romain est aujourd’hui une figure de proue de la nouvelle génération talentueuse du rugby français. Rayonnant lors du dernier Tournoi des VI Nations avec le XV de France, Romain a légitimement de quoi imiter son père au plus haut niveau, lui qui a porté les couleurs bleu-blanc-rouge à 46 reprises entre 1994 et 2000. Émile Ntamack est une légende du rugby français, et personne ne l’avait oublié lorsque Romain est venu pointer le bout de son nez en équipe de France de jeunes. Avec un nom pareil, il est évident que la pression ne peut qu’être plus forte sur les épaules du jeune demi d’ouverture. Très récemment, c’est le jeune Théo Ntamack qui a été appelé en sélection U20.

D’où Émile Ntamack tire donc son prestige ? D’une carrière internationale brillante d’abord. Avec 135 points engrangés sous le maillot tricolore, Émile Ntamack est encore aujourd’hui le sixième meilleur marqueur d’essai de l’Histoire de l’Équipe de France (25) à égalité avec Christophe Dominici. Avec les Bleus, Ntamack remporte le Tournoi des V Nations en 1997, avec un Grand Chelem en prime, et se hisse jusqu’en finale de la Coupe du Monde 1999. De son côté, Romain n’a pas encore eu le bonheur de connaître un sacre avec le sélection A, mais il a participé activement aux succès de l’Équipe de France des moins de 20 ans, sur la scène européenne, puis mondiale en 2018. En seulement 16 matchs avec les A, Romain compte déjà 91 points et un titre honorifique de « révélation de l’année 2019 ».

Quelques essais de « Milou » Ntamack, surnommé la Panthère noire. (Youtube : WorldRugby)

Le ballon ovale dans le sang

Emile Ntamack est issu d’une famille d’origine camerounaise, son père était sportif de haut niveau lui aussi, et après s’être essayé à diverses disciplines, il choisit le rugby et se découvre rapidement une passion et un talent certain. En 1988, il rejoint Toulouse, et y signe professionnel. Dès lors, les titres s’enchaînent, et l’Équipe de France lui tend les bras six ans plus tard. Du haut de son mètre quatre-vingt-neuf, « Milou » se distingue par son grand gabarit et ses foulées athlétiques. Plus costaud que les autres, Ntamack n’est pas un joueur féru de contacts et de défi physique, mais sa vitesse et ses feintes le rendent insaisissable. Avec ses grands compas, il enchaîne les crochets dévastateurs et les percées ballon en main. Cette caractéristique, on la retrouve aussi chez Romain. Demi d’ouverture ou centre, Romain n’a pas un profil à la Bastareaud ; doté d’un bon sens de la passe et d’un jeu au pied remarquable, il préfère toujours l’évitement au contact et se sert de sa vitesse comme lors du match face au Gallois lors du Tournoi des VI Nations 2020 où il inscrit un essai après avoir intercepté le ballon dans le camp français.

Le 22 février 2020, la France s’impose à Cardiff 27 à 23 (Youtube : Rugby France)

Si Romain est aujourd’hui présenté comme la relève du rugby français, ce n’est pas seulement grâce à son nom de famille, mais aussi du fait de ses performances en catégories de jeunes. Régulièrement surclassé, Romain découvre la sélection U20 alors qu’il n’a même pas dix-huit ans. Quelques mois après sa première sélection en U20, il découvre le Top 14 à l’occasion d’un match entre le Stade Toulousain et Agen. Progressivement, Romain Ntamack gagne sa place dans le XV titulaire du Stade Toulousain. Une manière pour lui « d’engranger de l’expérience et de se frotter aux grosses écuries du championnat », sans pour autant subir une pression folle. La tête sur les épaules, Romain l’a, et il semble déterminé à réaliser une carrière au moins du même acabit que celle de son père. Il faut dire qu’entre son père, son frère et son oncle, le jeune trois-quarts toulousain n’a que rarement l’occasion de s’égarer.

Le rugby est ici plus qu’ailleurs une véritable affaire de famille. En plus d’Émile et de Romain, la famille Ntamack compte deux autres rugbymen parmi ses rangs. Francis, tout d’abord, a été joueur professionnel et international. Frère d’Émile, il a joué un match sous le maillot bleu, un an après la dernière sélection de ce dernier. Sous les couleurs du Stade Toulousain, Francis Ntamack a été champion de France en 1996 avec son frère. La famille est un peu plus garnie encore avec le dernier Ntamack : Théo. Une fois n’est pas coutume, c’est au Stade Toulousain qu’évolue le jeune Théo, encore en équipe de jeunes à l’heure actuelle. Selon des observateurs proches du club, le dernier de la lignée pourrait bien être au moins aussi bon que ses aînés, mais le chemin est encore long, et il devra suivre les pas de Romain avant de penser à égaler Émile. Toutefois, il semblerait bien que le dernier venu ait décidé de s’y mettre, puisqu’il vient d’être sélectionné en équipe de France U20, pour participer à des test prévus en janvier 2021. Le jeune troisième ligne du Stade Toulousain avait déjà intégré le Pôle France cette saison; il franchit une étape de plus avec cette convocation.

« Notre famille se retrouve facilement dans les valeurs du rugby »

Romain Ntamack sous le maillot bleu (Image : RMC Sport)

Interrogé par le Midi Libre, Francis Ntamack explique la propension de sa famille à titiller le niveau international : « C’est la passion, on en parle beaucoup avec Émile, Romain et Théo. On aime ça, notre famille se retrouve facilement dans les valeurs du rugby. » Le facteur clé pourrait également se nommer Stade Toulousain. En effet, le club de Haute-Garonne est depuis longtemps un formidable fournisseur de bons joueurs et surtout un centre d’apprentissage du beau jeu, du mouvement et de l’esthétique. Tous passés par la ville rose, les Ntamack doivent beaucoup à la formation toulousaine. Dans la même interview au Midi Libre, Francis analyse les premiers pas de son neveu Romain : « Je suis très heureux de le voir évoluer en 10, son poste de prédilection. Il a un bon jeu au pied, et alterne bien entre jeu au près et jeu au large. Il a une bonne lecture de l’adversaire » (propos recueillis après le match face à l’Argentine lors de la Coupe du monde 2019).

Des qualités qui permettent pour l’instant à Romain Ntamack d’avoir la confiance de Fabien Galthié. Associé à Antoine Dupont à la charnière, il est aujourd’hui largement devant Matthieu Jalibert, et ne semble pas près de laisser sa place. Le caractère guerrier des Ntamack n’y est pas étranger. La Panthère noire a donné naissance à un jeune félin bourré d’ambition. Une ambition qui ne pourra être assouvie qu’en se joignant à un collectif qui semble s’articuler autour de lui, pour le plus grand plaisir des spectateurs français, déjà sous le charme de la nouvelle « belle gueule » du rugby français.

Chez les Ntamack, le rugby est roi. Les valeurs de l’ovalie se transmettent de père en fils, et si Émile a ravi les fans de rugby en son temps, nul doute que Romain suivra ses pas. S’il continue de travailler comme il le fait, et si son investissement sous le maillot bleu ne flanche pas, il pourrait bien être la nouvelle égérie du rugby bleu-blanc-rouge. Un rugby longtemps raillé pour sa morosité et son inefficacité, et qui depuis quelques mois semble se transformer radicalement. Reste à savoir si le petit Théo saura s’élever lui aussi au rang de ses prédécesseurs, lui qui évolue déjà en équipe de France jeunes. Les Ntamack et le rugby, une histoire de famille qui n’a pas fini de nous émerveiller.

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