Liverpool est champion d’Angleterre 2020. Un titre mérité tant les Reds ont dominé tous leurs adversaires. Tous, sauf cinq : Aston Villa et Chelsea en Cup, Watford en championnat, Naples et l’Atlético Madrid en Champions League. Ces derniers ont éliminé l’équipe de Jurgen Klopp de la plus prestigieuse des compétitions grâce, en partie, à Marcos Llorente. Une masterclass pré-confinement qui lui vaut un nouveau statut et un nouveau positionnement post-confinement : de milieu défensif, l’Espagnol est devenu un second attaquant.
Projeté sur le devant de la scène par une saison immense à Alaves en 2016/2017, où il se classe meilleur récupérateur de Liga sur la saison, Marcos Llorente revient alors au Real, son club formateur. Mais, après deux saisons assez ternes, il quitte la Casa Blanca pour l’ennemi : l’Atlético. Venu pour prendre la place de Rodri, parti à Manchester City, le numéro 14 se retrouve pourtant bloqué: Partey, Koke, Saul et Herrera lui sont préférés. Jusqu’à… ce fameux match à Anfield. Rentré sur l’aile, le joueur de 25 ans s’offre un doublé et qualifie les colchoneros. Un match qui a donné des idées au Cholo.
Saisir les capacités de son joueur
« En le voyant s’entraîner, avec ses qualités techniques, physiques, et sa capacité à frapper, l’option est apparue.“
Diego Simeone
Les pensionnaires du Wanda Metropolitano ont souffert cette saison : manque de finition, manque de créativité, blessures … Résultat, une distance s’installe avec le Real Madrid et le FC Barcelone. Les départs de l’an dernier ont fait mal : des joueurs si installés dans le cholismo (Godin, Griezmann, etc) remplacés par des recrues peu au fait de cette tactique si particulière. Llorente est une de ces recrues. D’août à janvier, le nouveau venu débute 4 matchs … et est remplacé à la mi-temps de 3 d’entre eux. Mais qu’importe. Simeone ne lâche rien, et voit même un potentiel replacement pour le natif de la capitale Espagnole. « En le voyant s’entraîner, avec ses qualités techniques, physiques, et sa capacité à frapper, l’option est apparue. On a vu qu’il marquait, qu’il marquait et marquait encore à l’entraînement. on en a parlé avec lui et c’est une alternative importante maintenant.” Une version confirmée par les journalistes espagnols suivant l’Atléti quotidiennement.
Il faut dire que Llorente n’a pas toujours été un joueur défensif. Formé en tant qu’ailier, il n’est replacé dans l’axe qu’en U19. Il a d’ailleurs gardé se qualité de vitesse : cette saison, il est le 7e joueur le plus rapide de Liga. Une formation que n’a pas oublié Llorente : “Marcos pensait qu’il pouvait être un attaquant. En le regardant à l’entraînement, et au vu de sa confiance devant le but, la possibilité de l’essayer est arrivée.” Et là s’est révélé le nouveau Llorente : incisif, inarrêtable, influent et surtout, décisif.
Alliage entre force et technique, confiance et courage
Chacun connaît l’organisation madrilène : 4-4-2, bloc bas, réduction des espaces, agressivité, contre attaques éclair. Une organisation rigoureuse défensivement, et qui vit aussi sur la créativité de ses joueurs offensifs. Problème : aucun des duos essayés en pointe cette saison n’a convaincu. Isolés du reste de l’équipe, seul Correa a réussi, par instant, à faire le lien avec ses milieux. Et c’est dans ce rôle que Llorente s’illustre : en second attaquant, ou tout du moins en étant le liant entre le milieu et l’attaque lorsqu’il évolue comme milieu droit. Dans ces deux positions, il est déjà la première pression: ses années comme milieu défensif lui ont permis de développer de véritables acquis défensifs (orientation du corps, appuis arrière, tacles debout) qui en font un joueur capable d’être très embêtant. Avec sa force physique et son endurance, il est le parfait premier pressing.
Le côté défensif, on le connaissait déjà plus ou moins. Ce qui surprend, c’est sa puissance balle au pied. Car, plus qu’une véritable aisance technique à la Iniesta, Llorente est un buffle : il joue de ses épaules pour passer en force, sans jamais refuser le duel. Agile, il conserve bien la balle et surtout, cherche toujours à aller de l’avant. Sa vitesse de réflexion et d’exécution est un poison pour les défenseurs. Tant et si bien que dos au but, il est dévastateur, se retourne, démarre vite, et fait ensuite parler sa qualité de passe pour trouver les décalages. Si la passe est un de ses atouts, les dribbles le sont tout autant. En 231 minutes depuis la reprise, il a déjà complété autant de dribbles que durant tout le reste de la saison (9). Tout cela lui permet d’être un formidable casseur de lignes, tout en étant aussi dangereux entre les lignes. En étant une solution constante pour le porteur de balle (formation espagnole oblige), il bénéficie d’une certaine liberté qu’il utilise notamment pour se déplacer entre le défenseur central et le défenseur latéral, ce qui libère énormément d’espaces pour ses partenaires. Logiquement, ce petit portrait doit vous rappeler quelqu’un non? Mais si … Allez, un petit effort …
Griezmann 2.0 ?
. « Ce qui se passe avec Marcos est similaire à quand Griezmann est venu ici. Je l’ai vu comme un deuxième attaquant ou un avant-centre quand tout le monde me disait qu’il n’était qu’un ailier.»
Diego Simeone
Le rôle du Français n’a jamais été aussi valorisé qu’à partir du moment ou il a quitté la capitale madrilène: personne n’a su combler le vide de ce positionnement si spécial, de ce rôle de second attaquant défensif, quasi n°10, n°8 et n°9 à la fois. Qu’on soit clairs : aussi talentueux soit-il, Llorente ne sera jamais Griezmann. Le Barcelonais a été, durant un temps, le 3e meilleur joueur mondial, un joueur plus que décisif, qui avait saisi plus que quiconque l’essence même du Cholismo, au sein duquel ses qualités étaient maximisées.
En revanche, aucun joueur n’a su saisir autant que Llorente la difficulté du rôle incarné durant plusieurs saisons par le champion du monde. Entre implication défensive, jeu dos au but et côté décisif, relais entre attaque et milieu, il apparaît aujourd’hui comme une option sérieuse dans le 11. “Ce n’est pas le Messi de l’Atlético. S’il joue 20 minutes, il entre comme si sa vie en dépendait. On aime cet état d’esprit. On va l’accompagner dans la position ou il performera le mieux.” Est-ce si sûr ? L’atlético joue aujourd’hui dans un style résolument plus offensif en raison de la course à un spot en Champions League. Dans ce football plus “de possession”, Llorente se retrouve dans les meilleures conditions et le démontre : déjà 2 buts et 2 passes décisives, un pénalty obtenu et un C.S.C provoqué, soit 5 actions décisives de plus depuis la reprise que depuis le début de la saison.
Le peu de matchs disputés doit être un frein à notre réflexion : Llorente est peut-être en avance physiquement sur ses adversaires, il sur-performe aussi peut-être un poil, et le peu de stats disponibles sur la période n’auraient pas de sens. Dans tous les cas, il n’a, pour l’instant, jamais été aussi intéressant à l’Atléti, et les hommes de Simeone ont rarement été aussi intéressant depuis le départ de Griezmann. La question se pose alors de savoir si cette solution est viable dans le temps long …