Il est désormais loin le temps où Griezmann pouvait concourir au podium du ballon d’or. Le français est en grande difficulté au FC Barcelone, et a récemment été au coeur de l’actu en raison des déclarations de son entraîneur, Quique Sétien. Après l’avoir laissé sur le banc presque 90 minutes, le coach espagnol a déclaré : “Demain, je parlerai avec lui. Je ne vais pas lui présenter mes excuses, parce que c’est une décision que je dois assumer, mais je suis sûr que c’est une décision qu’il comprendra.” Une déclaration symptomatique des difficultés actuelles de Grizou.
14 buts et 4 passes décisives en 43 matchs, Antoine Griezmann est loin des standards qu’on lui connaît. Dans un club aussi offensif que le Barca, ses stats sont loin d’être suffisantes et restent immensément éloignées de ce que l’on attendait de lui en début de saison. Pis, le français, pour la première fois depuis 2014, vient de traverser 7 matchs sans marquer ni délivrer de passe décisive. Mais ce qui choque le plus est l’impression visuelle : celle d’un Griezmann qui ne trouve pas sa place dans le collectif, en manque de confiance, et qui ne participe pas au jeu. Contre Léganes, en 90 minutes de jeu, il a touché 22 ballons. C’est 5 fois moins que Messi 117, la moitié de Fati (57 minutes de jeu) et moins que Vidal, 36 en 24 minutes de jeu. Une crise qu’on va tenter de vous expliquer.
Victime de la “direction sportive” de Bartomeu
Il y a quelques mois, nous faisions un article “Le mercato d’été du Barca sera-t-il celui de la révolution ?“, dans lequel nous revenions sur la situation actuelle du Barca. On revenait notamment sur le problème récurrent de la direction : l’éloignement de l’ADN Barca recherché chez les joueurs capables d’intégrer le collectif, et l’agressivité du club sur le marché des transferts afin de recruter des “stars”. De ce fait, les erreurs de recrutement s’accumulent : Boateng, Coutinho, Dembélé, Malcom, etc.

Et si l’on ajoute à cela les choix de coachs … Valverde a été limogé il y a quelques mois, en raison, notamment, de la qualité du jeu blaugrana. Arrive alors Quique Sétien, qui semble être une bonne idée : fan du club, amoureux du jeu à la barcelonaise, les fans s’emballent. Problème, en 6 mois à peine, le technicien Espagnol est déjà remis en cause, en raison d’un jeu très terne et de résultats en berne, loin de ce qu’il a su produire au Bétis. Et tous ces problèmes, cumulés, ont joué sur l’intégration de Grizi dans le jeu barcelonais.
Deux styles de jeu diamétralement opposés
“Je n’ai pas quitté l’Atlético pour gagner la Champions League ou gagner plus de trophées. J’ai quitté l’Atléti pour apprendre un nouveau style de jeu, une nouvelle philosophie.”
Antoine Griezmann
C’est l’histoire d’un jeune ailier français acheté par l’Atéltico et transformé de A à Z par Diego Simeone afin de calquer son style de jeu sur les qualités de sa nouvelle star. Durant 5 ans, le coach argentin s’évertuera à effacer chacun des défauts de son joueur, organisera l’équipe autour de lui afin de maximiser toutes ses capacités. Mais, au bout de ces 5 ans, Grizi veut voir autre chose : “Je n’ai pas quitté l’Atlético pour gagner la Champions League ou gagner plus de trophées. J’ai quitté l’Atléti pour apprendre un nouveau style de jeu, une nouvelle philosophie.” Il prend alors la décision de rejoindre le FC Barcelone. Le souci, c’est qu’on ne l’utilise pas comme on devrait. Pire, on lui demande des choses qu’il ne sait pas faire. Bien qu’il soit l’un des joueurs ayant le plus gros QI football, le champion du monde n’arrive pas à s’intégrer.

L’international français n’est pas familier du jeu de position Barcelonais : ses décrochages sont trop fréquents et trop peu incisifs. En cherchant à jouer entre les lignes, il décroche comme le font Messi et Suarez, ce qui implique qu’aucun des 3 n’attaquent la profondeur. Ce qui explique que lorsque Fati et Braithwaite jouent, une différence se ressent : ils tentent de prendre la défense de vitesse, dans le dos, simplement via des appels en profondeur, et créent des espaces pour leurs coéquipiers. Autre souci : son positionnement. Griezmann a besoin d’être au coeur du jeu et des attaques, de porter la balle, d’organiser les contre attaques. Oui, les contre-attaques. Le n°17 Barcelonais est un joueur d’espace, de transition, et reconnaît lui même “Je ne sais pas dribbler.” Même si ce n’est pas forcément vrai, les petits espaces sont un élément de difficulté pour le français. Que ce soit dans le dribble ou dans la passe. Les combinaisons courtes ne sont pas une qualité du français: très souvent, il ralentit le jeu à cause de trop nombreuses touches de balles (notamment contre les blocs bas), et se retrouve avec deux solutions : centrer sans réel espoir, ou une passe en retrait pour les défenseurs. Ce qui nous ramène à son positionnement.

Dans cette position axiale, Griezmann est le plus dangereux : libre, influent, il cumule 2,82 tirs par 90 minutes, 1,57 passes clés et surtout, 0,45 XGoals par 90 et 0,22 XAssists/90. A gauche, il descend à 2,20 tirs par 90, 1,25 passes clés, 0,28 XGoals par 90 et 0,11 XAssists/90. Des stats qui soulignent ses difficultés à s’illustrer dans une position désaxée, alors qu’il joue pourtant dans une équipe résolument plus offensive que l’an dernier. Cette saison, il a même traversé plusieurs matchs avec moins d’1 dribble, moins de 2 tirs et moins d’1 passe clé! Ses difficultés à créer s’en ressentent aussi dans ses passes : si, de manière générale, il en réussit plus, elles sont moins dangereuses. Beaucoup moins de progressive passes (environ 40 de moins qu’en 2017/2018 avec un temps de jeu similaire), moins de passes dans le dernier tiers, moins de passes dans la surface de réparation, moins de passes clés… Tout ceci, combiné aux stats de possession elles aussi en baisse (dribbles tentés et réussis, distance parcourue vers le but, et même ballons touchés), ne font que confirmer une chose : Griezmann n’est pas programmé pour jouer au Barca.
Une adaptation ratée et un futur flou
Le terrain est une chose, le vestiaire en est une autre. Sans vouloir rentrer dans les inepties “Messi contrôle le Barca”, on sent tout de même une fissure au sein du vestiaire. @TalkMyFootball, Youtubeur analyse foot, nous décrypte la situation :
“Au-delà des considérations tactiques, je trouve que le cas de Griezmann en dit beaucoup sur l’importance du hors terrain dans une carrière et sur ce Barça. Le hors terrain, car une partie des difficultés de Griezmann semblent venir de la réception qui lui a été faite. Une réception peu favorable en raison de sa comunication maladroite l’été précédent. Bien s’entourer pour sa communication, ça compte, peut être plus que de s’entourer de proches. Bien que de confiance, ils ne sont pas toujours qualifiés pour ça.
Côté Barça, malgré les volontés de la direction, c’est en réalité les joueurs qui sont les garants de l’intégration ou non d’un joueur. Sans leur aval en amont, ça peut amener à une catastrophe… Comme celle que sera Griezmann selon certains ?“

Largué sur le terrain, en difficulté dans le vestiaire, quelles sont les perspectives d’avenir pour le Barcelonais ? Pour un joueur lambda, la solution serait vite trouvée : changer de club. Mais pour Griezmann, le problème n’est pas que sportif. Bartomeu mise une partie de son mandat sur le français : 120M d’€ investis (ce qui pèse dans les finances barcelonaises assez mal en point), le culé était censé enfin compléter Messi/Suarez et faire oublier Coutinho, un joueur de 29 ans, star mondiale…
Aujourd’hui, Griezmann est un carrefour ou toutes les routes sont barrées. D’un côté, un club qui ne lui convient pas, de l’autre, un vestiaire dans lequel il ne paraît pas épanoui. En face, une communication personnelle qui pose problème : son frère et son père, sur les réseaux sociaux, ont épinglé l’entraîneur du Barca. Alain, le père, a même posté sur Instagram : “Pour tenir ce genre de propos, il faut avoir les clés du camion dans les mains et ce n’est pas le cas, vous n’êtes un simple passager.” En somme, un horizon bien sombre, où la solution paraît assez compliquée. De notre côté, on ne peut que souhaiter que Griezmann s’impose finalement et permette au Barca de briller de nouveau.