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Vincenzo Nibali, roi sans héritier ?

Vincenzo Nibali est un monstre sacré du cyclisme mondial. Depuis une décennie, il porte la nation italienne sur ses épaules. De sa première grande victoire sur les routes d’Espagne à ses exploits sur le Giro, en passant par son ultra domination sur le Tour de France 2014, il a mis le drapeau italien sur la plus haute marche du podium des plus belles courses du monde, comme beaucoup de grands coureurs transalpins l’ont fait dans l’histoire. Mais à bientôt 36 ans et avec ses plus belles années derrière lui, aucun Italien ne semble être en mesure de prendre le relais de ce coureur furioclasse.

Nous sommes le 30 Mai 2010. Au terme de trois semaines du premier grand tour de la décennie, Ivan Basso lève les bras sur son tour national en s’adjugeant la 93e édition du Giro. Dans cette deuxième conquête du maillot rose (il avait déjà remporté le Tour d’Italie 2006), il fut épaulé par une jeune pépite du cyclisme italien, Vincenzo Nibali. Alors âgé de 25 ans, celui que l’on surnomme Le Requin de Messine a fait plus qu’aider son leader, en remportant une étape et portant le maillot rose durant trois journées. Au final, c’est à la troisième place du podium qu’il termine…Le premier d’une longue série. Nibali est alors au début de sa carrière. Après une sixième place sur le Tour de France 2009 et cette belle troisième place sur le Tour d’Italie, il laisse entrevoir une continuité dans la grande domination des transalpins sur leur territoire. De 1997 à 2007, il y a eu une hégémonie italienne sur le Giro. Ce ne sont pas moins de huit coureurs différents qui pendant 11 éditions n’ont laissé aucune miette aux coureurs étrangers, remportant chacune des éditions de cette course prestigieuse. Il a fallu la victoire d’Alberto Contador (fraîchement vainqueur du Tour de France 2007) en 2008 et Denis Menchov en 2009 pour internationaliser les vainqueurs de ce grand tour.

Liste des vainqueurs du Giro entre 1997 et 2007, une véritable dictature italienne. (photo : wikipedia)

Ce Tour d’Italie 2010 sonne comme le passage de témoin entre un Ivan Basso vieillissant et l’étoile montante Vincenzo Nibali. Quelques mois plus tard, cette transition se confirme avec le triomphe du Requin de Messine sur le Tour d’Espagne. Durant la décennie 2010, Vincenzo Nibali a marqué de son emprunte le cyclisme mondial et porté la nation italienne. Il est devenu le deuxième Italien après Felice Gimondi à triompher sur les trois grands tours. Au total, ce ne sont pas moins de quatre courses de trois semaines remportées par Vincenzo Nibali (2 Giro, 1 Tour de France, 1 Vuelta). A cela, on peut ajouter un nombre important de podiums (11 au total). De plus, il a levé les bras sur de grandes classiques italiennes comme le Tour de Lombardie ou Milan San Remo. Mais alors que Nibali arrive dans ses dernières années et malgré le fait qu’il soit encore performant sur des grandes tours (2e du Tour d’Italie 2019), il semble ne pas avoir de coureurs à sa hauteur afin de faire perdurer le cyclisme italien au plus haut niveau.

Au milieu des années 2010, il paraissait évident que le successeur du champion italien soit le talentueux Fabio Aru. Le Sarde, ex-coéquipier de Nibali chez Astana, a semblé avoir les épaules et le talent pour établir une transition naturelle au sein du cyclisme italien. Passant proche de la victoire sur le Giro en 2014 et 2015 (il a fini 3e et 2e de ces éditions), c’est sur le Tour d’Espagne 2015 (à 25 ans) qu’il est allé chercher son premier grand tour. Après un Tour de France 2017 prometteur et une cinquième place, il n’a finalement jamais retrouvé un niveau faisant de lui un coureur capable de lever les bras sur une course de trois semaines.

Vincenzo Nibali et Fabio Aru, coéquipiers chez Astana de 2013 à 2016. (photo : Bettini photo)

D’autres coureurs comme Damiano Caruso ou Davide Formolo sont de bons grimpeurs, mais ils restent limités sur des courses de trois semaines et n’ont pas le potentiel pour espérer accrocher un podium de grand tour. L’Italie a de grands coureurs de classe mondial, mais ils se situent au niveau du sprint avec Elia Viviani et Matteo Trentin. Une flopée de puncheurs est aussi présente avec Giovanni Visconti, Gianni Moscon, Diego Ulissi ou encore Sonny Colbrelli. Pour redorer le blason italien dès que la pente s’élève, elle peut potentiellement compter sur Giulo Ciccone. Vainqueur d’une étape très jeune le Giro 2016 (il avait alors 21 ans), le grimpeur de Chieti continue de montrer une belle progression. En 2019, il a fini meilleur grimpeur du Tour d’Italie (remportant en plus une étape) et a porté deux jours le maillot jaune sur le Tour de France. A 25 ans, il va aller cette saison sur le Giro afin d’aider Vincenzo Nibali à retrouver la victoire sur cette épreuve. Passer trois semaines auprès du Requin de Messine va lui permettre d’acquérir de l’expérience auprès d’un immense coureur du peloton. Dix ans après l’édition 2010, un nouveau passage de témoin peut-il avoir lieu ? En tout cas, le jeune Ciccone ne cache pas ses ambitions. Chez nos confrères de Cyclist, il a déclaré fin 2019 « Je pense que, dans ma tête, je veux remporter un Grand Tour. Je ne sais pas quand mais je pense que c’est mon prochain but. Bien sûr, le Giro est spécial et ça a toujours été mon rêve. Je pense donc que le Giro est mon objectif. ». De nombreux jeunes pousses arrivent dans peloton World Tour. Pour la saison 2020, ils sont sept coureurs italiens de moins de 23 ans au sein du WT, un record parmi l’ensemble des nations.

Pantani, Simoni, Savoldelli, Basso, Nibali et tant d’autres. Beaucoup de grands grimpeurs ont porté ces dernières décennies l’Italie pour faire perdurer son statut d’immense pays de la planète cyclisme. Aujourd’hui, cette nation a toujours une place importante dans le peloton. Mais contrairement au passé, elle produit peu de coureurs capables de jouer la gagne sur trois semaines. Nibali est le seul dans ce cas, mais à 35 ans, le poids des années commence à se ressentir chez cet immense champion. Pour la première depuis bien longtemps, l’Italie pourrait donc laisser partir son roi… Sans lui avoir trouvé un héritier digne de ce nom. 

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