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Sam Darnold, déjà à la croisée des chemins

Baker Mayfield était le rookie de l’année, Josh Allen a joué les playoffs, Lamar Jackson est un MVP. Au milieu des remarquables quarterbacks de la draft 2018 (nos excuses à Josh Rosen) se trouve Sam Darnold, dont le début de carrière est complètement obstrué par des circonstances extérieures. Alors que 2020 augure une conjecture similaire, il devra aller au-delà de son enivrante intermittence pour assurer son futur chez les New York Jets. Déjà.

Si vous conceviez le quarterback parfait dans un laboratoire, il ressemblerait beaucoup à Sam Darnold. Il a tous les attributs du passeur moderne : la taille, le bras, la ténacité et même la vitesse. Il lance le genre de passes que seule une poignée d’êtres humains est capable de reproduire, simplement pas assez souvent pour conduire son équipe au succès.

Sa virtuosité n’a d’égal que le dépit suscité par son inconstance. Par séquences, il approxime les quarterbacks les plus talentueux de l’histoire du jeu, par d’autres, il semble ne pas avoir progressé un iota depuis son entrée dans la ligue. Comme sa prestation contre les Patriots la saison dernière, possiblement la pire jamais réalisée par un quarterback des Jets, juste une semaine après l’un des matches les plus aboutis de sa carrière.

Après deux saisons dans la ligue, l’évaluation de Darnold demande une savante symétrie entre apologie et nuance. Qu’ont fait les dirigeants pour bien l’entourer ? Comment apprécier l’impact de la mononucléose dont il a souffert pendant près d’un mois ? La deuxième partie de la saison 2019 est-elle révélatrice de sa progression ? Ou faut-il regarder l’acabit des équipes affrontées et appréhender le début de la saison 2020, où les Jets joueront 5 fois contre l’une des 6 meilleures défenses de l’année précédente ? 

2019 annus horribilis

Une année au cours de laquelle Sam Darnold n’a pas été performant, voire franchement mauvais. Il a terminé la saison avec le 25e QBR et la 27e évaluation à la passe. Les joueurs moins bien classés que lui étaient soit des rookies, tels Gardner Minshew et Mason Rudolph, soit des quarterbacks qui commenceront 2020 sur le banc, tels Andy Dalton et Kyle Allen. (Soit Baker Mayfield et Mitchell Trubisky…).

Le contexte convient évidemment d’être pris en compte. On peut légitimement arguer que toute la première partie de saison est modique dans l’analyse, puisque Darnold semblait déjà diminué par la mononucléose lors du premier match contre les Bills, s’est retourné l’ongle d’un orteil deux semaines après son retour contre les Patriots et a subi une entorse du pouce la semaine suivante contre les Jaguars. Pas idéal pour jouer au football. Une fois en bonne santé, ses statistiques se sont drastiquement bonifiées. 

Néanmoins, si ignorer ses premiers matches de l’année peut s’entendre, cela n’est pas non plus indicatif de son futur.

Les blessures de Darnold après deux saisons dans la ligue sont inquiétantes. Avant la mononucléose, l’orteil et le pouce, il y avait déjà une blessure au pied et trois matches manqués en 2018. Ces affections pourraient bien et vite être de l’histoire ancienne, comme pour Matthew Stafford, qui avait manqué 19 de ses 32 premiers matches avant d’en jouer 136 d’affilée. Elles pourraient aussi devenir extrêmement problématiques dans une perspective de croissance.

La meilleure manière pour les Jets de préserver sa santé serait, bien sûr, d’améliorer sa protection. Aucun quarterback n’a plus souvent subi la pression que Darnold en 2019. Le problème saute aux yeux et le general manager Joe Douglas a fait de sa résolution une priorité. Brian Winters est le seul joueur qui reste de la ligne offensive précédant son arrivée. Cette intersaison, les Jets ont recruté le centre Connor McGovern, le tackle George Fant, les guards Greg Van Roten et Josh Andrews, et conservé le guard Alex Lewis. Tout cela sans compter Mekhi Becton, qu’ils ont choisi avec leur premier choix de draft. 

La ligne pourrait avoir jusqu’à quatre nouveaux titulaires cette année, mais investir massivement dans de nouveaux joueurs ne réglera pas tout d’un coup. La pression subie par Darnold n’est pas uniquement due à sa protection. Trop souvent, le quarterback des Jets ne lâche la balle à temps, compliquant la tâche à ses joueurs de ligne et affectant la précision de ses lancers. Tout commence par son jeu de jambes. Malgré ses qualités athlétiques, il semble parfois y avoir une disjonction entre le haut et le bas de son corps, bien qu’il parvienne à s’en sortir de temps à autre grâce à son bras.  

Seulement la plupart du temps, ses jambes trahissent la précision de ses lancers intermédiaires et profonds. Il a également la fâcheuse tendance à attendre que ses receveurs se démarquent plutôt que d’anticiper leurs tracés ou opter pour des lancers plus prudents. Cela l’oblige à se débarrasser de la balle ou à prendre des sacks inutiles. 

Cette saison, c’était particulièrement le cas dans la red zone où ses prises de décisions n’étaient simplement pas dignes d’un quarterback titulaire en NFL. Il a lancé 4 interceptions dans les 20 derniers yards et le total aurait pu être encore moins flatteur. Certains de ses touchdowns ont même résulté d’initiatives que nous qualifierons de discutables…

En moyenne, Darnold a mis 2,92 secondes à déclencher ses passes, le troisième temps le plus lent de la ligue et une recette qui ne peut fonctionner que lorsque le chef s’appelle Lamar, Aaron ou Patrick. 

Au-delà des interceptions, le fait d’attendre le dernier moment pour lâcher la balle l’a conduit à lancer des passes insensées, dans des fenêtres beaucoup trop étroites, à des receveurs pris par deux ou trois défenseurs.

SOS d’un quarterback en détresse

À sa décharge, Sam Darnold n’a pas été particulièrement aidé par ses receveurs en 2019, les meilleurs n’étant carrément pas sur le terrain. Chris Herndon et Quincy Enunwa devaient être ses cibles préférentielles, mais n’ont joué que 83 snaps à eux deux, forçant Adam Gase à titulariser Ryan Griffin et Demaryius Thomas aux postes de tight end et de receveur. Jamison Crowder et Robby Anderson, eux, étaient en bonne santé, mais n’ont jamais eu vocation à être receveur n°1. Quant à Le’Veon Bell, de retour sur les terrains après une année au frais, il n’a pas justifié le salaire mirobolant qu’il réclamait à Pittsburgh et que les Jets lui ont offert.

Anderson est parti à Carolina et il n’est pas certain qu’Enunwa puisse rejouer un jour au football. Breshad Perriman, arrivé de Tampa Bay, remplacera la menace en profondeur de d’Anderson et le second tour de draft Denzel Mims pourrait, à terme, être une des révélations de la classe 2020. Le potentiel est là mais, même dans le meilleur des scenarii, ils ne formeront pas l’un des meilleurs corps de la ligue cette saison.

Utiliser le premier tour de draft sur Becton, malgré la flopée receveurs disponibles, n’était pas une erreur en soi, mais le constat est limpide : en trois intersaisons, Joe Douglas, et surtout Mike Maccagnan avant lui, ont failli à entourer Darnold de talents nécessaires à son développement. Il est par exemple difficilement compréhensible que les Jets n’aient pas pu faire une meilleure offre que celle des Cardinals pour acquérir DeAndre Hopkins.

Enfin, l’autre question majeure est de savoir si Adam Gase et son staff ont la faculté de faire passer un cap à leur quarterback. La réputation de l’ancien coordinateur offensif des Broncos est bien loin de celle qu’il avait avec Peyton Manning ou lorsqu’il menait les Dolphins aux playoffs en 2016, dès sa première saison à Miami. Et à raison. Depuis qu’il a quitté Denver, ses attaques ont terminé 10e, 14e, 27e, 26e et enfin 31e la saison dernière. Une lente et immuable régression vers le fond du faitout.

Depuis qu’il est à New-York, chaque match présente deux ou trois actions où on peut réellement se demander si Gase veut que Darnold lance une interception. C’est à peine une exagération. Sinon comment expliquer que trois, parfois quatre, receveurs se trouvent simultanément sur la même partie étriquée du terrain ?

Darnold n’a jamais été aidé par son entraîneur. Un match en est notablement l’illustration…

La menace fantôme

Il sera dur pour Sam Darnold de livrer une performance pire que celle du 21 octobre 2019. En semaine 7, contre les Patriots, il n’avait complété que 11 de ses 32 passes pour 86 maigres yards. Il avait surtout perdu 5 ballons, dont 4 interceptions, et innocemment admis voir des fantômes, sur le banc. 

Les chiffres ne rendent même pas justice au cauchemar qu’il a vécu. Sa prestation était si désastreuse que les rares fois où la défense des Patriots ne générait pas de pression, il parvenait à placer la balle exactement là où aucun de ses coéquipiers ne pouvait l’atteindre. 

L’ongle retourné n’a certainement pas aidé, mais jamais lors de ce match Darnold n’a donné l’impression qu’il avait le niveau pour la NFL. Le genre de moments où l’assistance d’un coach est nécessaire, en appelant des jeux plus courts pour soulager son quarterback à l’agonie. La défense des Patriots a rendu beaucoup d’attaques quelconques en 2019, mais qu’un tandem du calibre supposé de Gase et Darnold soit à ce point désarmé est particulièrement alarmant. 

2020 annus mirabilis ? 

Un élément joue toutefois en la faveur de Sam Darnold : son âge. Il est plus jeune que Joe Burrow, mais a déjà deux saisons professionnelles à son actif. Au vu de cela, de ses soucis de santé et de la médiocrité des joueurs qui l’ont entouré, ses chances de devenir un quarterback compétent sont, en théorie, plutôt bonnes…

… Mais la théorie n’est pas la NFL. S’il ne montre pas de signes tangibles de progrès dès cette troisième saison, il pourrait très bien ne pas bénéficier d’une quatrième pour montrer ce dont il est capable. L’entraîneur et le general manager qui l’ont drafté ne sont plus en poste. Joe Douglas n’a aucun devoir de loyauté envers Darnold ni d’appétence manifeste à le conserver, puisque ce n’est pas son joueur. De la même manière qu’Adam Gase n’est pas son coach. 

De ce que l’on a vu de lui jusqu’ici, Darnold ne transcende pas le niveau des joueurs autour de lui. Aussi, sa progression dépendra en grande partie de l’impact immédiat de Becton, Mims et Perriman et du retour de Bell à son meilleur niveau. Il dépendra également de la capacité de Gase à développer un jeune quarterback, ce qu’il n’a eu à faire qu’avec Tim Tebow à Denver, sans grand succès. C’est là tout le problème : pour que 2020 soit l’année de son explosion, Sam Darnold aura besoin de beaucoup de choses dont il n’est pas forcément maître. Les jeux sont faits. Rien ne va plus.

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