Quelques secondes avant de casser la démarche, Umtiti envoie au fond des filets un coup de tête victorieux sur un corner tiré par Antoine Griezmann. Le seul des 21 corners tirés par les français qui s’avérera directement décisif. Le corner est, de loin, le coup de pied arrêté le moins décisif. Pourtant, dès lors que notre équipe favorite en obtient un, on sent un frisson nous parcourir. Mais avec des équipes qui se préparent de plus en plus à contrer ces phases de jeu, ne devrions-nous pas plutôt avoir peur ?
Le corner apporte-t-il forcément le danger ?
Dans l’imaginaire collectif, chaque corner est une occasion de but. Une balle bien brossée, un saut bien timé et une tête rageuse et hop, 1-0. Seulement, ce n’est pas si facile. En effet, les stats de plus en plus avancées que le football connaît ces dernières années permettent de lever le voile sur des “vérités” qui s’avèrent finalement être assez … floues, dirons-nous. Par exemple, RMC Sport dévoile que, cette saison, sur un échantillon de 13.448 corner, seuls 433 buts ont été marqués. Ceux qui revient à 3% de buts marqués, environ un tous les 31 tentatives. Pire, seul un corner sur 5 débouche sur un tir cadré. Autant dire que le coup de pied de coin offensif est une arme bien moins utile que ce que l’on pourrait penser.

Si, de manière générale, les corners sont souvent oubliables, ce n’est pas le cas pour tous. Le Real est, par exemple, l’équipe qui a le plus marqué sur corner en championnat depuis 2013. 64 buts. Approximativement 9 buts par saison donc, pour une équipe qui ne se distingue pas par des joueurs très grands. Le secret, comme pour toute phase de jeu, est de chercher à travailler et à se rendre imprévisible. C’est pourquoi le Real a une routine établie, mais qu’il s’évertue à modifier de temps en temps. L’exemple type est le suivant : un joueur courant vers chaque poteau, 2-3 joueurs au centre et un qui décroche pour venir demander court. Si cela s’avère aussi efficace, c’est surtout parce que les joueurs du Real travaillent un jeu de courses, de feintes (de corps et de regards), de permutations, de combinaisons et de trajectoires de balles qui les rendent imprévisibles. Bon, un tireur de la trempe de Kroos aide aussi, mais d’autres exemples existent : le statisticien Hessusavas a noté que l’arrivée de Tony Pulis à West Brom en Janvier 2015 a changé la donne sur les corners. D’un but sur corner tous les 19 matchs, ce chiffre est passé à 7,6 puis à 3,8.

L’excellent article de @Footalitaire que vous pouvez retrouver ici se pose la question de l’efficacité des corners et notamment de leur potentiel remplacement. Il évoque aussi les corners censés être les plus efficaces :
- ” les corners avec combinaisons sont moins dangereux pour les transitions offensives adverses ;
- les corners au second poteau avec remise, ou ceux joués très court donc à deux, sont plus efficaces (57,6% de chance d’aboutir à un tir cadré)”
Les “transitions offensives adverses” évoquées sont un problème pour nombre d’équipes, et nous allons voir pourquoi.
Se méfier des contres
En général, les équipes se retrouvent avec 1 tireur et 7-8 joueurs aux alentours de la surface cherchant à cadrer chaque zone ou le ballon pourrait retomber avec comme principal objectif de le transformer en occasion de but. L’occasion pour une équipe de pouvoir profiter de ce bloc équipe très haut par une remontée de balle très rapide, un contre dont les joueurs de Manchester City, par exemple, sont spécialistes. Les Sky Blues se placent en 3 lignes : la première doit jouer le ballon de la tête, la seconde a contrer les courses adverses, et la 3e à jaillir, aidé des joueurs de la deuxième ligne afin de lancer une contre attaque. Liverpool, malgré un schéma différent, est aussi protagoniste de ce genre d’idées, et a su se montrer souvent bien plus dangereux que leurs adversaires sur des situations de corners défensifs. Le Washington Post Study s’était penché sur la question il y a quelques années. Sur environ 13 000 corners, environ 1800 ont abouti sur une contre-attaque qui a été au moins jusqu’au dernier tiers. 526 tirs ont été tentés, 72 buts ont été marqués. Mais plus que la contre attaque, le corner permet de faire remonter le bloc et de procéder à son schéma de jeu.
Pour Liverpool, remonter le bloc leur permet certes, de contrer, mais aussi, parfois de remettre en place leur système en U, de faire tourner le ballon et de pouvoir aller chercher un bon centre ou une course dans la surface. Pour City, ce sera une conservation de balle, des redoublements de passes et un travail afin de disloquer les lignes adverses. Dans tous les cas, le but est de se remettre dans une position préférentielle, connue et maîtrisée par les joueurs.
Comment contrer le contre ?
Dans ce cas, il faut alors chercher à faire du corner une arme qui ne se braque pas sur son front en cas de faux mouvement. Footalitaire, en se basant sur les stats, constate que la manière d’être le plus efficace est de faire que le bloc regroupé devant le but viennent se redisloquer en remettant le ballon “en jeu”, et en cherchant, par la possession, à trouver une position de frappe. Ou alors, chercher à rendre le corner réellement efficace, à l’instar du Real. De manière à être imprévisible, un mix des deux pourrait être encore plus dévastateur. Les clubs doivent aussi chercher à étudier ce que les équipes adverses font sur récupération de balle de corner défensifs. Chercher à bloquer les zones ou les équipes ont l’habitude d’attaquer en cadrant certaines zones par des joueurs habitués à couvrir de l’espace, à l’instar de Tapsoba ou Piqué. Problème, ces joueurs-là se trouvent aussi être souvent de véritables menaces aériennes…
En bref, les corners offensifs sont un véritable casse tête. S’ils sont plus enclins à faire marquer l’équipe qu’à concéder, ils restent tout de même une menace de voir son équipe se faire transpercer de haut en bas sans pouvoir rien faire, ou de voir l’équipe adverse se remettre dans un schéma qu’elle affectionne. Alors, pour en revenir à l’article de Footalitaire, les corners doivent-ils disparaître ?
Très intéressant