Ce vendredi 31 juillet 2020, les Young Boys ont été sacrés champion de Raiffeisen Super League pour la troisième fois consécutive. Amorcée par Adi Hütter, – parti depuis à l’Eintracht Francfort -, en 2017-2018, les titres de 2019 et 2020 ont été remportés en grande partie par Gerardo Seoane, l’actuel entraîneur hispano-suisse. Dans un championnat qui a été largement dominé par le FC Bâle durant de nombreuses années, depuis le début du siècle, cette suprématie bernoise apparaît très intéressante à analyser.
Pour ceux qui ne connaissent pas les Young Boys, ces quelques informations peuvent vous aider. Il faut savoir que le club en jaune et noir est repassé devant le FC Zurich au nombre de titres et est maintenant le 4ème club le plus titré : 14. Le club, créé en 1898, possède le cinquième meilleur palmarès de Suisse si l’on compte la Coupe de Suisse. Le club bernois l’a remporté à six reprises. Enfin, sur le plan européen, les Young Boys ont atteint les demi-finales de la C1 en 1959 et les quarts de finale de la C2 en 1988. De ces faits, ces trois titres acquis tout récemment ravivent beaucoup d’émotions pour tous les supporters de ce club dont l’histoire récente n’est pas particulièrement belle. En effet, depuis les années 90, les Young Boys de Berne n’étaient pas la meilleure équipe suisse. Quels sont donc les ingrédients de cette domination retrouvée ?

Christoph Spycher, le principal artisan
Ancien arrière gauche suisse aux 47 sélections avec la Nati, Christoph Spycher a terminé sa carrière en 2014 dans le club qu’il dirige sportivement depuis 2016. Il est l’un des responsables de la réussite des Young Boys de Berne depuis trois saisons. Le 22 septembre 2016, il est devenu le directeur sportif du BSC YB. Grand connaisseur du football allemand et suisse, Spycher s’est démarqué par son bon recrutement. Dès lors, beaucoup de bons joueurs sont venus dans la capitale suisse.

En janvier 2017, Roger Assalé est arrivé en provenance du TP Mazembe pour 500 000 €. Il est prêté à Leganès depuis l’hiver dernier, mais a largement contribué aux titres de 2018 et 2019. S’il part cet été, la plus-value sera certaine.
En juillet 2017, plusieurs joueurs sont arrivés et sont devenus des cadres. Parmi eux, il y eut Christian Fassnacht, Jordan Lotomba, Kevin Mbabu – qui était prêté par Newcastle, puis est parti deux saisons après à Wolsburg pour 9 millions d’euros -, Kasim Nuhu – lui aussi en prêt, puis vendu par les YB en juillet 2018 à Hoffenheim pour 8 millions d’euros -, Djibril Sow – vendu l’été dernier à Francfort pour 9 millions d’euros -, Jean-Pierre Nsamé – actuel meilleur buteur du championnat suisse avec 30 buts et en passe de devenir le recordman sur une saison -, et enfin Nicolas Ngamaleu. Tous ces joueurs ont été ou sont des très bonnes recrues. Ils ont progressé et ceux qui sont encore au club présentent de possibles belles plus-values pour le club bernois.

L’été suivant, le club fait l’acquisition de plusieurs joueurs qui s’avéreront une nouvelle fois être des bons renforts. Il y a Ulisses Garcia, Sandro Lauper, Mohamed Ali Camara et Gianluca Gaudino. Durant cette saison 2018-2019, outre la vente de Nuhu, Sékou Sanogo est vendu 7 millions d’euros à Al Ittihad, alors qu’il avait été acheté à l’été 2014 pour la somme de 800 000 €.
Nous arrivons donc à l’été dernier, à l’orée de cette saison si mouvementée, et les arrivées furent intéressantes, même durant cet hiver 2020. Tout d’abord, le club a enregistré l’arrivée de Christopher Martins en provenance de Lyon, celle de Vincent Sierro, le retour au pays de Fabian Lustenberger, celle de Marvin Spielmann, celle de Cédric de Zesiger, celle de l’amiénois Jordan Lefort – qui s’est imposé dans le couloir gauche -, et celle d’Elia Meschak.

Nous oublions fréquemment qu’un directeur sportif n’est pas seulement un très bon recruteur, mais qu’il doit également être un très bon vendeur. Et ça, Christoph Spycher l’a démontré au cours des trois dernières saisons. Il détient six des sept meilleures ventes du club. Dans l’ordre, nous avons : Denis Zakaria vendu 12 millions d’euros alors acheté 400 000 €, Kevin Mbabu vendu 9 millions d’euros alors acheté 120 000 €, Djibril Sow vendu 9 millions d’euros alors acheté 2 millions d’euros, Kasim Adams Nuhu vendu 8 millions d’euros alors acheté 500 000 €, Sékou Sanogo vendu 7 millions d’euros alors acheté 800 000 € et enfin, Yvon Mvogo vendu 5 millions d’euros alors formé au club. Tous ces gains ont forcément permis au club de se pérenniser économiquement et ont contribué aux titres de champions.

Selon bluewin.ch, le club affiche un bénéfice de 20 millions de francs suisses – ce qui correspond à 18,6 millions d’euros -, pour l’année 2019. De plus, l’équilibre des arrivées et des départs, constitué par Spycher, a grandement contribué au succès des hommes de Seoane cette saison. La quantité et la qualité furent parfaitement couplées. De bonnes recrues pour doubler chaque poste. Tout ce dont rêve chaque entraîneur.
Le talent de deux entraîneurs succesifs
L’homme du premier titre fut Adi Hütter. Arrivé en 2015 après une expérience au Red Bull Salzbourg, l’entraîneur autrichien, dès sa première saison suisse, parvient à maintenir la dynamique sportive du club en atteignant la deuxième place du championnat. La volonté à court terme, est de s’imposer comme étant le deuxième meilleur club de Suisse. Hütter va très bien y arriver puisqu’il va réussir à finir une nouvelle fois deuxième à l’issue de la saison 2016-2017. Sa troisième et dernière saison avec les Young Boys est celle de la consécration, lui et ses joueurs remportent la Raffeisen Super League pour la première fois depuis 1986 !
Ce qui est encore plus impressionnant est le fait de détrôner le FC Bâle qui était sur huit titres d’affilées. Adi Hütter réalise cette prouesse en proposant un jeu à base de pressing intense et misant essentiellement ses forces sur l’attaque. Cela fonctionne parfaitement puisqu’il remporte le championnat avec 84 points. En d’autres termes, il atteint des standards établis par Bâle qui domine la Suisse depuis le début du siècle. Hütter à Berne, c’était un 4-4-2 très offensif, basé sur la vitesse et permettant à de jeunes joueurs talentueux de s’exprimer pleinement. Il décide alors de céder aux sirènes de la Bundesliga puisqu’il officie en tant qu’entraîneur de l’Eintracht Francfort depuis maintenant deux ans.

C’est alors que Gerardo Seoane prend sa place. Il parvient parfaitement à poursuivre la dynamique comme son prédécesseur puisqu’en deux saisons, il remporte deux titres et porte le total à trois titres de champions acquis d’affilés, une première depuis 1959. Tout comme Adi Hütter, Seoane s’appuie sur un 4-4-2 relativement offensif qui se mue parfois en 4-2-3-1. La marque de fabrique de l’hispano-suisse est celle de l’intensité. Gerardo Seoane demande à ses joueurs de courir et de presser énormément, ainsi, son équipe utilise au maximum la largeur du terrain. Son équipe est une équipe qui centre beaucoup.
S’appuyant énormément sur ses latéraux, Seoane propose un jeu moderne se basant sur des circuits de passes répétés ainsi que des dédoublements le long de la ligne de touche. Ses joueurs décrochent également beaucoup. Les Young Boys de Berne c’est : 22,18 centres toutes les 90 minutes et 32,2% de centres réussis. Malgré ces préceptes de jeu plutôt offensifs, le BSC YB de Gerardo Seoane est meilleur défensivement que celui d’Adi Hütter. Moins dogmatique, Seoane a su trouver un meilleur équilibre même si l’équipe n’a décroché le titre qu’à l’avant dernière-journée.

Enfin, il faut savoir qu’une série est en cours, celle de l’invincibilité à domicile en championnat. Cette saison, le BSC YB est pour le moment invaincu dans son stade lorsqu’elle reçoit des équipes pour le compte de la Raffeisein Super League. Mais il y a encore plus impressionnant. Le 6 octobre 2018, est la date de la dernière défaite des Young Boys à domicile en championnat, c’était face au FC Lucerne (défaite 3 à 2). La précédente défaite datait du 9 août 2017 ! En presque trois ans, ils n’ont perdu que deux fois dans leur stade en championnat !
Des très bons joueurs
Outre les quelques joueurs vendus en Allemagne évoqués précédemment, certains joueurs très talentueux jouent encore aux Young Boys. Le plus intéressant est de savoir que 10 joueurs ont remporté les trois titres de champion. Cela prouve que le club a su tabler sur la régularité et a su surtout garder le noyau dur de son équipe chaque saison. Parmi ces dix joueurs, nous avons : Marco Wölfli, gardien de but n°2 au club depuis 2004, David von Ballmoos, le gardien numéro 1, Jordan Lotomba, arrière latéral prometteur, Miralem Sulejmani, ancien joyau du football serbe et maintenant cadre de cette équipe bernoise, Nicolas Ngamaleu, lui aussi joueur très important de l’équipe, Christian Fassnacht, encore un élément offensif majeur, Michel Aebischer, jeune milieu de terrain qui monte en puissance depuis le premier titre en 2018, Guillaume Hoarau, l’ancien attaquant parisien est devenu une machine à but et adoré des supporters malgré une saison 2019-2020 durant laquelle il a beaucoup moins joué, Jean-Pierre Nsamé, le serial buteur de 2019-2020, et enfin Roger Assalé.

Tous ces joueurs ont un point commun : celui d’avoir contribué activement aux trois titres. Ils illustrent parfaitement le très bon recrutement de Christoph Spycher et l’équilibre trouvé par Hütter et Seoane.
Le déclin du FC Bâle
Tout cela n’aurait pas été possible si le meilleur club suisse du XXIe siècle n’avait pas failli. Depuis trois ans, le club aux vingt titres de champion a beaucoup de mal. La faute à plusieurs facteurs. Un moins bon recrutement, des joueurs moins talentueux, de moins bons entraîneurs ainsi qu’une nouvelle présidence. Les Young Boys de Berne ont parfaitement joué le coup, car, les bernois surfent sur une dynamique diamétralement opposée. Celle sur laquelle Bâle surfait depuis plus de 10 ans. Les rôles se sont inversés, mais pour combien de temps ?

In fine, les Young Boys ont joui depuis trois saisons de circonstances favorables, mais ont surtout géré parfaitement le club à tous les étages. En quelque sorte, ils réussissent à dominer le football suisse de la même manière que le faisait le FC Bâle depuis les années 2000. Ce modèle du bon recrutement et de la bonne revente fonctionne parfaitement dans un championnat comme celui de la Suisse, mais jusqu’où ira les Young Boys de Berne ?
(Crédits photo de couverture : leamtin.ch)