Et si ce soupçon de réussite qui manquait à Izaia Perese était enfin là ? Et si, après des déboires toujours plus grands depuis son arrivée dans le rugby à XV, le joueur pouvait enfin montrer son talent au monde ? Pour le second centre un peu moins inconnu en France aujourd’hui qu’au début de la saison, la vie, à tout juste 24 ans, lui a déjà réservé beaucoup de surprises. A Bayonne la greffe n’a pas pris mais pour le première fois dans sa jeune existence, le joueur a su rebondir positivement. Et Izaia retrouvera la France avec l’équipe nationale australienne pour les tests d’été, comme un pied de nez, mais sans aucune rancœur.
Diamant à polir
Comme beaucoup de petits australiens, Izaia Perese commence le sport par le footy (ou football australien) et le rugby à XIII. De par ses qualités naturelles, il arrive à se faire une place dans les lignes arrières des différentes équipes qu’il côtoie. Originaire de Brisbane dans le Queensland, Izaia développe ses fondamentaux rugbystiques dans les écoles de rugby de la ville, puis continue de jouer au rugby à XIII pour son lycée en banlieue de Brisbane. En 2013, Perese démontre tout son talent dans ce sport et est sélectionné dans l’équipe U16 de Rugby à XIII du Queensland. C’est en 2014 que le joueur connaît ses premiers émois avec le rugby à XV dans son nouveau lycée l’Anglican Church Grammar School, établissement qui a notamment vu passer un certain Quade Cooper. Cette année-là, Izaia est sélectionné dans l’équipe U18 Australienne de rugby à XV, après seulement une année complète dans ce sport. A partir d’ici tout s’accélère pour le centre australien qui, dès 2015, joue pour le Queensland dans le NRC puis rejoint la franchise des Queensland Reds dès l’année suivante, ce qui lui ouvre les portes de la compétition majeure de l’hémisphère Sud à tout juste 18 ans. L’australien ne s’arrête pas là et en 2017 il est appelé en sélection pour le Rugby Championship. Il n’honore aucune cape cependant ne jouant pas pendant la compétition.
Izaia Perese est l’archétype du joueur ayant balayé les deux rugby à XIII et à XV. Du haut de son mètre 80 et avec 91 kg sur la balance, le centre australien est une véritable boule de muscle. Son style de jeu est hyper physique et basé sur le duel frontal face à son adversaire direct, que ce soit offensivement ou défensivement, comme on le retrouve dans le XIII. Izaia excelle au contact, cherchant toujours à casser les placages, souvent avec succès ou à asséner de gros caramels, souvent avec succès aussi. Cette puissance il l’a couple à merveille avec un jeu de jambes brillant. Ainsi Perese peut aussi jouer à l’aile d’une attaque. A ce poste il a travaillé son explosivité et sa vitesse mais aussi sa technique. Pas de l’oie, crochets et « spins » sont à l’honneur dans sa palette. Enfin le néo-bayonnais a un gros moteur, capable de répéter les actions intensément tout le long de la partie. Il a toujours à cœur de tout donner chaque fois qu’il touche le ballon. Son style de jeu lui vaut d’être comparé à un ancien joueur australien des Queensland reds : Digby Ioane. Son ancien coach, Nick Stiles, déclare même « Il est tellement physique et intense dans tout ce qu’il fait que ça me rappelle un jeune Digby ». Pour arriver au niveau de Ioane « Izzy » a encore du chemin à faire. Il doit notamment parfaire son jeu de passe, se complaisant encore trop dans ses facultés de un contre un qui en Top14 ne peuvent pas faire que des miracles. Au rugby à XV Izaia Perese a joué 17 matchs professionnels avec les Queensland Reds, pour un total de 4 essais.
« Il a cette intensité naturel, il a aussi un bon état d’esprit et une attitude remarquable à l’entraînement. Il se développe très bien. »
Michael Cheika à propos de Izaia Perese.
Le challenge (raté) bayonnais :
Dernière recrue du mercato basque lors de l’intersaison 2020, Izaia était un point d’interrogation. En disgrâce dans son pays (vous le verrez par la suite), le centre a tenté de relancer sa carrière en Top14 pour enfin montrer son talent à la multitude. Malheureusement pour l’équipe et le joueur, ce qui pourrait être une belle histoire d’amour est devenu un calvaire.
Avant son arrivée sur les terrains du Top 14, cela faisait maintenant plus d’un an qu’Izzy n’a plus joué au rugby à XV. Durant cette année de césure, le centre n’avait pas prévu de se tourner les pouces en éprouvant les terrains de la NRL avec le club des Brisbane Broncos, après une remise au XIII avec l’équipe B du club. Un retour au source bienvenue pour Izaia, mais incompréhensible pour le monde du Rugby à XV, qui qualifia ce transfert de choquant, tant le joueur avait tout pour réussir. Tout ne s’est cependant pas passé comme prévu pour l’ancien international U20 australien. En effet, il n’a joué que 2 matchs avec les Broncos. Et ce n’est pas le Coronavirus qui stoppa sa saison, mais une arrestation. Le joueur s’est fait contrôler par la police australienne qui a retrouvé sur lui des substances récréatives dangereuses. Le club à immédiatement mis à pied Izzy, lui interdisant quelconques matchs et entraînements avec le groupe professionnel. Mais Izaia sait qu’il a fait une erreur et le reconnaît publiquement tout en plaidant coupable devant le tribunal et assumant sa peine de 100h de travaux d’intérêts généraux.
« Nous avons discuté avec Izaia de sa mise à pied et du raisonnement que nous avons eu vis-à-vis de cela et il comprend les mesures que nous avons prises. »
Brisbane Broncos CEO Paul White.
Le joueur a un potentiel énorme et après un temps d’acclimatation, à nouveau au XV et au championnat français, il devait avoir un rôle important à jouer dans l’équipe bayonnaise qui manquait clairement de puissance dans le centre du terrain. Comme le disait Yannick Bru, qui se voulait rassurant, “Izaia n’est pas un pari mais un challenge que nous devons réussir”. Bru était conscient de la qualité du joueur qu’il a recruté et croiyait en ses facultés. Cependant, le vrai challenge pour l’Aviron Bayonnais restait l’objectif d’équipe pour la prochaine saison : se maintenir en Top14. Izaia n’a rien coûté aux Bayonnais et ne pouvaitt apporter qu’une plus-value dans cette quête. Et puis qui sait, avec un peu de réussite et un bon encadrement le joueur pouvait devenir une pépite du championnat français, avant de partir reconquérir son pays. Il n’en sera rien.
“On a recruté un jeune joueur avec un très gros potentiel. On pense qu’on peut le transformer en une vraie force pour l’équipe.”
Yannick Bru à propos du recrutement d’Izaia Perese.
Le rebond tant attendu
Le bilan rugbystique de Perese sur les bords de la Nive et de l’Adour est consternant. Le joueur à haut potentiel n’a joué que 5 match avec l’Aviron, noircissant sa feuille statistique avec deux cartons jaunes et quelques coups d’éclat individuels. Mais le bilan comptable n’est pas le seul à être mauvais. Malheureusement, Izaia Perese, comme beaucoup de joueurs de l’hémisphère Sud, ne s’est jamais acclimaté à la France. Tout commença avec une blessure au genou qui l’écarta des terrains. Et le terrain, c’est bien le seul endroit ou Izaia se sentait chez lui. Ce sera le point de départ d’une descente aux enfers psychologique dont le jeune australien n’arrivera pas à remonter. La cassure finale interviendra avant Noël, après un match contre le Stade toulousain perdu, où, d’après la presse, Izaia Perese aurait été hospitalisé après une ingestion massive de médicaments couplé à de l’alcool. Même si le club basque démentit ces mots. Izaia ne revint jamais à Bayonne et partit rejoindre sa famille et surtout sa fille dans son pays, l’Australie.
C’est probablement ce qui aurait pu arriver de mieux à Izaia. Ce retour chez lui, lui ouvre les portes des Waratahs. Le club australien, engagé dans le SuperRugby est définitivement à la recherche de talents pour son effectif qui a vu partir ses stars les unes après les autres pour diverses raisons (Folau, Hooper…). Dans ce pays qui l’a pardonné de ses frasques passées, Perese s’impose à son poste naturel de second centre. Il retrouve son jeu, son rugby et sa santé. Et aux diables les résultats désastreux de l’équipe, du moment que Perese prend du plaisir sur le terrain le reste est anecdotique. Résultat : 9 matchs, 9 défaites, mais des actions remarquées et remarquables dans son style caractéristique.
Ces prestations individuelles se font remarquer. Ces coéquipiers et coachs commencent petit à petit à élever la voix pour prôner l’éthique, la puissance, et l’apport que pourrait avoir Izaia Perese dans la sélection. Bref une campagne est lancé pour offrir cette opportunité au joueur de 24 ans. Dave Rennie à les oreilles qui trainent, les yeux aussi et semble être, comme beaucoup de spectateurs, tomber sous le charme du dynamique Perese. Il ne tarit pas d’éloges le joueur “Il a été excellent (cette saison ndlr.) […] On voulait qu’il joue bien, qu’il gagne le droit d’être appelé en sélection et il l’a fait. Il a été très fort. Nous sommes vraiment excités.” Et oui, même si sur son dernier match, Izaia est sorti blessé à une épaule, son niveau de jeu est tel qu’il a eu le droit à son appel en sélection ce dimanche 13 juin. Une rédemption, une consécration, une bénédiction pour un joueur déjà passé par beaucoup trop d’émotions.
C’est donc un joueur blessé mais enfin heureux, qui restait sur une affaire de drogue et de dépression, qui se présentera en sélection nationale. Un joueur qui a trouvé une rédemption non pas en France comme on aurait pu l’espérer, mais bien en Australie, après des choix de carrière et de vie qui l’ont mis en porte-à-faux à maintes reprises. Izaia est un exemple d’abnégation et de travail, un jeune homme avec une expérience impressionnante. Et le centre australien n’a pas encore montré toute l’étendue de son talent au monde. Pourquoi pas contre la France ?