L’Atalanta Bergame est l’équipe la plus en vogue cette saison. Les Lombards proposent un des plus beaux football d’Europe et se retrouvent 2ème attaque la plus prolifique avec 98 buts derrière Manchester City et ses 102 buts en championnat. Seulement, les moyens de ces deux clubs ne sont pas exactement similaires. City lâche autour de 200 millions chaque saison pour se renforcer alors que l’Atalanta dépense autour de 55 millions d’euros en moyenne sur ces trois dernières saisons. Alors comment un club italien moyen (stade de 22 000 places et un seul trophée, une coupe d’Italie en 1963) peut-il réussir à se retrouver en quarts de Ligue des Champions? Cette question possède deux réponses principales : un entraîneur accomplissant des miracles, Gian Piero Gasperini, et une cellule de recrutement exceptionnelle.
Recruter dans les championnats mineurs
Metalist Kharkhiv, FC Lucerne, Heracles Almelo, Ludogorets Razgrad, SC Heerenveen. Voici quelques clubs chez lesquels l’Atalanta a pu recruter lors de ces cinq dernières années. Ces équipes, inconnues pour le grand public, évoluent toutes dans des championnats de qualités inférieurs, le meilleur d’entre eux est le championnat néerlandais, 10e à l’indice UEFA, où évolue Almelo et Heerenveen (le Metalist Kharkiv, club ukrainien, a disparu en 2016). Recruter principalement dans ces championnats présentent des risques pour les clubs qui prennent des joueurs brillants face à une adversité moins bonne et parfois ne réussissant pas à s’adapter au niveau des grands championnats. Malgré ces difficultés, l’Atalanta réussit depuis 5 ans à éviter ce risque et à faire briller des joueurs provenant de ces championnats. Huit joueurs actuellement utilisés par Gasperini sont arrivés au club de cette manière pour des sommes souvent dérisoires.

Les pistons Gosens (900 000 euros) et Hateboer (1 million) sont arrivés tout deux à l’été 2017 depuis le championnat néerlandais, respectivement depuis Almelo et Groningue. 2 ans auparavant, c’est le milieu de terrain Marten de Roon qui a signé pour 1,3 million au club depuis Heerenveen. Depuis le voisin belge, ce sont Castagne (été 2018) et Malinovsky (été 2019) qui ont signé du KRC Genk pour 21 millions cumulés, club tout aussi réputé pour son recrutement que l’Atalanta. Le championnat suisse n’est pas en reste puisqu’il a aussi produit des talents pour la Dea : Djimsiti (libre, Zurich) et Freuler (2 millions, Lucerne) ont été enrôlé au mercato d’hiver 2016. Enfin, c’est depuis le championnat bulgare et son club phare Ludogorets que le défenseur José Luis Palomino a été acheté en 2017 pour 4,5 millions. Alejandro “Papu” Gomez, recruté pour la même somme depuis l’Ukraine en 2015 est en quelque sorte un profil hybride entre les deux façons de recruter de l’Atalanta puisqu’il a évolué en Série A à Catane avant d’échouer en exil au Metalist Kharkiv et de revenir à moindre coût en Lombardie.
Former et relancer des joueurs de Série A
L’autre axe de recrutement principal du club bergamasque est de relancer des talents en manque de temps de jeu ou de rythme en Série A pour lesquels les dirigeants lombards estiment qu’ils méritent une seconde chance. Plusieurs grands noms de l’effectif actuel sont arrivés de cette manière au club. Des éléments clés de l’attaque comme les Colombiens Zapata (26 millions, Sampdoria) et Muriel (20 millions, depuis Séville après deux prêts à la Sampdoria et à la Fiorentina) sont des joueurs ayant enfin trouvé un point de chute et que Gasperini réussit à sublimer cette saison avec 18 buts chacun en Série A. Le slovène Josip Ilicic a débarqué en Lombardie depuis la Fiorentina en 2017 pour 5,75 millions. Le gardien Pierluigi Gollini est aussi un ancien pensionnaire de Série A, recruté d’Aston Villa pour 3,8 millions, après un passage à l’Hellas Vérone. Le défenseur Rafael Toloi était passé par la Roma en prêt en 2014/2015 avant un transfert définitf de Sao Paulo à l’Atalanta pour 4 millions en juillet 2015.

Tous les noms cités pour l’instant ont coûté 95 millions au club et sont pourtant des éléments importants voire clés d’un effectif disputant un quart de Ligue des Champions. Mais surtout, ces 95 millions ne sortent pas de la poche d’un investisseur mais sont les fruits des très belles ventes de l’Atalanta. Le club mise sur sa formation et cela paie. Des joueurs comme Bastoni (vendu pour 31 millions à l’Inter), Gagliardini (vendu 22,5 millions au même club) ou Andrea Conti (vendu 24 millions au Milan AC) sont tous les trois formés au club et ont contribué indirectement au succès de celui-ci. Ajoutant à cela la vente de Kessié pour 32 millions à Milan alors qu’il avait été acheté pour 1,5 million en Côte d’Ivoire ou celle de Dejan Kulusevski, acheté 165 000 en Suède et revendu 35 millions à la Juventus en janvier 2020, le club dégage un excédent chaque été depuis 2014 (sauf en 2018/2019). L’excédent total sur la marché des transferts sur la période 2014-2020 est de 86 millions d’après Transfermarkt. Cet argent permet au club de rénover actuellement son stade pour le mettre aux normes pour accueillir la Ligue des Champions et de continuer à dépenser intelligemment selon ces deux méthodes avec les recrutements de Mario Pasalic (15 millions, Chelsea prêté au Spartak Moscou la saison dernière) et Davide Betella (7 millions, jeune espoir de l’Inter actuellement en prêt à Monza).
De nombreux clubs de Ligue 1 devraient s’inspirer du modèle mis en place par la Dea ces dernières années. Le club lombard est un des rares clubs dont le recrutement ne dépend d’un lobbying exercé par un ou des agents aux pouvoirs excessifs sur certains clubs. L’Atalanta a désormais les cartes en main pour se pérenniser dans le haut de tableau de la Série A grâce à son stade rénové et son centre de formation de qualité. Rajeunir l’effectif actuel tout en conservant Gasperini se doit d’être la priorité pour ce club qui est un modèle de travail dans le monde du football actuel.
Crédits de la photo de couverture : Paolo Magni/EPA.