Ce samedi 15 août 2020 n’était pas un jour férié pour tout le monde ; à Lisbonne Citizens et Lyonnais ont joué ce soir le dernier quart de finale de ce Final 8 de Ligue des Champions dans un Estadio José Alvalade vidé de ses habituels 50 000 spectateurs. Cet ultime match voyait se faire face deux équipes aux profils très différents : à l’ogre mancunien de Pep Guardiola était opposé un Olympique Lyonnais sans grandes certitudes après une saison plus que mitigée, mais sublimée par son succès face à la Juventus de Turin. Suffisant pour faire flancher City?
Continuité d’une part, innovation de l’autre
Cette qualification acquise contre le champion d’Italie était encore dans les têtes lyonnaises et surtout dans celle de Rudi Garcia qui décide de reconduire le même 11 qu’il y a huit jours au Juventus Stadium. Devant Anthony Lopes, la défense à 3 (ou à 5) est de nouveau alignée. Ce système « à géométrie variable » comme le qualifie Garcia devait permettre à Cornet de faire parler son endurance et ses qualités offensives. Au milieu, Aouar et Caqueret sont chargés de créer du jeu et de suppléer le duo d’attaquant Depay/Toko-Ekambi. Moussa Dembélé n’est toujours pas titulaire, une absence que le coach lyonnais justifie au micro d’RMC Sport : « Karl est plus polyvalent, il peut jouer dans l’axe et sur le côté. Moussa pourra apporter sa puissance en cours de match, les solutions viennent souvent du banc pendant ce Final 8. Les 5 qui vont rentrer seront très importants. »

Face à eux, Guardiola innove et surprend. Le technicien espagnol aligne lui aussi trois défenseurs centraux : Laporte et Garcia entourent le vétéran brésilien Fernadinho. Devant eux, Rodri et Gundogan mettent sur le banc David Silva afin de renforcer physiquement l’entrejeu. Kyle Walker et Joao Cancelo prennent place dans des rôles de piston sur les côtés. Le principal poison des Skyblues est évidemment présent : Kevin De Bruyne est titularisé, à droite sur le papier, aux côtés de Gabriel Jesus et Raheem Sterling. Les 3 attaquants incarnent une menace offensive phénoménale, qui pourra être renforcée en cours de match par Bernardo Silva, Phil Foden ou encore Riyad Mahrez, tout trois sur le banc de touche.

Guardiola s’est trompé…
Le match commence sur des bases lentes. Manchester City semble supérieur et Sterling ne met que trois minutes à s’illustrer sur son côté gauche. Il faut un retour inspiré de Marçal pour éviter aux Lyonnais une entame catastrophe. Rapidement, les débats s’équilibrent et les joueurs de Rudi Garcia trouvent des espaces dans le dos de la défense des Skyblues. Karl Toko-Ekambi est régulièrement lancé, mais ne trouve pas d’opportunités en première intention. Dans un début de match où aucune des deux équipes n’a le contrôle du cuir, l’intensité monte progressivement et il faut attendre la demi-heure de jeu pour voir les deux équipes mettre plus d’agressivité dans les duels, à l’image de l’opposition entre Maxwel Cornet et Kyle Walker sur le côté gauche lyonnais. Une montée en tension qui s’explique par l’ouverture du score de… Maxwel Cornet, encore lui, à la 24ème minute. Sur un nouveau ballon en profondeur destiné à Toko-Ekambi, la défense de Manchester City est en retard et Eric Garcia ne peut que dégager maladroitement sur l’Ivoirien qui inscrit son quatrième but face à Pep Guardiola. Une frappe de l’extérieur de la surface qui contourne un Ederson ayant trop anticipé son duel avec Toko-Ekambi.
Si les Lyonnais s’appuient sur des longs ballons dans le dos des défenseurs mancuniens, il en est de même pour leurs adversaires du soir. Raheem Sterling est de plus en plus cherché et trouvé par ses coéquipiers et notamment Joao Cancelo. Léo Dubois a beaucoup de mal à contenir les actions dans son couloir, et Jason Denayer s’échine à maîtriser le virevoltant ailier anglais, avec plus ou moins de réussite. Guardiola s’agace, parle, mais son équipe ne parvient pas à surpasser l’OL. Kévin de Bruyne cherche les ballons mais est surveillé de très près par tous les yeux lyonnais. Il lui faudra attendre les cinq dernières minutes du premier acte pour peser un peu plus sur ce match et délivrer quelques bonnes passes dont un extérieur délicieux pour Raheem Sterling qui bute sur l’inépuisable Cornet, revenu défendre. Si De Bruyne est muselé durant une bonne partie de cette première mi-temps, il n’en est pas de même pour Houssem Aouar. Rayonnant, le milieu de terrain lyonnais est le principal créateur d’un OL qui se bat avec ses armes. En menant 1-0 à la pause, les Lyonnais réalisent une prestation sérieuse et cohérente.

… donc Guardiola se corrige
A la reprise, Manchester City ne lâche plus le ballon. Le premier quart d’heure est surdominé par les Citizens qui trouvent plus Kévin De Bruyne. Son homologue lyonnais, Houssem Aouar est lui moins influent et ne parvient plus à initier des actions dangereuses. Anthony Lopes doit s’employer pour renvoyer un coup-franc frappé par le meneur belge qui peut compter sur Riyad Mahrez, entré à la 56ème minute, pour renforcer l’animation offensive mancunienne. Passés en 4-3-3 pointe haute, les hommes de Guardiola affichent un tout autre visage qu’en première période. Ce changement tactique porte ses fruits de suite. Ultra dominateurs, les hommes de Pep Guardiola squattent le camp lyonnais. L’entrant Mahrez ne tarde pas à se mettre en lumière, et après quelques actions sur son côté droit, c’est au coeur du jeu qu’il lance Raheem Sterling en profondeur. Sur la gauche du terrain, Sterling se joue de Denayer, et ajuste un centre en retrait millimétré pour De Bruyne lancé. Le Belge ajuste Lopes d’un plat du pied parfait. 1-1.
Les Citizens ont repris le match en main, Guardiola a effectué un changement inspiré et Kévin De Bruyne retrouve son habituel rayonnement. A ce moment-là du match, les présages ne sont pas bons pour l’OL. Mais Rudi Garcia procède lui aussi à des remplacements cruciaux. Guimaraes, en partie responsable de l’influence grandissante de KDB laisse sa place à Thiago Mendes. Léo Dubois, en difficulté tout le match est remplacé par Kenny Tété. Enfin, Moussa Dembélé entre en jeu à la place du capitaine Memphis, discret et peu inspiré. Le reste appartient à l’Histoire.
Garcia n’en demandait pas tant
Malgré ce but égalisateur et ces vagues bleues ciel, les Lyonnais continuent de croire en leur chance et ne déroge pas à leur tactique. Sur phases rapides, Aouar cherche ses attaquants qui jouent avec le hors-jeu. A la 79ème minute, Maxence Caqueret intercepte un ballon qu’Houssem Aouar expédie rapidement dans la course de Karl Toko-Ekambi. Hors-jeu, l’attaquant lyonnais laisse passer le ballon entre ses jambes pour permettre à Moussa Dembélé de le jouer. Le nouvel entrant frappe sur Ederson quine parvient pas à sortir le cuir, qui termine sa course de manière hasardeuse et heureuse dans les filets de City. Moins de dix minutes plus tard, Moussa Dembélé s’offre un doublé historique et donne raison à Rudi Garcia : « Moussa pourra apporter sa puissance en cours de match, les solutions viennent souvent du banc ». Les cinq minutes de temps aditionnel n’y changeront rien, Lyon tient son exploit.

Comme face à la Juve, Lyon a réalisé une première mi-temps sérieuse et a ouvert le score. Comme face à la Juve, les Lyonnais ont ensuite subit. Mais ce soir, Rudi Garcia a su répondre aux choix plus que contestables de Pep Guardiola. En se privant de joueurs créatifs et techniques au coup d’envoi, le Catalan a mis son équipe sur de mauvais rails. Sans repères, les Citizens sont d’abord tombés dans le piège de l’agressivité avant de subir les éclairs des attaquants lyonnais, opportunistes et réalistes devant la cage d’Ederson. Houssem Aouar a réalisé une performance de taille malgré un trou d’air au début de la seconde mi-temps.
Les clés du match
Sans aucun doute, ce match vient mettre un terrible coup à la crédibilité de Pep Guardiola. Vu comme l’un des meilleurs entraîneurs du monde, le coach espagnol de Manchester City se distingue ces dernières années par des choix étonnants lors des matchs à élimination directe. En se privant de David Silva (entré à la 87ème), de Foden, de Bernardo Silva, Guardiola a déstabilisé son effectif et a cruellement affaibli son milieu de terrain trop souvent sauté au moment de se projeter axialement. Les largesses laissées dans le dos de la défense étaient trop criantes. En face, Rudi Garcia avait annoncé son plan: profiter des moindres brèches laissées par les Skyblues et faire rentrer des joueurs capables d’apporter de la puissance. Les matchs XXL d’Aouar et de Cornet illustrent le visage européen de Lyon, une équipe capable de faire preuve de génie. Moussa Dembélé gagne son trophée d’Homme du match grâce à son doublé tout en puissance.
Lyon accède aux demi-finales après un exploit retentissant. En punissant Pep Guardiola, Rudi Garcia et ses hommes offrent à leurs supporters une fierté incommensurable. Pleins de valeurs et de courage, les coéquipiers de l’imprévisible Maxwel Cornet affronteront le Bayern Munich, comme en 2010. Les Bavarois en avaient collé 4 aux Rhodaniens il y a 10 ans et viennent d’humilier le Barca (8-2 hier soir). Une montagne qui semble insurmontable pour les Lyonnais, mais comment ne pas se prendre à rêver après une telle victoire?