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Pourquoi reconduire le “Final 8” est une mauvaise idée ?

À l’occasion de cette saison très particulière en raison de la crise actuelle du COVID-19, les organisateurs de la Ligue des Champions ont dû innover. Suspendue en mars dernier, comme l’ensemble des compétitions de football, la plus prestigieuse des compétitions a fait son grand retour au mois d’août, sous la forme d’un tournoi à élimination directe. Les huit équipes qualifiées pour ce tournoi se sont donc retrouvées à Lisbonne. Et le Bayern a été sacré après sa victoire en finale face au PSG (1 – 0). Mais désormais, avec du recul, peut-on réellement se réjouir d’une possible pérennisation de ce “Final 8” ? Voici quelques éléments de réponse.

Partons du fait qu’il faut rendre à César ce qui est à César. En effet, ce “Final 8” a été une réussite, voire une très belle. Avec des scénarios alléchants, comme ce 8 – 2 infligés par les joueurs du Bayern au Barça, ce tournoi a tenu toutes ses promesses. Au point même d’envisager une reconduction du tournoi dans un futur proche. Le président de l’UEFA, Aleksander Ceferin, est le premier à envisager cette idée “Nous avons été forcés de le faire, mais en fin de compte, on réalise qu’on a quelque chose de bien“. Le débat est bel et bien ouvert. Mais ne se réjouit-on pas trop vite de la réussite de ce tournoi ? Une reconduction du “Final 8” ne met-elle pas finalement fin à la magie de la Ligue des Champions ?

Un format “plus excitant”, vraiment ?

C’est l’argument numéro 1. Reconduire un tel format permettrait de voir plus de scénarios improbables. À l’image de la défaite de Manchester City face à Lyon, en quart de finale (1-3). Autrement dit, donner plus de possibilités aux “petites” équipes de battre les “grosses” , car sur un simple match aller, l’exploit semble plus plausible. Malgré tout, cette idée qu’une seule confrontation permettrait d’avoir des rencontres “plus excitantes”, ne s’avère pas forcément évidente …

Car, si on se replonge dans les archives de la Ligue des Champions, on remarque que les plus grosses surprises proviennent des matchs à doubles confrontations. Ces fameuses “remontada“, où l’équipe victorieuse renversait la situation au match retour. On peut faire référence à ce fameux 6-1 du FC Barcelone contre le PSG alors que le club de la capitale avait remporté le match aller 4 buts à 0. Un an plus tard, le club catalan a lui aussi été victime d’une remontada face à l’AS Rome, lors de la saison 2017-2018 (4-1 ; 0 -3 pour l’AS Roma).

Ces scénarios complètements renversants se sont montrés récurrents ces dernières années. Et pour cause, les équipes qui jouent à l’extérieur au match retour jouent crânement leurs chances. Lors de la saison 2018-2019, on a pu constater autant de succès à domicile qu’à l’extérieur avec environ 39.5 % de victoires (et 21 % de matchs nuls). Ces doubles confrontations rendent plus que possible le spectacle, autant qu’une simple rencontre.

Le Barcelonnais, Sergi Roberto, auteur du dernier but lors de la Remontada face au PSG (Crédits: FranceFootball)

La modernité au profit de la tradition

Dans un monde où tout va vite, souvent trop, on peut se montrer dubitatif à certains changements. C’est le cas, cette fois-ci encore ! En effet, si jamais le tournoi était amené à être reconduit, on pourra évoquer une véritable coupure entre “l’ancienne” Ligue des Champions et la “nouvelle”. C’était déjà le cas cette année. Car même si une victoire reste une victoire, certains supporters jugent qu’elle n’a pas la même saveur. Bizarrement, les Marseillais étaient globalement de cet avis là …

Retirer les matchs à double confrontation, c’est enlever en quelque sorte l’esprit de la Ligue des Champions. On se rapproche alors considérablement des matchs de Coupe du monde. Pourquoi créer quelque chose qui existe déjà ? De plus, on priverait les supporters de grands matchs dans leurs enceintes. Car, comme ce qui a été fait cette année ou comme lors d’une Coupe du Monde, une ville serait désignée pour accueillir l’ensemble des rencontres. Autrement dit, comment expliquer aux supporters qu’ils devront se déplacer (si la situation le permet) dans une seule et unique ville pour encourager leur propre équipe ? Que les réceptions à domicile seront désormais terminées ? Ou bien que les déplacements dans des stades aussi extraordinaires que le Camp Nou ou encore l’Allianz Arena seront plus possible ?

L’aspect financier et les droits télés

Dans le foot, on ne peut malheureusement pas passer à côté. Le football rapporte gros, la Ligue des Champions encore plus. C’était d’ailleurs un des enjeux les plus importants cette saison : terminer la Ligue des Champions pour récupérer l’argent des droits TV. “La Ligue des champions est la compétition qui rapporte le plus d’argent à l’UEFA” expliquait Kieran Maguire, spécialiste de l’économie du football, au journal L’Equipe.

Logiquement, si les doubles confrontations venaient à disparaître, les droits TV seraient moins importants. Une goutte d’eau dans l’océan, diront certains. Malgré tout, cette perte resterait conséquente, surtout après la crise liée au COVID-19. En effet, depuis une vingtaine d’années et l’explosion de ces droits TV, la Champions League est devenue un véritable moteur du développement économique des clubs. À cela s’ajoutent les pertes liées à la billetterie. Les clubs ne pourraient plus bénéficier des recettes lors d’un match à domicile (prix d’une place, buvettes, produits du club …). Bref, une mauvaise opération financière pour les clubs, qui ne verront sans doute pas d’un bon œil la reconduction du tournoi.

Un problème au niveau du calendrier

Ce sera sans doute la raison de la non-reconduction du “Final 8”. En effet, pour mettre en place un tel tournoi, il faut de l’argent, mais aussi … du temps. Les équipes qualifiées doivent être réunies ensemble, à la même période, pour une quinzaine de jours. Mais à quelle période ? L’année, les championnats restent la priorité tandis que l’été est réservé aux tournois internationaux.

“Je doute qu’avec le calendrier actuel, nous puissions faire un Final 8 parce que cela prendrait trop de temps” – Alexander Ceferin, président de l’UEFA

Alors comment régler le problème ? Alexander Ceferin se laisse le temps pour réfléchir “Mon opinion personnelle est que nous devons discuter avec les parties prenantes pour rendre nos compétitions encore plus attractives. Mais je ne sais vraiment pas dans quelle direction il faut aller. Nous déciderons d’ici à la fin de l’année ou au début de l’an prochain“. En attendant, la Ligue des Champions reprendra ses droits de manière habituelle, avec ces doubles confrontations. Du moins, l’année prochaine … En espérant que le COVID-19 nous laisse tranquille !

Que l’on soit d’accord ou pas, cette idée à le mérite d’amorcer un débat. Pour autant, ne faut-il pas continuer d’associer ce tournoi au contexte singulier de cette saison ? Tout en songeant à ce que ce dernier apporte certaines améliorations à la compétition. Par exemple, réfléchir à la sauvegarde ou non de la règle du but à l’extérieur. Autrement dit, améliorer ? Oui, avec plaisirs ! Bouleverser ? Non …

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