Malgré ses 204 cm et 110 kilos, c’est peu de dire que Daniel Theis n’est pas le joueur le plus connu des Boston Celtics. Pourtant l’Allemand est devenu starter, cette année, après 3 ans dans la ligue, d’une franchise ambitieuse de la conférence Est. Alors qu’il est souvent décrié par les spécialistes comme un maillon faible de l’équipe la plus titrée de la NBA, Brad Stevens ne cesse de louer le travail de son pivot titulaire. Pourquoi une telle dichotomie ?
Un homme de l’ombre
Il est arrivé dans le Massachussetts dans une quasi indifférence générale en 2017, pourtant Theis n’était pas un inconnu au niveau européen. Avec Bamberg, il a connu la joie des titres de champion d’Allemagne par 3 fois et de la victoire en coupe d’Allemagne en 2017. A titre individuel aussi, le natif de Salzgitter s’est fait remarquer : meilleur jeune en 2014, MVP allemand du championnat en 2016 et meilleur défenseur de Bundesliga en 2017. Solide.
En France, le grand public, apprend à connaitre Theis lors de l’Eurobasket 2017. Il est l’artisan majeur de l’élimination de l’équipe de France en huitièmes de finales avec 22 points, 7 rebonds et un coquet 26 d’évaluation. Il rejoindra Boston après une élimination de la Mannschaft au tour suivant face à l’Espagne en quarts.
L’arrivée de Theis s’est faite à bas bruit en NBA. En effet, lors de cette intersaison, les Celtics avaient frappé fort, jugez plutôt : draft de Jason Tatum, arrivé lors de la free agency de Gordon Hayward, puis le trade amenant Kyrie Irving au TD Garden. Peu de place pour prendre de la lumière pour l’intérieur allemand. Une intégration en douceur dans une saison 2017/2018 collectivement aboutie, l’intérieur arrive à jouer 15 minutes de temps de jeu par match malgré les présences dans le roster d’Al Horford, Aaron Baynes ou encore Greg Monroe. Daniel Theis réussit une adaptation expresse, et arrive à mettre ses qualités athlétiques et de défense au profit de l’équipe de Brad Stevens. Même si les stats ne sont pas folles (5 pts 4 rebonds 1 passe 1 contre de moyenne), sa polyvalence plait. Utilisé aussi bien en poste 4 à côté du bûcheron australien Aaron Baynes, qu’en poste 5 par séquence small ball, il répond présent, assume son rôle, se fond dans le collectif.
La saison 2018/2019 est une saison noire pour les C’s. Malgré un bilan correct (49 victoires pour 33 défaites), cette équipe ne convainc personne, minée par une ambiance de vestiaire douteuse, des rumeurs de trade et des joueurs qui ne semblent pas franchement épanouis à l’instar de Kyrie Irving. Dans ce marasme collectif, Theis marque lui aussi le pas, statistiques individuelles en léger déclin, matchs manqués suite à une blessure au genou, bref on a connu meilleure année pour un sophomore. Cet exercice au gout amer se terminera pour Boston par une quasi exécution en demi-finale de conférence face aux Bucks 4-1.
The right man, at the right place, at the right moment
S’il y a bien eu un départ surprise lors de l’intersaison mouvementée des Celtics 2019/2020, c’est celui de Al Horford. Après l’échange d’Aaron Baynes lors de la draft 2019, il ne restait sur le poste d’intérieur plus que l’énigmatique Robert Williams III sous contrat. En manque de salary cap, les Celtics ont alors signé les deux pivots internationaux Kanter et Poirier après avoir prolongé l’international allemand de 2 saisons pour un total de 10 millions de dollars. Sans titulaire indiscutable au poste 5 sur le papier, c’est finalement Theis qui a pris la place de starter. Ce choix a toujours semblé être « par défaut ». D’ailleurs, dès qu’un pivot de NBA reconnu est annoncé partant d’une franchise, il ne faut généralement pas attendre longtemps pour qu’une rumeur l’envoie dans le Massachussetts (rien que cette année les noms d’Adams, Capela, Drummond et récemment Gobert ont circulé).
Dans une franchise qui a regagné en sérénité avec Kemba Walker en leader, Theis a été bon tout au long de la saison. Si on regarde les stats brutes, rien de très clinquant (9,2 pts en 25 minutes par match avec 6,6 rebonds 1,7 passe, 1,3 contre). Pour comprendre l’importance de Theis, il faut regarder les stats avancées. On le retrouve ainsi dans le top 20 de la ligue dans les catégories suivantes : offensive rating, defensive rating, blocks, blocks per game, blocks percentage, screen assists, offensive rebounds percentage, true shooting percentage, defensive box plus/minus et win shares per 48 minutes. Ajoutez à ça une 60 ème place à la Player efficiency rating est l’aperçu de la saison de l’ancien joueur de Bamberg est à la fois plus flatteur mais surtout plus juste. Ces stats avancées en disent long sur le profil du joueur, sa sobriété dans le jeu, ses qualités athlétiques et son sens du timing en défense ainsi que de son importance dans le Brad Stevens’ basketball. On retrouve aussi l’allemand dans une catégorie moins prisée avec une 8ème position pour ce qui est des fautes par match. Les fans de Boston semblent excédés par ce qui est à leurs yeux un acharnement du corps arbitral sur leur pivot titulaire. On retrouve souvent cette thématique sur les réseaux sociaux sous le nom de « War on Theis ». Il semble effectivement étonnant de le retrouver si haut dans ce classement, Theis n’étant pas connu comme un joueur ultra agressif. L’explication vient sans doute du fait que Boston est l’équipe qui switch le plus sur les écrans derrière la ligne à 3 points et que par conséquent il se retrouve à gérer beaucoup de missmatchs.
Des playoffs pour s’affirmer et confirmer
Theis doit continuer à justifier son statut de titulaire. A titre individuel, ce fut compliqué au premier tour face à Joel Embiid surtout défensivement. Le pivot camerounais a cumulé 30 pts 12 rebonds à 47 % sur les 4 matchs. D’une manière générale et malgré ses qualités, l’international allemand est souvent en difficulté face aux pivots puissants qui imposent un défi physique. Contre Toronto, Theis montre un autre visage pour le moment en cumulant 11 pts et 8,8 rebonds de moyenne. Un léger step up bienvenu pour espérer rejoindre le Miami Heat en finale de conférence. On regrettera juste pour l’instant son pourcentage indigeste à 3 points depuis le début des playoffs, 4/21, 19 % : c’est laid et bien loin de ses standards en carrière (34 %). Outre sa participation offensive en hausse, il continue d’être efficace défensivement. D’ailleurs lors des 5 premiers matchs face aux canadiens il avait le meilleur defensive rating de la franchise au trèfle avec 92,6 pts sur 100 possessions.
Daniel Theis est un joueur méconnu et sous coté, il a pourtant un rôle important pour la franchise du Massachussetts. Sans être un potentiel All star, Theis donne ses titres de noblesse au mot role player. Joueur qui rentre facilement dans la case « bon partout, élite nulle part » tout en étant régulier quelque soit le niveau, pour preuve la similitude entre ses statistiques en saison régulière et celles en Euroleague avec Bamberg sur la saison 16/17 (9,6 pts 4,6 rebonds 1 contre en 20 minutes). Si d’aventure Boston arrivait à rejoindre le dernier carré, pas certain que Danny Ainge ait comme chantier prioritaire la position de pivot lors de l’intersaison à venir…