Ce dimanche, à Liège, se déroule l’une des courses qui met la planète vélo en émoi. La doyenne. Membre du gang des “Ardennaises”. Liège-Bastogne-Liège est l’un des cinq monuments du cyclisme aux côtés de Milan-San-Remo, du Tour des Flandres, de Paris-Roubaix et du Tour de Lombardie (la « Classique des feuilles mortes »). Cerise sur le gâteau pour nous Français, ce sera l’occasion de voir pour la première fois notre Julian national en course avec le maillot arc-en-ciel sur le dos. Mais on parle là d’une des épreuves les plus courtisées du calendrier. Et s’il a bien fait de ce Liège l’un de ses objectifs principaux, la concurrence sera rude et les clients nombreux. Faisons un petit tour d’horizon.
LES GRANDS FAVORIS
Julian ALAPHILIPPE
Si on jette un regard en arrière sur la carrière du coureur, on peut noter une progression constante. D’abord longtemps placé sur les grandes classiques, déjà 2e de Liège-Bastogne-Liège en 2015, puis 2e à la Flèche cette même année. Il s’y classe à nouveau second en 2016, avant en 2017 de faire 3ème à Milan-San-Remo et 2ème au Tour de Lombardie. En 2018, il enclenche la dynamique de victoire et gagne la Flèche Wallonne et la Clasica San Sebastian. Avant de passer encore un cap en 2019 : victoire sur Milan-San-Remo (son premier monument), à la Flèche (de nouveau) et aux Strade Bianche. L’homme connaît l’histoire de son sport et est mu par l’envie d’y laisser sa trace. Il arrive donc à Liège ultra-motivé, revigoré par son titre de champion du monde fraîchement acquis, et on connaît trop bien ses qualités lui permettant de briller sur ces monuments vallonnés aux distances avoisinant les 260km. Il aura bien entendu “la pancarte” et une inconnue subsiste toutefois : aura-t-il récupéré physiquement, et mentalement, depuis le sacre à Imola dimanche dernier, et la fête qui a logiquement dû suivre ? Si c’est le cas, il est devenu un incontournable.

Marc HIRSCHI
Le coureur suisse est LA grande révélation de cette saison raccourcie 2020. On l’a d’ailleurs souvent vu avec Alaphilippe ces derniers temps par exemple sur le Tour de France, à Nice (2ème derrière Julian). Sur la Grande Boucle, on l’a encore vu à Laruns (3ème derrière Pogacar et Roglic après un numéro solitaire en tête) avant de s’imposer à Sarran ! Sans cette chute lors de la dernière étape de montagne, il aurait aussi probablement fini avec les pois à Paris. Puncheur, tempérament offensif, descendeur très habile, tout le rapproche du coureur français avec lequel il a donc souvent été aux prises ces dernières semaines. Ils expriment leur meilleur niveau sur des profils similaires. Le weekend dernier, on les a encore vus croiser le fer de leurs pédaliers sur le parcours des mondiaux en Émilie-Romagne. Finalement troisième derrière Alaf et Van Aert, cela n’a pas freiné l’élan du champion du monde espoirs 2018 qui s’est imposé avec une extrême aisance au sommet du mur de Huy mercredi. La seule chose qui pourrait potentiellement lui manquer dimanche serait un peu d’expérience après un passage professionnel en 2019… On le dit sans forcément y croire tant il grandit vite et tant cette jeunesse, à l’instar de Pogacar, arrive décomplexée et la bave aux lèvres. Mais ça peut compter. En tout état de cause : sérieux client.

L’INVITÉ DE DERNIÈRE MINUTE
Mathieu VAN DER POEL
Le coureur hollandais, champion des Pays Bas, est l’invité de dernière minute. Et non des moindres. Annoncé non partant au moment où on rédigeait cet article, il a depuis été l’instigateur d’un premier coup de théâtre : après une démonstration hier dans la dernière étape du Binckbank Tour, échappée solitaire de 50km, victoire à Grammont, et le classement général en poche, le petit fils de “Poupou” a décidé de venir jouer les trouble-fêtes sur la Doyenne. Coureur ultra-polyvalent, étincelant en cyclo-cross et VTT comme sur route, il est un nouveau paramètre venant peser sur la course. Vainqueur l’an dernier de l’Amstel Gold Race, première chronologiquement du triptyque ardennais, ce n’est pas n’importe qui et cela change la donne. Même s’il a peut-être un profil moins puncheur-grimpeur, plus taillé a priori pour les Flandriennes, il reste un coureur qui sait tout faire. Sans compter qu’avec ce parcours, la côte de la Roche-aux-Faucons (la dernière répertoriée) placée à 14km de l’arrivée, si ses adversaires ne parviennent pas à le sortir de la roue et qu’un petit groupe se présente pour la gagne, sa pointe de vitesse fera de lui un drôle de candidat… À moins qu’il anticipe tout cela et se projette seul à l’avant. Il a toutes les armes du vélo dans sa musette. Plus rien ne nous surprendrait avec lui. Reste à voir sa récupération après le numéro d’hier. Et comment il se comporte dans cette épreuve qu’il n’a encore jamais courue. Belle surprise en tout cas ! Sûrement pas pour tout le monde…
COUREURS À SURVEILLER DE PRÈS
Maximilian SCHACHMANN
Le coureur allemand de 26 ans est désormais un coureur référencé dans le peloton. On peut noter ces dernières années des places sur la Flèche Wallonne (8ème en 2018, 5ème en 2019) ou sur l’Amstel qu’il termine à la cinquième place en 2019. Sur la troisième marche du podium à Liège l’an dernier, Maximilian revient plein d’ambition et avec un bon niveau performance cette saison : podium aux Strade Bianche (3ème), et deux top 10 au Lombardie (7ème) et au Mondial (9ème). Il a les qualités naturelles, et les jambes sont bonnes. Il faudra le tenir à l’œil.
Michal KWIATKOWSKI
Avec un palmarès long comme le bras, le champion du monde 2014 est un ancien du peloton, mêlant l’expérience au talent. Déjà victorieux sur les Strade Bianche, Amstel, Milan-San-Remo et autres Clasica San Sebastian, à Liège il a toujours dû “se contenter” du podium (3ème en 2014 et 2017). Le Polonais de 30 ans arrivera serein, rassuré par sa 4ème place sur le mondial à Imola, aux prises avec les meilleurs, et sa 6ème place mercredi à Huy.
Michael WOODS
Coureur expérimenté, 34 ans, le Canadien arrive an bonne forme. On l’a notamment vu se hisser à la 3ème place sur la Flèche Wallonne mercredi. Déjà placé sur Liège, on pense à sa seconde place en 2018, il a encore fini 5ème l’an dernier. On peut aussi noter des bons résultats sur des Milan-Turin ou le Tour de Lombardie, preuve s’il en fallait qu’il a le profil pour inscrire son nom au palmarès de ce type de course.
Adam YATES
Le Britannique de la Mitchelton Scott est un coureur complet qui peut s’exprimer à la fois sur les courses de trois semaines, d’une semaine ou sur les courses d’un jour. Très bon grimpeur, il est aussi à l’aise sur ce type de reliefs et sur ces distances longues. 8ème à Liège en 2017, 4ème en 2019, il fait partie de ceux qu’il ne faudra pas lâcher d’une semelle dans le final s’il est présent.
Primož ROGLIC
On aurait pu se demander si le coureur slovène saurait se relever rapidement suite à sa folle désillusion sur un Tour 2020 qui lui fila entre les doigts dans les dernières minutes d’une course de trois semaines, pourtant dominée outrageusement. On a pu se rassurer à Imola en le voyant ferrailler en tête de course dans le final d’un championnat du monde qu’il finit 6ème. Il a l’air de s’être remis, et notamment mentalement. 7ème du Tour de Lombardie 2019, il ne dispose pas forcément d’une giclette meurtrière mais il a l’endurance pour être présent dans le final et à partir de là, de marquage en jeux tactiques, … pourquoi pas ? L’histoire serait belle.
Tadej POGACAR
On aurait aussi pu se demander si le jeune Slovène, compatriote fratricide du susnommé Primoz, parviendrait à gérer facilement son nouveau statut de vainqueur du Tour et l’écho médiatique infernal qui accompagne nécessairement un tel accomplissement, qui plus est à 21 ans (il les avait encore). On l’a vu lui-aussi sur le mondial, à l’avant, tentant un coup probablement à mi-chemin entre le coup d’équipe, et le coup individuel. Il a en tout cas affiché une forme encore excellente. De nature détendue, et sous l’insouciance de son jeune âge, les événements récents n’ont pas l’air de l’avoir entamé plus que ça. 9ème sur la Flèche à nouveau ce mercredi… Attention, talent !

ILS POURRAIENT TIRER LEUR ÉPINGLE DU JEU
D’autres coureurs au départ pourraient, suivant la configuration de course, arriver placés dans le money time avec une vraie chance de victoire. En tête on peut citer l’Irlandais Dan MARTIN. Déjà vainqueur en 2013 à Liège, il a aussi un Tour de Lombardie à son actif (2014). Il commence certes à empiler les années, 34 ans, mais il connaît le chemin, et a fini 5ème de la dernière Flèche Wallonne. Autre coureur à surveiller, Lennard KÄMNA. Les Bora placeront sûrement leur mise sur Schachmann, mais suivant le scénario et les états de formes, l’Allemand a montré qu’il avait les jambes pour être une alternative crédible. Bob JUNGELS, ancien vainqueur en 2018, sera dans une position possiblement similaire. Forcément dans un rôle d’équipier pour Alaphilippe, il faudra voir quelle est la réalité du jour. De son côté Tiesj BENOOT a la tête du coureur qui est bien plus qu’un faire-valoir avec un passif notable déjà sur les Strade Bianche ou la Clasica San Sebastian. Au même titre, on gardera un œil sur les Rigoberto URAN, Richie PORTE, Tim WELLENS, Mikel LANDA ou Dylan TEUNS.
ET CÔTÉ FRANÇAIS ?
Outre Alaphilippe déjà évoqué plus haut, on citera Benoît COSNEFROY. Le champion du monde espoirs 2017 a semble-t-il passé un cap cette saison. Galvanisé par son Tour de France où il porta longtemps le maillot à pois, il fait sur cette Flèche Wallonne 2020 derrière le seul Hirschi, mais devant Woods, Barguil, Dan Martin, Kwiatko, Konrad, Porte, Pogacar et Geschke. Une vraie référence. Avec lui on pourra donc citer Warren BARGUIL, lui-aussi en vue mercredi, on connaît ses qualités. Guillaume MARTIN sera également présent. Après avoir joué à merveille son rôle d’équipier en accompagnant Julian vers l’Arc-En-Ciel dimanche dernier, il pourra jouer sa carte individuelle et tenter de capitaliser sur sa belle forme du moment.
Dans cette année particulière, au calendrier extrêmement dense, les états de forme et les capacités de récupération jouent un rôle plus que jamais primordial. Nul doute que ce sera un paramètre à prendre en compte ce dimanche, lors de l’édition 2020 de Liège-Bastogne-Liège. Le parcours est un élément important aussi. La dernière côte placée relativement loin de l’arrivée pourrait influer sur le scénario de course. Course pour les favoris? Ouverture pour un “second couteau” dans une course difficilement contrôlable dans ces conditions ? À voir. L’Amstel a en tout cas été officiellement annulée, et on ne sait pas précisément de quoi sera faite cette fin de saison… Adoptons l’esprit Carpe Diem et profitons de notre chère doyenne qui, elle, aura bien lieu. Et le plateau est pour le moins alléchant. Alors, qui pour succéder à Jakob Fuglsang ? Rendez-vous tout à l’heure pour le verdict !