Le président sortant de la Fédération française de rugby a été réélu de justesse à la tête de l’institution le week-end passé au terme d’une campagne tendue face à Florian Grill. Place maintenant aux actes dans le contexte d’un rugby tricolore frappé par la crise sanitaire mondiale.
La campagne de Bernard Laporte pour la présidence de la FFR a été incroyablement courte puisque le président sortant ne s’est déclaré officiellement candidat que début juillet et n’a entamé sa série de meetings que le 19 août. Pourtant, cette séquence politique a semblé duré une éternité. Il y a d’abord eu le ton, agressif, belliqueux, employé contre son opposant Florian Grill, et sa garde rapprochée. Petit florilège : « Florian Grill, personne ne le connaît si ce n’est sa mère donc on s’en fout ! », « Sylvain Deroeux et Abdelatif Benazzi (sur la liste de Grill) ont été virés de leurs clubs parce qu’ils n’étaient pas à la hauteur de la tâche, et là ils nous donnent la leçon. Je me dis qu’heureusement que le ridicule ne tue pas sinon ils seraient mal en point. »
Puis est venu le temps judiciaire : le 22 septembre, Bernard Laporte a été placé en garde à vue et interrogé par la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE), tout comme Mohed Altrad (président de Montpellier et sponsor maillot des Bleus), Serge Simon (vice-président de la FFR), Claude Atcher (directeur de France 2023) et Nicolas Hourquet (responsable des relations internationales de la FFR).

Soupçonné d’avoir influencé la commission d’appel de la FFR en juin 2017 pour alléger les sanctions envers le MHR d’Altrad avec lequel il était alors encore en contrat personnel, Laporte est ressorti libre après plus de 24 heures dans les locaux de la BRDE, bien qu’il reste toujours sous la menace de la justice.
Visiblement marqué par cet épisode, le président de la FFR avait alors exprimé, en larmes, sa colère contre « les donneurs de leçons » qui l’auraient, selon lui, placé devant la justice à si peu temps de l’élection. Dans un courrier publié sur Facebook, Laporte évoque même « une tentative de putsch » orchestré par « un tribunal médiatique ayant un seul objectif : (le) présenter comme un coupable sans possibilité de (se) défendre ».
Une participation record
Tout ce bruit et cette fureur auront-ils eu un impact sur le scrutin ? Difficile à dire. En tout cas, Bernard Laporte a remporté l’élection d’un rien (51,47% contre 48,53% à son opposant) et briguera donc un second et dernier mandat à la présidence de la Fédération. Une élection qui a été marquée par le taux de participation colossal, alors qu’en raison de la crise sanitaire, le vote avait été dématérialisé. 95,21% des clubs ont posté leur bulletin dans l’urne virtuelle. Un chiffre à faire pâlir n’importe quel scrutin républicain…
Bernard Laporte, élu avec une marge beaucoup plus confortable en 2016 (52,56% des voix, contre 35,28% pour Pierre Camou et 12,16% pour Alain Doucet), devra forcément tenir compte de ce taux de participation faramineux. Samedi, les premiers mots du néo-élu sont allés dans le sens du rassemblement : « Je serai le président de tous les clubs, d’un seul rugby, un rugby français unifié. Tant au niveau amateur qu’au niveau professionnel, il va falloir qu’on se serre les coudes. L’unité sera mon credo durant ce nouveau mandat. »
De nombreuses tensions, une montagne d’enjeux
Au cœur des tensions liées à la mise à disposition des internationaux pour la tournée d’automne à venir, la Ligue nationale de rugby, qui tolérerait cinq matches du XV de France et non les six programmés par la FFR (la justice administrative tranchera bientôt ce dossier), a tenté l’apaisement en félicitant Laporte pour sa réélection et en espérant « une nouvelle page dans les relations entre les deux institutions, fondée sur la solidarité et un dialogue serein ».
Mais Laporte, également vice-président de World Rugby depuis avril dernier, n’est semble-t-il pas près d’accepter la main tendue. « Ce n’est pas nous qui mettons la Fédération devant les tribunaux, a-t-il déclaré après sa réélection. Moi je souhaite que tout s’apaise et je vais me mettre autour d’une table avec le futur président de la LNR. » L’actuel, Paul Goze, en poste jusqu’en mars prochain, appréciera…

Sur le plan sportif, la Coupe du monde 2023 à domicile représente un magnifique horizon pour la France. Un bel objectif qui ne doit pas cacher les nombreux challenges qui se présentent à la Fédération dans les prochaines années. Le candidat Laporte a promis une hausse des licenciés (plus 100 000 en 2024), la sécurisation et la féminisation du rugby, aussi bien sur le terrain que dans les instances, et le renforcement des relations entre les clubs et la Fédération.
Gageons que le président n’oubliera pas ses engagements. Et qu’il ne méprisera pas les axes de progression proposés par le camp Grill pendant la campagne : récompenser le développement du rugby scolaire et féminin, faciliter la formation des éducateurs, aider et valoriser les bénévoles… Mais le contexte sanitaire et les nombreuses pertes financières qui pèsent sur le budget de la FFR ne faciliteront pas la tâche de Bernard Laporte et son équipe. Pourtant, il faudra trouver des solutions pour réconcilier tout le monde et entraîner l’ensemble des acteurs du rugby français sur la voie du succès.