NBA

Le stretch four ou le parangon de la NBA moderne

L’évolution tactique du basketball est incessante. Un jeu relativement rudimentaire et avant tout basé sur les qualités athlétiques et techniques des joueurs a laissé place à la rigueur scientifique d’un basket théorisé, organisé et schématisé. Le poste d’ailier fort a particulièrement mué ces dernières années, engendrant même un nouveau rôle. Focus sur le stretch four. (image : Hilltop views)

Que le spacing soit sanctifié

« J’les blesse à distance, sur la prod précis comme un stretch 4 », peut-on entendre dans le dernier album du rappeur Freeze Corleone. Si cette référence a dû faire sourire quelques auditeurs, on parie qu’une large partie de son public s’est précipité sur la toile à la recherche d’une explication. Et tant mieux si certains d’entre eux ont découvert ce rôle, popularisé par les 2,13 m de Dirk Nowitzki et ses one-legged fadeaways, et plus que jamais prépondérant dans la NBA actuelle.

Historiquement, l’ailier fort est le pendant du pivot dans la raquette. Grand (entre 2,03 m et 2,08 m), puissant, il consacre l’essentiel de son activité aux luttes sous le cercle et au défi physique (rebonds, contres). Ce qui le différencie du poste 5, c’est qu’il ne joue pas dos au panier mais face au jeu. Dans la NBA des années 2000, de nombreux ailiers forts développent un tir à mi-distance (entre 3,7 et 5,5 m du panier), qui a longtemps été l’apanage des postes 4 européens, qui devaient faire face à la défense de zone. Mais aujourd’hui, le rôle de l’ailier fort s’est étendu au dribble, à la passe et surtout au tir à trois points. Le poste 4 traditionnel a été sacrifié sur l’autel du spacing, nouvelle religion de la NBA.

En 2017, Brad Stevens déclarait : « il n’y a plus que trois postes : le porteur de balle, l’ailier et l’intérieur » et le coach des Celtics incluait l’ailier fort dans la deuxième catégorie. Le sacro-saint schéma du backcourt et du frontcourt est en passe d’être renversé. En position offensive, une équipe ne place plus qu’un joueur dans la raquette, souvent le pivot. Le rôle de l’ailier fort est dorénavant d’écarter le jeu (to stretch) en se plaçant derrière la ligne à trois points.

L’inconvénient ? Moins de présence au rebond offensif. L’avantage ? Plus d’espace pour le porteur de balle s’il veut attaquer le cercle. Et si un défenseur vient en aide, le porteur peut ressortir sur un coéquipier ouvert à distance (drive & kick). C’est dans cette configuration que LeBron James a longtemps brillé. Avant qu’il ne devienne une réelle menace extérieure, le King était entouré de snipers qui profitaient de sa capacité à polariser les défenses et à percevoir les lignes de passe. L’attaque des Bucks de Giánnis Antetokoúnmpo repose en partie sur ce système.

Trop forts pour des stretch fours ?

Il faut distinguer le sharpshooter, comme Davis Bertans, du stretch four. Ce dernier n’est pas dispensé de la lutte au rebond. Il doit écarter le terrain pour donner de l’espace à son pivot, comme Rashard Lewis pour Dwight Howard dans le Magic finaliste 2009. Néanmoins, il ne campe pas derrière l’arc durant toute une possession en attendant l’extra-passe. Le stretch four flotte dans le périmètre, poste haut, dans la zone que l’on appelle l’elbow, aux extrémités de la ligne des lancers. C’est ici qu’il pose ses écrans avant de s’écarter furtivement (pick and pop).

Stretch four
Terminologie des zones d’un demi-terrain (source : coachesclipboard.net)

Mais quand des ailiers dominants comme LeBron James, Kevin Durant ou Carmelo Anthony ont été décalés au poste 4 dans du small ball, en a-t-on fait des stretch fours ? Ce sont des joueurs complets, capable de marquer au poste comme à trois points. Et cette appellation désigne originellement des ailiers forts dont le tir extérieur est l’arme n°1, un archétype un temps représenté par des Ryan Anderson, Anthony Tolliver, Channing Frye ou encore Nikola Mirotić. Des joueurs comme Kevin Love et Chris Bosh, qui sont des 4 de prédilection, ont refusé cette étiquette, estimant avoir un arsenal offensif trop large pour être réduits à un tel rôle.

Comparons donc la shot chart de Kevin Love – considéré malgré lui comme un stretch four – à celle de Ryan Anderson, sur la saison NBA 2017/18 :

Le profil de Ryan Anderson et consorts n’a plus la côte en NBA. Dans une ligue dominée par la flexibilité et la polyvalence, il y a désormais assez de shooteurs efficaces pour se passer de ceux dont la défense est douteuse. L’archétype du stretch four risque de disparaître aussi vite qu’il est apparu, menacé par les progrès des intérieurs au tir et au décalage progressif des ailiers vers le poste 4.

Le rôle de stretch four est le symbole d’une NBA moderne où vitesse et espaces sont devenues des vertus cardinales. Cependant, c’est un rôle auquel les joueurs semblent avoir du mal à s’identifier. Entre les intérieurs shooteurs (Anthony Davis, Kristaps Porzingis, Pascal Siakam, Domantas Sabonis, John Collins…) et les ailiers reconvertis (Kevin Durant, Kawhi Leonard, Jayson Tatum, Tobias Harris…), qui est un stretch four ? Ce qui paraît certain, c’est que l’avenir du poste 4 appartient à ces two-way players.

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