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Qui es-tu, Filippo Ganna ?

Ganna est l’une des sensations de cette saison 2020. A l’instar de Marc Hirschi, le coureur transalpin est prétendant dans la catégorie « révélation de l’année ». Mais qui est Filippo Ganna ? D’où vient-il ? Quelles sont ses qualités ? Son profil ? Et pour quel avenir ? Il n’est pas (encore) le plus connu, alors tentons de répondre.

Filippo Ganna lors de l’épreuve chronométrée au championnat du monde 2020, à Imola (source : velonews.com)

Parcours jeune, premiers enseignements

Filippo Ganna est né en 1996 à Verbania dans le Piémont. L’Italien court en cadet pour la petite équipe de Pedale Ossolano. Lors des saisons 2011 et 2012, il y remportera 20 victoires dont quatorze la seconde année. Il amorce ainsi sa progression avec notamment un titre de champion national du contre-la-montre. Il révèle ainsi très jeune ses qualités naturelles pour cet exercice sur lequel on l’a vu exceller récemment.

En catégorie Junior, il change d’équipe et passe chez la Castanese Verbania. Il confirme ses prédispositions de rouleur en remportant 6 victoires, dont 5 en chrono. On peut aussi noter l’année suivante, outre un nouveau titre national contre-la-montre, un titre de champion d’Italie de poursuite individuelle. Sur piste donc, surface de prédilection de Filippo, on le verra plus tard.

Ganna est donc à ce stade, un coureur prometteur qui montre un réel talent quand il s’agit d’appuyer fort. À la fois pistard et routier, il a un profil de rouleur, et tape dans l’œil à l’échelon supérieur.

Vers la consécration sur piste

En 2015, le coureur piémontais intègre rapidement les U23 de la Lampre comme stagiaire, sous les ordres de Giuseppe Saronni – lui-même ancien cycliste et pistard, champion du monde 1982, vainqueur de 2 Giro, un Milan-San-Remo, un Tour de Lombardie ou une Flèche Wallonne. Filippo est à bonne école.

La saison suivante, ayant quitté le statut de stagiaire, il court pour la Team Colpack. Et vient alors son premier coup d’éclat : convoqué pour les mondiaux sur piste de 2016, à Londres, il devient champion du monde de poursuite individuelle. Après avoir battu le record d’Italie de la discipline en qualifications. Cette même année, il participera aux Jeux Olympiques de Rio (6ème en poursuite par équipe) et surtout enfonce le clou sur route en remportant le Paris-Roubaix espoirs. Filippo a 20 ans, et un avenir radieux devant lui.

Les saisons 2017 et 2018 seront celles de son passage pro chez la UAE Team Emirates. Sur piste, il finira argenté en poursuite individuelle aux Mondiaux de Hong Kong en 2017 avant de reconquérir son titre l’année suivante à Apeldoorn, aux Pays Bas. Pendant ce temps, on l’aperçoit sur route, échappé sur le Tour des Flandres avant d’être repris. Surtout, il brille sur une course à étapes argentine, le Tour de San Juan, qu’il termine second derrière Oscar Sevilla (après déclassement de Gonzalo Najar pour dopage). Sur cette épreuve, il finit meilleur jeune succédant ainsi à non moins que … Egan Bernal. Une performance plus surprenante qui laisse présager d’une polyvalence plus grande qu’on aurait pu le croire jusque là.

Tour de San Juan 2018 / Étape 4 Filippo GANNA (ITA), maillot blanc de leader sur le dos / San Jose Jachal – Valle Fertil-Villa San Agustin (182,2km) (Photo : Tim de Waele/Getty Images)

L’avènement sur route

En 2019, Ganna signe chez Sky, qui deviendra Ineos, puis Ineos-Grenadiers. D’un côté, il continue sa moisson de titres sur piste en conservant son titre mondial de poursuite individuelle à Pruszkow, puis à Berlin en 2020 (où il battra en passant le record du monde en 4’01 »934). Mais surtout, il va progressivement se montrer de plus en plus présent sur route.

En contre-la-montre d’abord, logiquement. On peut ainsi relever sa victoire au chrono du Tour de Provence en 2019. Cette même année, après avoir fini second derrière Moscon en 2018, il deviendra (enfin!) champion d’Italie du contre-la-montre an battant Bettiol de … 52 centièmes de seconde. Il confirmera un peu plus tard aux championnats du monde CLM sur route dans le Yorkshire, en montant sur le podium pour le bronze.

En 2020, il continue sur cette trajectoire en se montrant à son avantage sur Tirreno-Adriatico. Lors de l’épreuve chronométrée, il met ses adversaires au tapis et l’emporte largement. Sur le même parcours qu’en 2016, il en bat d’ailleurs le record détenu précédemment par un certain Fabian Cancellara – 10’42 contre 11’08, le reléguant à 26 secondes. Ça pose son homme. Finalement, grand favori du Championnat du Monde CLM 2020, qui a lieu chez lui en Italie (Imola), il se parera d’arc-en-ciel dans une nouvelle démonstration de force. 27 secondes devant Van Aert. Consécration.

PALERME, ITALIE – 03 OCTOBRE : Filippo Ganna, Team INEOS Grenadiers, avec son maillot arc-en-ciel de champion du monde du chrono / Étape 1 – Contre-la-montre individual de 15,1km (Photo : Stuart Franklin/Getty Images,)

Giro 2020 : nouveau cap, nouvelles attentes

Le 03 octobre, le Giro s’élançait finalement de Sicile. En deux actes fondateurs, Filippo Ganna a définitivement inscrit son nom dans le peloton des routiers. Deux actes qui symbolisent à la fois son talent, ses qualités intrinsèques de rouleur et sa polyvalence lui permettant de viser plus qu’une « simple » carrière de coureur de prologues ou chronos.

D’abord dans la première étape, chronométrée, il a bien confirmé sa supériorité actuelle en s’imposant et revêtant le maillot rose. Un rêve pour tout Italien. Mais c’est lors de la cinquième étape qu’il a encore plus marqué les esprits. Ganna qui remporte un CLM, on est presque habitué. Par contre cette victoire avec la manière, en échappée, en faussant compagnie à ses compagnons de fuite dans la dernière montée, pour filer vers la victoire. Sur une étape vallonée. Avec deux cols de 3ème catégorie. Et même ce 1ère catégorie placé à douze kilomètres de l’arrivée. Dans la pluie et le brouillard. Tout en puissance. Un vrai coup d’éclat. Filippo est définitivement plus que juste un pistard qui vient défier les horloges, et les terrains plats.

CAMIGLIATELLO SILANO, ITALIE – 07 OCTOBRE : À l’arrivée, Filippo Ganna (Team INEOS Grenadiers) lève les bras et célèbre sa victoire lors de l’étape 5 du 103ème Giro – 225km entre Mileto et Camigliatello Silano (Photo : Stuart Franklin/Getty Images,)

Ce qui soulève une question : où s’arrêtera Filippo Ganna ? Déjà brillant sur piste, quadruple champion du monde de poursuite, sa vie sur route rencontre également le succès. Il est devenu une référence (voire LA référence) sur les chronos. Et il prouve maintenant qu’il peut voir plus loin. Des victoires d’étapes ? Oui, mais pas que. Il a aussi le profil pour jouer des classiques – rappelons nous son titre sur le Roubaix espoirs. Milan San Remo, l’Enfer du Nord, le Tour des Flandres, Flèche Brabançonne … on l’imagine assez facilement briller sur ce type de courses. De par sa puissance et sa polyvalence. Mais allons plus loin : ne pourrait-il pas dès lors viser le général de courses à étapes ? On l’a vu deux fois sur le podium de la Vuelta de San Juan (2ème en 2018 et 2020), course de deuxième catégorie certes, mais qui a vu des Mollema, Sevilla, Anacona et autre Remco Evenepoel inscrire leur nom au palmarès des dernières éditions. Une course où Julian Alaphilippe se classa second en 2019. Pas anodin. Et les Tours de 3 semaines ? On s’emballe peut-être un peu, mais la team Ineos (feu Sky) a déjà dans le passé démontré tout son savoir-faire quand il s’agit de faire d’un pistard un vainqueur de grand tour. Alors, Ganna : nouveau Wiggo ?

Il est trop tôt pour le dire et au vu de son profil, on aurait tendance à envisager d’abord un avenir sur les étapes ou courses d’un jour. Mais qui sait ? Rouleur. Baroudeur. Pas timide sur les reliefs. Ultra-puissant. Il apparaît progressivement comme un monstre de polyvalence. Ce n’est pas pour rien si, du côté de l’Italie, on a vite établi un parallèle glorieux, voyant en lui le nouveau Francesco Moser. Coureur qui lui ressemblait un peu. Et au palmarès long comme un jour sans pain. Référencé sur piste, devenu champion du monde de poursuite en 1976. Et surtout sur route avec son titre de champion du monde, ses victoires à Roubaix, Milan San Remo et tant d’autres. Et tiens, une victoire sur le Giro en 1984… Alors qui sait ?! Une chose est sûre, l’avenir est dégagé pour ce jeune coureur pétri de talent. Et l’impatience grandit autour de lui pour voir de quoi demain sera fait… Hâte.

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