7 matchs, 3 buts et 2 passes décisives. Dans une équipe qui n’est pas au top et pas à son poste. Et en dehors des stats, l’impression visuelle laissée par Amine Gouiri est tout aussi parlante : c’est un crack. Au sens premier du terme, un vrai bon joueur de foot, avec d’immenses aptitudes et un potentiel qui l’est tout autant. L’OGC Nice se frotte les mains d’avoir récupéré un si jeune joueur à un prix si bas, tandis que les supporters lyonnais ont des pensées sombres lorsqu’ils aperçoivent leur joyau marquer contre Saint-Etienne à Geoffroy-Guichard.
Deux joueurs formés à Lyon qui marquent sur la pelouse de Saint-Etienne, il n’en faut pas plus pour que les supporters rhodaniens enflamment Twitter. Que ce soit pour insulter les verts, ou leur propre club. Puisqu’il ne faut pas s’y tromper : les lyonnais sont aussi contents que Sainté ait perdu qu’ils sont déçus du départ de ses jeunes joueurs. Surtout lorsque, comme pour Amine Gouiri, le chemin semblait tout tracé.
Des aptitudes qui ne mentent pas
“C’était un 9, mais pas un 9 qui va rester entre les défenseurs. Il va demander le ballon, sortir pour récupérer, faire des appels. Amine, c’est du talent.“
Cris, à propos de Gouiri, dans les colonnes de France Football.
Dans un profil bien à lui, Amine Gouri est un buteur très complet, sans réel manque, aux aptitudes physiques hors normes, à la technique délicieuse et à l’oeil pour le but constant. ” Le but, il ne cherchait que ça.” déclarait Said, son frère, dans les colonnes de France Football. “Frapper, dribbler les derniers défenseurs. Avec une efficacité pure. Il fallait qu’il marque. S’il sortait d’un match sans, il était frustré.” Et il ne lui manque rien. Au contraire, toutes ces facultés sont absolument déterminantes pour un buteur : première touche de balle, sens du but, capacité d’élimination, vitesse et accélération, aucune peur du duel, finition et inventivité. Tout ce que recherche un formateur, un entraîneur chez un joueur voué à occuper la pointe, le numéro 11 niçois le possédait.

Amine est ce genre de joueur. Ce joueur qui s’affranchit du contexte, qui ne ressent pas la pression. Ce joueur qui est capable d’exploits, qui fait changer le cours du match, qui trouve le moyen de faire flancher la défense par une frappe ou une série de dribbles. Et ce, qu’importe le niveau : constamment surclassé chez les jeunes, Gouiri a toujours performé, marqué. En équipe de France, il compte 42 buts en 47 sélections selon transfermarkt. Un exemple de performance très, très rare, d’autant plus des U16 aux espoirs. Avec l’équipe réserve de Lyon, il a aussi toujours fait les différences, montré sa supériorité. Alors, pourquoi? Qu’est-ce qui pouvait l’empêcher de réaliser la même chose en Ligue 1 ? Rien. Son profil technique est bien supérieur aux joueurs de son âge, sa compréhension du jeu, développée au sein de l’académie, l’est tout autant. Son intelligence, son sens du but, sont loués par tous ses formateurs et coéquipiers. Et son mental n’a rien à envier à personne.
Un mental à toute épreuve
C’est ce qui le caractérise le plus : une volonté folle, qui le fera, c’est sûr, soulever des montagnes. Une détermination sans faille, qui s’en ressent sur ses performances. Ses proches, ses formateurs, soulignent cette mentalité : le jeune Gouiri regarde la table de marque lors de chaque tournoi, entre chaque match, afin de savoir s’il est toujours meilleur buteur. En compétition constante avec lui-même, chaque match passé sans but est une souffrance. Le match suivant, lui, sert de vengeance. Passer ses nerfs, évacuer la frustration en performant, en marquant, toujours.
“Quand on lui a parlé de sa place dans l’équipe, qu’il viendrait en supplément des attaquants déjà en place, il m’a dit droit dans les yeux et assez fermement : “Je ne serai pas un remplaçant, je ne viens pas pour être remplaçant.”
Julien Fournier dans France Football
A chaque étape de sa carrière, le niçois ne fait pas de détail. Lorsqu’il se fait les croisés en août 2017, il confie à ses coéquipiers qu’il reviendra plus fort. Lorsqu’il est mis sur le banc en équipe de France U17 : 8 buts en 4 matchs. Lorsque l’OL décide de le prêter l’hiver dernier ? Il refuse, sûr de sa force et de sa capacité à s’imposer à l’OL. Et même si finalement, Rudi Garcia ne le fait pas jouer et le joueur formé à l’OL forcé à quitter le club, son ambition ne prend pas de coup. Julien Fournier, directeur sportif de l’OGCN, raconte la signature de l’ex-gone : “Quand on lui a parlé de sa place dans l’équipe, qu’il viendrait en supplément des attaquants déjà en place, il m’a dit droit dans les yeux et assez fermement : “Je ne serai pas un remplaçant, je ne viens pas pour être remplaçant.” Preuve, s’il en fallait encore, de sa faim de réussite.
Comment l’OL a t-il pu passer à coté ?
Le départ de Gouiri n’a pas surpris les supporters lyonnais. Comment reprocher à un joueur barré depuis plusieurs saisons de s’en aller, d’aller chercher du temps de jeu quand son club ne lui en offre pas ? En revanche, les mêmes supporters lyonnais fustigent contre leur club. Avec une gestion de ses jeunes joueurs plus floue que jamais, et des recrutements coûteux qui leur barrent la porte de l’équipe première, l’OL vient de perdre l’un de ses plus beaux joyaux. La faute à une direction sportive abstraite. Entre Aulas, Juninho, Maurice et Cheyrou, et Gérard Houllier, chacun applique sa vision des choses, tentant de tirer la couette de son côté, que ce soit pour le bien du club ou via des intérêts personnels.
“À aucun moment, on a senti que l’OL lui faisait entièrement confiance. Cela n’a été que des paroles dites.“
Un membre de la famille Gouiri.
Ce qui a donc poussé au recrutement de Kadewere, de Toko-Ekambi, et donc à boucher l’avenir de Gouiri. Mais surtout, c’est le manque de communication entre les différents acteurs sur le vrai niveau, le vrai profil du natif de Bourgoinn-Jallieu qui a tué l’histoire d’amour. Comment est-ce possible qu’entre le directeur du centre de formation, le directeur sportif, les entraîneurs des équipes réserves, les différents préparateurs et formateurs, personne n’ait fait entendre sa voix ? Comment est-ce possible d’avoir laissé filer un tel diamant, quand bien même tous ses états de passage étaient bien en avance ? Sans réinventer l’histoire, comment, à 20 ans, Gouiri n’a pas cumuler qu’une quinzaine d’apparitions chez les pros ?

Le manque d’identité de jeu au sein de l’équipe première, découlant directement du choix des différents entraîneurs ces dernières années, nuit aussi au club. Alors que l’académie possède une vision précise et poussée du football qu’elle veut pratiquer, afin d’obtenir des résultats mais surtout de faire de ses joueurs la meilleure version d’eux-mêmes, l’équipe A n’est pas à la hauteur. Pourtant, lorsque les joueurs issus de l’académie se retrouvent en professionnel, le courant passe. Entre Caqueret, Bard, Aouar, Cherki, et même Diomandé, pourtant post-formé, l’impression de parler et pratiquer le même football. Des circuits de passe, une complémentarité technique, une compréhension des mouvements avec et sans ballon de l’autre. Quelque chose que tous les supporters lyonnais ont compris. Mais pas leurs dirigeants.
Il est facile de réécrire l’histoire. Si Gouiri avait marqué lors de ses rares apparitions, peut-être l’issue aurait-t-elle été différente. Mais qu’importe, le problème n’est pas là. L’OL a fermé les yeux sur un joueur qui pourrait lui faire le plus grand bien, tandis que l’ensemble de la Ligue 1 se régale désormais à le voir évoluer. Loin de l’Olympique Lyonnais.