Benoît Cosnefroy fait partie des belles satisfactions françaises de cette saison, et des coureurs qui envoient un message fort pour le futur. Né en 1995 à Cherbourg, il a su profiter des échéances de son calendrier 2020 pour démontrer tout son talent, et prouver qu’il avait passé un cap. À l’heure où AG2R va être dans l’obligation de se réinventer avec le départ de Bardet (Sunweb), il est intéressant d’observer la mue du garçon en un coureur de premier plan. Pour aller jusqu’où ? Revenons sur son évolution et tentons une petite projection.

En catégories jeunes
Benoît Cosnefroy n’est pas le coureur prodige typique, celui dont on parle depuis toujours comme le petit joyau promis à un grand avenir. Il n’est pas ce coureur que déjà chez les jeunes, on épiait, et dont l’inscription au départ d’une course était accompagnée d’une agitation frénétique. Toutefois, après l’intégration du Pôle Espoir à Caen, il va progressivement se révéler. Faisant montre de grandes qualités physiques et mentales. Coureur avec un fort caractère, il se montre d’abord chez les juniors sans toutefois parvenir à transformer l’essai. Des places d’honneur, sur le podium mais pas de victoire. Il en montre assez cependant pour qu’en 2015, le Chambéry CF – centre de formation de AG2R – ne décide de l’intégrer.
Il va alors se développer dans l’antichambre de l’écurie de Vincent Lavenu, sous la direction de Julien Jurdie. Et obtient sa première victoire en « toutes catégories » sur le Prix de Varennes-Saint Sauveur en 2016. Cette même année, on peut aussi noter une place de second aux championnats de France amateurs – battu d’une demi-roue seulement par un certain Valentin Madouas – et espoirs. Dans la cour des grands, face aux professionnels sur des manches de coupe de France, il se classe 19ème au Grand Prix de Plumelec-Morbihan et 24ème aux Boucles de l’Aulne. Finalement, il finit 4ème aux championnats d’Europe espoirs à Plumelec. AG2R convaincu par le coureur, après l’avoir pris comme stagiaire, lui fait signer son premier contrat pro qui prendra effet au 1er Août 2017.
2017 est justement une année faste pour Cosnefroy qui passe un palier. En catégorie espoirs, 13Ème au Tour des Flandres et 17ème sur le Gand-Wevelgem. Chez les pros, 6ème au Grand Prix de Plumelec-Morbihan. Et le meilleur reste à venir : après une deuxième place aux championnats d’Europe espoirs, il remporte le Grand Prix d’Isbergues, sa première en pro ! « Je suis vraiment étonné, puisqu’il a gagné un mois et demi seulement après être passé pro… », avouera Jurdie. Cinq jours plus tard, le 22 septembre 2017, Cosnefroy enfonce le couteau en devenant champion du monde espoirs sur le circuit de Bergen en Norvège.
Débuts chez les pros
Benoît Cosnefroy débute ainsi en 2018 sa première saison complète en tant que coureur professionnel, et en tant que champion du monde U23. On relèvera une belle 3ème place sur Paris-Tours obtenue dans des conditions très difficiles. Cela donne de nouveaux enseignements sur la force physique du coureur, et aussi sur la constitution mentale du bonhomme. Dur au mal. À son aise sur ces courses de type classiques – rappelons qu’il avait obtenu des résultats encourageants chez les espoirs sur des Tour des Flandres ou Gand-Wevelgem.
Mais c’est surtout en 2019 qu’on le voit éclore à l’échelon supérieur. Cette année-là, il remporte le Grand Prix de Plumelec-Morbihan (après plusieurs places d’honneur), la Polynormande, le Tour du Limousin et Paris-Camembert. Des épreuves du calendrier français. Il participera aussi à des épreuves du World Tour, et notamment sera avec AG2R au départ de son premier Tour de France. Un moment majeur dans la vie de n’importe quel coureur.
Cette même saison, on le voit également pointer le bout de son nez dans la Flèche Wallonne. Présent dans l’ascension finale du mur de Huy, en 4ème position, il coince pour finalement finir 12ème. Toujours est-il que sa saison est un succès. Il reçoit logiquement le titre de « meilleur espoir français 2019 » décerné par l’Union nationale des cyclistes professionnels.

Année 2020, nouveau palier
Cette nouvelle saison démarre bien pour Cosnefroy qui l’emporte sur le Grand Prix La Marseillaise et l’Etoile de Bessège, avant que la pandémie covid-19 vienne mettre un block à la saison. Cette pause n’entravera cependant pas la progression du coureur normand. Au sortir du confinement, à la reprise de la saison, il remporte la 4ème étape de la Route d’Occitanie devant un parterre de stars et de coureurs majeurs : Mollema, Pinot, Bernal, Vlasov, Sivakov (7) ou encore Barguil (10). Rien que ça !
Sélectionné pour le championnat d’Europe à Plouay, il y va pour accompagner Démare. Ce dernier se classera second derrière Nizzolo et Benoît finira à une belle 10ème place – preuve s’il en fallait qu’il a une pointe de vitesse tout à fait honnête.
Puis il se présente fin août au départ du Tour 2020 à Nice, pour y défendre les couleurs d’AG2R. En vue dès la première étape avec une attaque (infructueuse) dans le final, il profitera de la seconde pour réaliser un rêve. Après avoir pris l’échappée le matin, il ferraille à l’avant toute la journée dans la Colmiane ou le col de Turini par exemple, et se pare à l’arrivée du maillot de meilleur grimpeur. Une aventure à pois qui durera 15 jours ! On connaît la puissance du maillot à pois pour projeter un coureur français dans le cœur des foules. Comme Virenque ou Jalabert autrefois. Comme Alpahilippe plus récemment. Cosnefroy sort un peu plus de l’anonymat et se révèle au grand public.
Pas pris pour le mondial à Imola, Cosnefroy s’aligne ensuite en pleine forme, plein d’espoir et reposé au départ d’une course qu’il affectionne : la Flèche Wallonne. Celle-ci correspond à ses qualités de coureur puncheur, explosif et rude. Confirmation au sommet du mur de Huy où il est second, derrière le seul Marc Hirschi, petit prodige suisse. Mais laissant derrière lui, si on prend le top 10, des coureurs tels que Woods, Barguil, Dan Martin, Kwiatkowski, Konrad, Porte, Pogacar et Geschke. Excusez du peu ! Alaphilippe lui-même, champion du monde fraîchement titré, y a fini deux fois second avant de l’emporter. De quoi commencer à établir un parallèle ? Cette performance le place en tout cas inévitablement à un autre niveau dans la hiérarchie des coureurs.
Le coureur normand clôt cette année 2020 par un autre accomplissement notable. Lors de la Flèche Brabançonne, il est le seul à suivre non moins que Julian Alaphilippe et Mathieu Van der Poel – oui, oui ! Sous les derniers coups de boutoir, les deux champions laissent la concurrence sur le pavé. Barguil, Kwiatkowski craquent. Cosnefroy tient bon. Il se présentera pour la gagne sur la ligne à Overijse. Battu par ses deux compères au sprint certes, mais envoyant un nouveau signal fort quant à ses valeurs et ses qualités !

Alors quel profil ? Pour quel type de courses ?
Tentons de nous projeter un peu. Cosnefroy, pour aller où ? Comme évoqué plus haut, il a un profil se rapprochant de celui de Alaphilippe. Puncheur. Résistant. Endurant. Offensif. Capable de soutenir des efforts de forte intensité. Pas timide sur le pavé, et dans les côtes. « Benoît est un coureur à l’instinct, besogneux, il voulait juste être devant. La grimpe c’était son truc ! » déclarait David Louvet, directeur du Pôle Espoir Cyclisme de Caen où il a vu passé Cosnefroy. « C’est un coureur déjà complet, avec de grosses qualités physiques et mentales, malgré son jeune âge » disait déjà de lui en 2017 Julien Jurdie, son directeur sportif chez AG2R, quelques jours avant qu’il ne devienne champion du monde espoirs. Mikaël Cherel quant à lui vantait les qualités de son coéquipier qui « va vite au sprint, passe bien les bosses, roule bien sur le plat […] a un profil passe-partout qui va lui permettre de remporter de belles et nombreuses courses ».
Des messages qui, combinés aux enseignements que l’on peut tirer de cette saison 2020, établissent un faisceau convergent justifiant un certain optimisme pour le cycliste normand. Niveau attentes, on le surveillera d’abord sur les mêmes courses où on surveillait Julian Alaphilippe. Des étapes sur les grands tours ou les courses d’une semaine. Les classiques, aussi. Les Flandriennes lui plaisent. Les Ardennaises également, avec la Flèche. L’appétit venant en mangeant, on ne doute pas qu’il salive déjà en scrutant l’horizon de la saison prochaine. Et nous avec lui !
Benoît Cosnefroy est donc un coureur qui a dépassé le statut de « prometteur » et commence à tenir ses promesses. Cela tombe bien, à 25 ans il est temps pour lui de capitaliser sur toutes ces années d’effort et de développement pour engranger des victoires. Dans une équipe AG2R qui perd son leader historique en la personne de Romain Bardet, il pourrait bien incarner l’avenir. D’autant plus qu’avec les arrivées de coureur comme Van Avermaet pour ne citer que lui, il semblerait que l’équipe savoyarde mette en place une structure moins orientée « Grand Tour », et plus tournée vers les classiques. Une remontée de compétences dont il pourra profiter. Qui plus est dans un domaine, on l’a dit, qui lui va comme un gant. Un destin à la Alaphilippe ? On lui souhaite et on a hâte, en tout cas, d’être en 2021 pour voir comment il gère ce nouveau virage dans sa carrière.