NBA

Les pivots sur le chemin de la rédemption

Ils étaient les laissés pour compte de la révolution, les victimes expiatoires de la « smallballisation », les pivots ont vu leur rôle se réduire à vue d’œil ces dernières années. Dévoués aux tâches obscures, résignés aux basses besognes, ils se destinaient à un rôle d’éboueur. Et si la roue avait tourné ? Engagés sur les sentiers de la perdition, les pivots bifurquent vers le chemin de la rédemption. (image : Richard Mackson / USA Today Sports)

Tandis qu’agonise le jeu au poste

Comment décrypter l’évolution du jeu sans évoquer l’importance prise par le tir à trois points ? On en a parlé pour le stretch four autant que pour le combo guard : savoir shooter à 7,23 m n’est pas loin d’être une condition sine qua non pour se faire une place en NBA. Les statistiques avancées chères au révolutionnaire Daryl Morey ont établi que tirer à 33 % à trois points était aussi rentable que tirer à 50 % à deux points. Rendez-vous compte, les franchises NBA prenaient une moyenne de 34 tirs derrière l’arc par match en 2018/19, contre 19 en 2008/09. Ce n’est pas le fruit du hasard si le tir à mi-distance est une arme en voie de disparition, et le jeu au poste avec lui.

Qu’elle semble loin, l’époque où Hakeem Olajuwon faisait régner la loi au poste bas avec son toucher et son footwork inégalables. Il faut se rendre à l’évidence : en 2020, garder la balle au poste est une hérésie. La pace (rythme) ne cesse de s’accélérer, on cherche à imprimer une cadence infernale et surtout à s’offrir des tirs ouverts, les stats avancées ayant révélé que le trois points et le lay-up étaient les tirs les plus efficaces du basketball. Les pivots qui jouent dos au panier ne dominent plus la ligue. Des profils comme celui d’Al Jefferson ont progressivement été rayés de la carte, Brook Lopez a du se réinventer pour continuer à exister.

S’ouvre l’ère des rim runners

Au terme de la saison 2015/16, DeAndre Jordan est le poste 5 choisi pour figurer dans la All-NBA First team. Dix ans plus tôt, c’est Shaquille O’Neal qui occupait cette place. Étonnant, non ? On lit partout que le niveau moyen de la NBA a augmenté, comment un joueur aussi dominant que Shaq a-t-il pu voir son poste dominé par un joueur intrinsèquement bien moins fort ? Eh bien DeAndre Jordan représente exactement ce que l’on attend d’un pivot de son temps. Il a compris qu’il ne devait pas demander la balle au poste, ça ralentit le jeu et c’est contre-productif. Il a compris qu’il devait protéger son cercle et user de sa verticalité pour dissuader les attaquants. Il a compris qu’il devait se battre sans relâche au rebond, qu’il devait courir en contre-attaque. Il a compris qu’il devait attraper les lobs et les alley-oops.

La configuration présente laisse peu de places aux pivots à l’ancienne. On se devait donc de souligner l’étrange cas de Jahlil Okafor. L’ancien de Duke, aussi talentueux soit-il, vivote en NBA. Son jeu est tout simplement à rebours de l’évolution de ce sport, et on a le droit de penser qu’il aurait eu une tout autre carrière à une époque plus lointaine. Il doit se réinventer pour survivre. La NBA va tellement vite qu’un profil ultra recherché peut devenir désuet en quelques mois.

En septembre, les Lakers éliminaient Houston au second tour. Une bonne nouvelle pour les big men d’après Draymond Green. Une victoire des Texans – qui jouaient sans pivot – aurait contribué à dévaluer le poste.

La tendance courante est le switch (changement) sur tous les écrans. Ainsi, même un rim runner comme Clint Capela a été sacrifié par sa franchise des Rockets. Il est pourtant rapide pour un pivot, mais pas assez pour défendre sur des extérieurs. On veut offrir le moins de situations de mismatch possibles à l’adversaire. On lui préfère Robert Covington, positionné au poste 5 du haut de ses 201 centimètres.

Et des point-centers ?

Qui sont les deux meilleurs pivots des playoffs 2020 ? On serait tenté de répondre Nikola Jokić et Bam Adebayo, si on considère Anthony Davis comme un poste 4. Quel est le point commun entre ces joueurs ? Un talent de playmaker rare à un tel poste. Le Serbe mène l’attaque des Nuggets depuis plusieurs saisons, une attaque basée sur sa présence au poste haut et un mouvement permanent autour de lui. Il correspond à que l’on appelle un point-center, entre le point guard (meneur) et le center (pivot).

John Calipari, interrogé il y a quelques semaines par le New York Times, estime lui que c’est Adebayo qui a créé ce poste : « c’est un point-center, et donnez-moi le dernier à l’avoir été ? Ce que je veux dire, c’est que c’est un vrai point-center. Ce n’est pas un intérieur qui sait faire de passes. Il peut dribbler et vous déborder. Il peut faire des actions instinctives comme un meneur. Il peut faire des eurosteps. Et il peut encore aller au rebond et contrer… » Difficile de donner tort au coach des Wildcats au sujet de la palette technique du pivot du Heat. Néanmoins, c’est le caractère exceptionnel de ce style qu’il surestime. Le terme de point-center avait déjà été associé à Wilt Chamberlain, Bill Walton, David Robinson, Joakim Noah, Andrew Bogut ou Marc Gasol en plus de Jokić.

En 2013, la NBA supprimait le poste de pivot de ses votes pour le All-Star Game. Les instances elles-mêmes consentaient à la disparition de ce poste. Quelques années plus tard, la planète basket s’enthousiasme devant les duels opposant Joel Embiid à Karl-Anthony Towns ou Nikola Jokić à Bam Adebayo. Qu’ils apportent vitesse et verticalité comme rim runners ou qu’ils aient un rôle d’organisateur comme point-centers, les pivots jouent un rôle dans la NBA de 2020, et joueront un rôle dans la NBA de demain.

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