Mardi 27 octobre. 20H et quelques. Une semaine avant l’élection présidentielle aux Etats-Unis, c’est un autre président majeur de notre monde qui démissionne. Celui du FC Barcelone, Josep Bartomeu. 24 heures après avoir déclaré le sourire aux lèvres qu’il ne pensait pas à quitter son poste. A peu près 24 minutes aussi après avoir déclaré qu’il acceptait la proposition de rejoindre le projet de super-ligue européenne qui se dessine de plus en plus. Comme un énième pied-de-nez, une dernière volonté de rejeter le passé et de se tourner vers un futur, celui du business.
Le business, Bartomeu, ça le connait bien. Associé dans l’ingénierie et dans les services pour les ports et les aéroports, il fait partie de cette longue lignée d’hommes d’affaires locaux qui investissent et s’investissent dans le club local. Déjà sur la liste de la candidature à la présidence de Joan Laporta en 2003, il fait ensuite bande à part avec Sandro Rosell lorsque ce dernier devient président à l’élection de 2010. C’est suite à une magouille lors du transfert de Neymar de Santos à la Catalogne que Rosell démissionne, et laisse son second accéder au trône suprême.
Les magouilles, Bartomeu est très bien capable d’en faire aussi, mais plus discrètement. Personne n’a oublié quand en 2017, le FC Barcelone, l’un des meilleurs clubs du monde, pose 40 millions d’euros sur la table pour acheter Paulinho, milieu de terrain bon, sans plus, exilé depuis deux ans dans le championnat chinois. Non, ce transfert n’avait probablement rien à voir avec le fait qu’Adelte Group, société appartenant (en partie) à Josep Maria Bartomeu, voulait s’implanter en Chine à l’époque. Et ça, c’est pour la partie émergée de l’iceberg. Mais commettre des actes illégaux, on peut l’effacer assez vite si le bilan de la présidence est positif.
Un palmarès qui fait des envieux
Déjà, il faut mettre à son crédit le projet, accepté par les socios, de rénovation du Camp Nou. Un budget de 600M d’euros, équivalent à celui de plus de la moitié des clubs de Ligue 1 cumulés pour agrandir le stade, tout en gardant son emplacement et sa structure. Côté sportif, le bilan n’est pas à plaindre. Tous sports confondus, le FC Barcelone de l’ère Bartomeu a engrangé 79 titres, ce qui en fait un par mois en moyenne. 11 pour le foot seul ; les Blaugranas, menés par la MSN, ont compté 4 championnats en plus de 4 Copas del Rey, et une Ligue des Champions. Chez les femmes, le palmarès a doublé en six ans. En Handball, il n’existe plus qu’un seul club sur la péninsule ibérique, avec 7 doublés coupe-championnat, c’est simplement une hégémonie. On peut aussi rajouter au total une Coupe du Monde des clubs en Beach soccer, mais pas sûr que les supporters retiendront cela …

Un bilan pas à la hauteur du club
Les socios, eux, se souviendront plutôt de la fin du règne du Barça en Europe. Depuis la victoire en 2015, les Catalans n’ont passé qu’une seule fois les quarts de finale, encaissant deux grosses remontées au passage (contre l’AS Roma et contre Liverpool). La déroute 8-2 face au Bayern aura de loin été la pire de toutes, mais est un symbole des échecs au niveau européen. Pendant ce temps, le rival éternel, le Real, signait trois C1 consécutives. Dans les Clasicos, justement, le Barça fait pâle figure depuis que Bartomeu est au pouvoir, avec seulement 8 victoires sur les 19 dernières rencontres, dont 2 à domicile. Les plus optimistes retiendront tout de même les 4 Ligas glanées, mais sans véritable fierté.
Car les socios, eux, ont bien remarqué la disparition de l’identité du jeu à la Barcelonaise lors du mandat du dernier président, en même temps que son prophète Cruyff. Le tiki-taka, autrefois spécialité locale, s’est exporté partout en Europe et inspiré le football mondial actuel, mais ne se retrouve plus dans sa maison-mère. Les socios ont vu que malgré les quatre entraineurs différents ces six dernières années (Enrique, Valverde, Setién, Koeman), aucun n’a su redonner au club son lustre sur le terrain, rendant l’équipe trop banale, pragmatique, voire individualiste, dépendante des exploits de Messi.
Les socios, ont bien noté que le club ne comptait plus vraiment sur sa Masia. Alors certes, il est impossible qu’un centre de formation puisse sortir une génération du même niveau que celle du milieu Busquets-Xavi-Iniesta, mais c’est l’absence pure et simple de joueurs formés qui pose problème, surtout dans un club aussi identitaire que le Barça. En preuve les difficultés récentes à voir Riqui Puig intégrer l’équipe-type. Les socios n’ont pas apprécié de constater que ces dernières années, les gros transferts importés ont pris le pas sur les produits locaux. Le bilan est effarant : le FC Barcelone a dépensé 1,26 milliard d’euros en transferts, le tout en dépensant pour 806 millions. Et parmi toutes les recrues, peu ont donné satisfaction en plus : Turan (34M), Paco Alcacer (30M), Coutinho (145+15M), Dembélé (130+15M), Malcom (41M), ont troué les caisses plus que les défenses adverses.
En six ans de présidence, Josep Bartomeu a transformé le FC Barcelone, le Mes Que un Club, en un club normal, sans son âme, candidat au titre de champion d’Espagne et épouvantail sur la scène européenne certes, mais sans panache. Transformé de plus grand club du monde à une blague récurrente, exemple de mauvaise gestion, avec des finances dans le rouge, un Messi qui veut quitter sa maison de toujours, et l’affaire du “Barçagate”, supposée campagne de dénigrement des joueurs sur les réseaux sociaux. Etre à la fois aussi détesté humainement, professionnellement, et à deux doigts d’une motion de censure historique, Mes que un échec, un exploit.