Sans contestation possible, le sport ne peut se dissocier de sa fonction « physique ». En effet, à la différence des pratiques culturelles (lecture, cinéma…), ce dernier répond principalement à des attentes corporelles et physionomiques. Pourtant, n’oublie-t-on pas trop souvent sa fonction sociale ? Prenons l’exemple du football qui, depuis des années maintenant en France, est devenu un symbole de l’intégration par le sport. Et des luttes qui en découlent.
Le football, un vecteur d’intégration …
Dans son livre Pédagogies Sportives (1912), Pierre de Coubertin, le fondateur des Jeux olympiques modernes, définissait le sport comme « le culte volontaire et habituel de l’effort musculaire intensif appuyé sur le désir de progrès et pouvant aller jusqu’au risque ». Cette définition, vieille de plus de 100 ans, a en effet pris un « coup de vieux ». Cette dernière n’aborde en aucun cas le caractère d’intégration que peut apporter le sport. En partie, car, à l’époque, ce n’était pas spécialement le cas …
Le fait est qu’aujourd’hui, le sport est un puissant vecteur d’intégration sociale. Tous les sports confondus, bien évidemment. Cependant, le football reste sans doute le meilleur exemple pour illustrer ce propos. Le football intègre et socialise, qu’il soit considéré aussi bien individuellement que collectivement. La Coupe du monde 1998 va marquer un tournant dans cette dimension d’intégration. En France, ce grand moment de sport a été perçu chez les scientifiques comme un marqueur du sport comme vecteur d’intégration. Selon la démographe Michèle Tribalat, « il s’agit d’un grand moment d’émotion collective et de cohésion nationale avec une forte identification à une équipe elle-même très soudée. […] C’est un moment de grâce absolue où l’identification à la France opère de manière positive et sans exclusive ». Le football offre donc des modèles d’identification par le biais de joueurs en sachant que ce constat peut s’avérer vrai pour n’importes quelles grandes figures du sport.

Le sociologue Stéphane Beau se rappelle précisément du rassemblement qui suivit la victoire des Bleus face au Brésil. Selon lui, c’était tout simplement “l’intégration qui se faisait”. Le slogan “Black-Blanc-Beur” fait immédiatement son apparition et souligne bien ce phénomène d’intégration plutôt que de séparation. L’idée est alors de rassembler l’ensemble de la population française autour du football. Vingt ans plus tard, lorsque la bande à Didier Deschamps soulève une deuxième fois le trophée, une nouvelle effervescence se fait ressentir. Moins forte que la première, certes, mais qui montre une nouvelle fois que le football est l’un des seuls évènements populaires qui rassemblent autant.
… Et de luttes sociales
Le football a aussi de nombreuses vertus sociales au niveau des luttes, l’un ne va pas sans l’autre. Oui, le foot a connu des grands moments de luttes sociales en France. Prenons l’exemple du Mouvement Football Progrès. Ce mouvement de lutte sociale qui se forme au début des années 70, en France, en tant qu’héritier de l’après mai 68. Tout un ensemble de joueurs professionnels, amateurs, journalistes se réunissent pour protester contre le football moderne et commercial.
En clair, contre le football comme domaine de prédilection de la mondialisation. Ce mouvement amène même l’élaboration d’un magazine, Le Miroir du Football, par le journaliste François Thébaud. Dans le premier numéro, il explique que ce dernier vise à « lutter contre le chauvinisme qui repose sur l’ignorance des réalités du jeu, contre l’exploitation mercantile de votre passion ». Le mouvement prendra fin en 1978, mais restera dans l’histoire comme un grand moment de protestation sociale dans le milieu du football (Pour en savoir davantage, l’ouvrage de Loïc Bervas et Bernard Gourmelen, Le Mouvement Football Progrès et la revue Le Contre-Pied). Il montre bien que le football peut être un lieu de lutte. Car même si ce dernier a “échoué”, il aura surtout montré qu’un terrain de football n’a pas d’importance que lorsqu’il y a des buts. Il peut devenir un véritable lieu de lutte où des revendications surgissent.

Le nouveau rôle des réseaux sociaux
Le football, le sport populaire par excellence, est sans doute le plus porteur d’identité en France. Avec le plus grand nombre de licenciés (2 198 703 licenciés, devant le tennis et le basket), le football est, en effet, considéré comme le premier sport en France. De ce fait, il incarne certaines revendications qui s’expriment de plus en plus par le biais des réseaux sociaux. En effet, très caractéristique de notre société d’aujourd’hui, ces derniers sont généralement les plus utilisés pour exprimer une opinion ou développer ses idées. Le combat de Marcus Rashford contre la pauvreté infantile durant la pandémie du COVID-19 en est le parfait exemple. C’est sur son compte Instagram (avec environ 9 millions d’abonnés) que l’attaquant des Red Devils s’était adressé au gouvernement britannique. Une initiative payante puisque Boris Johnson acceptera de poursuivre le programme qui offre des repas gratuits aux enfants défavorisés.
L’impact des réseaux sociaux est aujourd’hui un phénomène total. Quasiment la totalité des footballeurs possède un compte Twitter, Instagram, Facebook … Aujourd’hui exposé médiatiquement autant qu’une star de cinéma ou figure politique, le footballeur utilise son image pour circuler certaines idées. Dernier exemple en date : le mouvement Black Lives Matter. Symbole de cette communication 2.0, le mouvement s’est en parti développé par le biais des réseaux sociaux. De nombreux sportifs, footballeurs compris, se sont servis de leurs comptes avec le hashtag #BlackLivesMatter en publiant un message en soutient au mouvement.
“Tout mouvement social d’ampleur est façonné par la technologie qu’il a à sa disposition, et adapte ses buts, ses tactiques et ses stratégies aux médias de son époque. »
Le magazine américain Wired
Le magazine Wired l’expliquait très bien dans une de ses publications. Il affirmait que « tout mouvement social d’ampleur est façonné par la technologie qu’il a à sa disposition, et adapte ses buts, ses tactiques et ses stratégies aux médias de son époque. ». Aujourd’hui, ce sont les réseaux sociaux. Pour autant, ne peut-on pas y mettre des limites. En effet, un mouvement de contestation ne peut pas se limiter aux seules fonctions des réseaux sociaux. Ils doivent être suppléés par des actions concrètes. Dans le cadre du mouvement Black Lives Matter, différentes actions avaient été mises en place sur les terrains de football. Sans doute l’une des plus symboliques d’entre elles, le genou à terre que posait chaque joueur de Premier League avant le coup d’envoi. Une action concrète et symbolique que les réseaux sociaux n’ont pas hésité à relayer.
Le football rassemble. Le football lutte. Le football intègre. Ces fonctions, bien que secondaires après le jeu à proprement parlé, sont des caractéristiques importantes de ce sport. En effet, le football en particulier, et le sport en général peuvent jouer d’importantes fonctions politiques, idéologiques et sociales. Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, cette fonction n’a pas disparu, mais muté vers de nouveaux moyens de communications. Sont-ils moins porteurs ? Ceci est un autre débat…
Très bon article, j’ai appris beaucoup de choses. Je recommande ce genre d’article socio-historique sur le sport qui nous apporte certains éléments de compréhension quant au sport d’aujourd’hui.
Bravo Juliette !