Ce dimanche s’est conclu le dernier grand tour de cette saison 2020. Au terme de trois semaines de course, le Slovène Primoz Roglic s’est adjugé son deuxième Tour d’Espagne consécutif. Concernant les vainqueurs des classements distinctifs, on retrouve Primoz Roglic pour le maillot vert, Enric Mas pour le maillot blanc et le Français Guillaume Martin. Après un bon Tour de France, le philosophe du peloton est parvenu à gagner la course aux pois, ouvrant la porte à différentes possibilités pour la suite de sa carrière.
Une progression linéaire
Le Français Guillaume Martin (27 ans) est un jeune coureur du peloton World Tour. En 2016, il passe professionnel chez l’équipe belge Wanty-Groupe Gobert. Un an plus tard, il découvre le Tour de France à l’âge de 24 ans à la suite d’une invitation offerte à sa formation. A l’issue de sa première course de trois semaines, il termine à 23e place. Sa progression continue l’année suivante avec une 21e place au classement général. En 2019, il gagne neuf places pour se classer à la 12e place. Après trois participations au Tour de France avec l’équipe belge, il quitte sa formation pour rentrer dans son pays natal en signant chez la Cofidis.
Passage d’un cap
La saison 2020 s’annonçait comme un nouveau départ pour Guillaume Martin et le grimpeur de la Cofidis a confirmé les promesses que l’on avait de lui. Après des troisièmes places au Mont Ventoux Dénivelé Challenges et Critérium du Dauphiné, le grimpeur de la Cofidis participe à son quatrième Tour de France consécutif. Dès la première arrivée au sommet à Orcières-Merlettes, il accompagne les meilleurs et tente de dynamiter la fin d’ascension en attaquant dans les derniers hectomètres. A l’issue de l’étape, il termine 3e derrière Roglic et Pogacar.

Quelques jours plus tard à la sortie du week-end Pyrénées, il se retrouve provisoirement sur le podium de la Grande Boucle. Résonne alors en nous les propos de son directeur sportif Cédric Vasseur qui déclarait quelques mois plus tôt que Guillaume Martin pouvait aller chercher un top 5. Des propos qui paraissaient utopistes, mais qui au soir de la première journée de repos ne faisaient plus rire personne.
Malheureusement, une chute est venu perturber sa fin de Tour de France. Il termine à la 11e place du classement général. Certes, son classement est proche de celui de l’an dernier, mais il ne reflète pas les progrès réalisés par le grimpeur de 27 ans, au cœur d’un plateau diablement relevé.
Vuelta 2020 : une autre facette de Guillaume Martin
Après un Tour de France qui a vu l’avènement du jeune Tadej Pogacar, Guillaume Martin a pour la première fois participé au Tour d’Espagne. Sponsor de la compétition, la Cofidis a une place garantie chaque année sur les routes espagnoles et c’était une opportunité pour Martin de découvrir une autre épreuve de trois semaines, et de courir autrement.
Sur les routes du Tour de France, Guillaume Martin court chaque année pour obtenir le meilleur classement général possible. Au départ d’Irun du côté du Pays basque, le Français avait un autre objectif en tête : jouer les victoires d’étapes. Remuant et souvent dans les bons coups, Guillaume Martin a été un acteur actif de cette 75e Vuelta. Au final, on l’a retrouvé dans 7 échappées sur 17 étapes en ligne. Souvent proche de lever les bras pour la première fois sur un grand tour (2e de la cinquième étape, 6e de la sixième étape, 5e de la septième étape, 5e de la onzième étape), le Français a profité d’être souvent à l’avant de la course pour aller chercher le maillot à pois.

Sur ce Tour d’Espagne, Guillaume Martin a appréhendé la course différemment de d’habitude, comme il l’a déclaré chez nos confrères de Cyclism’Actu : “C’est une nouvelle manière de courir pour moi, j’ai pris du plaisir c’est différent de ce que je peux faire habituellement. Mes qualités premières sont plus d’être tranquille en début d’étape et d’attendre le final. Donc là, je dois un peu forcer ma nature”. De quoi changer sa façon d’aborder les courses de trois semaines ?
Et maintenant, quelle route doit-il prendre ?
Avec ce Tour d’Espagne, Guillaume Martin s’est découvert une autre manière de courir. Si l’on fait le bilan, le français finit 14e du général, maillot à pois et souvent proche de la victoire d’étape. Plus que correct ! Cette Vuelta peut et doit titiller l’esprit du coureur et du staff de la Cofidis. Martin doit-il devenir un chasseur d’étape et de maillot à pois au détriment du général ?
Si l’on regarde ces dernières performances au contre-la-montre lors des grands tours, Guillaume Martin n’a pas (encore) les qualités de rouleurs nécessaires pour lui permettre de viser un très haut classement général, dans un cyclisme moderne où les grands tours sont très serrés. Sur la Vuelta, il a terminé 41e à 3min19 sur l’unique épreuve chronométré de l’édition. Quelques semaines plus tôt sur le contre-la-montre individuel de la Planche des Belles Filles du Tour, il a terminé 26e, mais à 4min39. Des petites lacunes sur l’effort solitaire qui peuvent sonner comme un indicateur pour la suite de la carrière du coureur de la Cofidis.
Comme il l’a déclaré chez Cyclism’Actu, l’intéressé n’a pas comme idée première de délaisser le classement général : ”Je pense qu’à l’avenir, je ne vais pas délaisser les classements généraux, je pense au Tour de France dont le parcours va être annoncé ce soir. Mais cela me permet sporadiquement d’envisager autre chose.”
A l’annonce du parcours d’un Tour de France 2021 promis à un bon rouleur, Guillaume Martin a peut être changé d’avis. 58 kilomètres de contre-la-montre, ça limite ses possibilités. Et si le grimpeur de la Cofidis adaptait ses objectifs selon les grands tours qu’il dispute ? Le Français pourrait s’inspirer du Polonais Rafal Majka.
Excellent grimpeur, Majka participe aux grands tours avec deux approches différentes. Sur le Tour de France, il délaisse le classement général et se concentre sur les étapes. Une stratégie payante puisqu’il a levé trois fois les bras et remporter deux maillots à pois. Sur les autres tours plus adaptés à ses qualités de grimpeurs purs, il joue le classement général. Parmi ses meilleurs résultats : un podium du Tour d’Espagne 2015 auquel il faut ajouter cinq autres tops 7 (quatre sur le Giro et un sur la Vuelta en 2019).
Une équipe faîte pour adhérer à sa philosophie
Cette façon libre de courir, elle a tout pour être en adéquation à ce que souhaite sa formation Cofidis. L’équipe nordiste n’a pas les armes pour lui offrir un effectif l’accompagnant en montagne dans les grands tours. De plus, elle est désespérément en quête d’une première victoire sur le Tour de France depuis 2008. Une éternité pour une formation qui a tant brillé par le passé. C’était d’ailleurs son objectif déclaré au départ de la Grande Boucle. Passé pas loin avec Jésus Herrada au Mont Aigoual, l’équipe de Cédric Vasseur n’a jamais pu jouer la carte Guillaume Martin (dans les échappées), coureur à la fois trop proche des meilleurs au général et trop diminué sur la fin du Tour.
Sur la Vuelta, il a continué les belles performances de Cofidis en allant chercher des victoires d’étapes et ramenant le maillot de meilleur grimpeur, tradition chez la formation nordiste (David Moncoutié, vainqueur de cette tunique de 2008 à 2011 et Nicolas Edet en 2013). Tout ceci montre un environnement adéquat pour que Guillaume Martin devienne un formidable coureur d’échappée montagnarde.
Quelques exemples du passé
Ces dernières années, certains coureurs ont choisi l’option d’attaquer plutôt que subir. C’est le cas de Pierre Rolland. Elevé au rang de pépite du cyclisme français en 2011 lorsqu’il joue le gregario du maillot jaune Thomas Voeckler, termine 10e et remporte le maillot blanc sur le Tour de France, Rolland a pendant quelque temps jouer le classement général. A raison. Par la suite, il a terminé 8e du Tour de France 2012 et réalisé une remarquable 4e place du Giro en 2014. Avec le temps, le grimpeur a fini par délaisser cet objectif, comme il l’expliquait il y a quelques semaines au journal Le Monde : “Je déteste subir, et quand on est dans le peloton, on ne fait que ça et attendre son heure d’exploser, expose le vétéran. C’est pour ça que je ne veux plus faire le classement général, c’est une course où on attend juste son heure de péter. Et ce n’est plus ce dont j’ai envie.”.
Un autre coureur important du peloton a fait ce choix, c’est le Belge Thomas de Gendt. Lors de sa seconde participation à un grand tour, il a terminé 3e du Tour d’Italie 2012 en remportant une étape de prestige au sommet du Stelvio. Pourtant, le coureur Belge n’a pas voulu se concentrer sur le classement général (depuis il n’a pas fait mieux qu’une 40e place sur un grand tour). Avec cette approche de la course, il a pu remporter des étapes sur les trois grands tours, gagner le classement de la montagne du maillot à pois du Tour d’Espagne 2018, et surtout prendre du plaisir.
L’an dernier, il revenait sur ce choix pour le site anglais cyclist.co.uk : “Si vous êtes un coureur de classement général, tout peut mal tourner en une fraction de seconde. Tout le travail effectué, toute la préparation. De plus, lorsque vous jouez le général, vous devez être là tous les jours et c’est très stressant. Je ne pouvais pas gérer ce stress. Les échappées me conviennent beaucoup plus. Si cela ne fonctionne pas un jour, vous avez toujours le lendemain pour vous rattraper. Au final, je pense avoir un palmarès plus grand que si je m’étais concentré sur les classements généraux.”
Le Tour d’Espagne 2020 se termine et nous a permis de découvrir un nouveau Guillaume Martin, offensif et souvent à l’avant de la course. Après des Tour de France avec le général en ligne de mire, le grimpeur a pu appréhender d’une autre manière la participation à une course de trois semaines. Tout cela peut l’amener à se poser des questions et réfléchir sur les objectifs qu’il doit viser. Et pour vous, vers quoi doit s’orienter Guillaume Martin ?