Les sports les plus médiatisés et les plus regardés ont tendance à nous faire oublier qu’il y a dans notre pays, des talents incroyables. Des chaînes gratuites nous permettent d’en suivre un échantillon grâce à la diffusion de certains sport en clair. Le grand public a par exemple découvert un immense champion en la personne de Martin Fourcade. Mais celui qui attire notre attention aujourd’hui est un autre talent : Vincent Luis. Cet athlète de 31 ans excelle dans un sport qui en regroupe trois, le Triathlon. Il concourt sur la distance Jeux Olympiques (M : 1,5 de natation, 40km de vélo et 10km de course à pied) mais aussi des distances plus courtes (S) et des relais. Après avoir effacé la déception de Rio, il domine maintenant le triathlon mondial. Retour sur l’itinéraire d’un Stakhanoviste de son sport.
Une construction linéaire et sérieuse
A l’origine, Vincent commence par la natation à 6 ans pour suivre sa grande soeur. Il atteint un très bon niveau national mais passionné par les courses qu’il a regardé plus jeune et attiré par l’envie de pratiquer un sport complet, il se met au triathlon. A l’âge de 15 ans, il intègre le Groupe Triathlon Vesoul. Nager, pédaler et courir seront son quotidien à partir de maintenant. Il intègre la section sport étude de Nancy et l’idée de devenir professionnel vient petit à petit. De par l’éducation qu’il reçoit de ses parents et notamment de son Papa, le jeune homme est respectueux, sérieux à l’école comme dans sa discipline. Il donne son maximum et repousse sans cesse ses limites afin d’atteindre les objectifs qu’il se fixe.

Après de longues années d’apprentissage dans un sport qui ne couronne que rarement les très jeunes, Vincent devient d’abord Champion d’Europe et du monde Junior en 2008. Il est Champion de France U23 en 2010 et c’est cette année qu’il éclot aux yeux du grand public. Il devient vice champion de France et remporte une étape de Coupe d’Europe en Suisse. Il est alors licencié au club de Sainte Geneviève des Bois.
Après une nouvelle victoire en coupe d’Europe en 2011, il gagne sa qualification pour les JO de Londres en 2012. Il termine à une encourageante 11 ème place pour sa première participation. Le triathlète obtient son premier titre de Champion de France en 2013 et c’est en 2014 qu’il signe son premier podium sur le circuit mondial (WTS) avec une 2ème place à Hambourg. Il va s’installer définitivement dans l’Elite mondiale à partir de ce moment-là.
En 2015, il franchit un vrai cap. En plus d’un nouveau titre de Vice Champion de France, il monte quatre fois sur le podium du WTS. Sa première victoire intervient à Hambourg (premier français à gagner sur le circuit mondial) ce qui lui permet de terminer 3ème au classement final des Championnats du monde. Il est également Champion du Monde en relais mixte avec ses coéquipiers de l’Equipe de France. Il monte alors définitivement dans les classements mondiaux à l’approche des JO de Rio.

Le tournant de sa carrière
Pendant l’hiver précédant les JO, Vincent Luis décide de mettre l’accent sur l’amélioration de la course à pied car il se sent perfectible dans cette discipline. A la surprise générale, il termine 2ème des Championnats de France de Cross-Country devant des spécialistes de la discipline. Il remporte une étape du Championnat de France ainsi que les premiers Championnats d’Europe de Sprint ce qui lui permet de faire le plein de confiance avant les JO qui ont lieu en août.
Le triathlète Français ne se cache pas : “Je viens pour gagner”. Après une bonne natation, il ressort dans le groupe de tête et arrive à s’échapper avec 9 autres coureurs. Il se sent bien et participe aux relais appuyé des frères Brownlee, favoris du jour. La montée qui affiche pourtant une pente de presque 20% se monte au sprint. Au moment d’attaquer la course à pied, Luis est bien placé et les sensations ne sont pas mauvaises. Mais les frères Anglais décident de durcir la course à nouveau et le Français doit se résoudre à perdre le contact au bout de 1,5km. La suite ? Un long calvaire de 8,5km qui voit son rêve de médaille olympique s’éteindre. Il est dépassé par plusieurs concurrents et finit 7ème de l’épreuve. Il a tout tenté et n’a pas de regrets. Il déclare après la course être tombé sur plus fort.

Le coup est dur à encaisser pour ce champion qui visait la victoire. Il est perdu et se demande à quoi bon s’entrainer encore 40h par semaine pendant 4 ans pour atteindre les prochains JO. Il décide de zapper la fin du circuit mondial et part au Kenya afin de se confronter à d’autres méthodes d’entrainement dans des conditions difficiles. Ce stage va provoquer un énorme déclic chez lui :
«Je suis parti au Kenya cinq semaines. J’y ai vu des gens qui couraient pour se payer un repas du soir ou pour survivre, des enfants de cinq ans qui allaient chercher l’eau à la fontaine pieds nus… Je me suis remis en question, je me suis rendu compte de la chance que j’avais d’avoir ma vie.»
Il rentre motivé comme jamais et plein d’ambition, le nouveau Vincent Luis est prêt à rebondir !
Gagner le droit s’entourer des meilleurs
Après une année 2017 de transition au cours de laquelle il gagne quand même deux étapes du circuit Français, fini troisième de l’étape WTS d’Abu Dabi et gagne l’étape final de Rotterdam sous une pluie battante.
Il continue sur sa lancée en 2018. Il termine de nouveau 3ème de l’étape d’Abu Dabi, est Champion de France courte distance et termine là aussi 3ème de Leeds. Sa fin de saison est incroyable : 2ème à Hambourg, 1er à Gold Coast (2ème du Championnat du Monde au final), 3 victoires en SuperLeague (nouveau format privé) et le titre final ainsi qu’un nouveau titre de Champion du Monde en relais mixte.

Mais l’important cette année-là ne sont pas tant ses victoires, mais bien l’arrivée dans son nouveau Team. Il rejoint la structure privée de Joël Filliol et aura comme partenaire d’entrainement Mario Mola, star incontestée de la discipline. Sa carrière vient de prendre un nouveau virage important et Vincent Luis va entrer dans une ère de domination incroyable.
Un premier but atteint
Auréolé de son titre en Superleague qui s’est finie début 2019, Vincent Luis attaque la saison 2019 avec plus de certitude. L’entraînement mis en place aux Etats-Unis avec son coach porte ses fruits. Il remporte l’épreuve de Yokohama sur distance M avant de prendre la 2ème place sur l’étape de Leeds. Après une saison sous le signe de la régularité (il gagne avec l’Equipe de France un nouveau titre de Champion du Monde en relais mixte), il termine 5ème de la grande finale de Lausanne et devient le 2ème Français Champion du Monde de Triathlon. Ce titre vient consacrer plus de 10 ans d’entraînement rudes. L’humilité ne l’a pas quitté et il se précipite vers son partenaire d’entrainement qu’il vient de battre pour le titre.
C’est un mec avec qui je m’entraîne toute l’année. Il a été trois fois champion du monde, il aurait pu l’être quatre fois (le record de la discipline). Qui plus est à la suite, ce qui n’est jamais arrivé. C’est quelqu’un qui m’a tendu la main il y a un peu plus d’un an quand j’ai rejoint son groupe d’entraînement alors qu’il aurait très bien pu faire l’inverse. Donc j’ai forcément eu de la culpabilité vis à vis de lui quand j’ai passé la ligne d’arrivée. C’est un gars qui m’accueille à bras ouverts et moi je lui prends ce titre, qui aurait tout aussi bien pu lui revenir.
Surtout le champion a changé de dimension dans son quotidien et a compris beaucoup de choses. Rien de lui échappe et tous les gains marginaux sont bons à prendre. Comme il l’a fait tout au long de sa carrière, il se dévoue totalement à son sport et ne laisse rien au hasard. Entraînements, soins, récupération, alimentation (son entretien pour GQ en 2019 est très instructif à ce sujet), matériel utilisé (vélo, chaussures, technologie pour l’entrainement et le soin), il fait attention à tout tel un métronome.
“Je m’entraîne 30 à 35 heures effectives par semaine. Ça ne prend pas en compte la douche ! En moyenne, cela donne 30 km de natation, 500 km de vélo et 100 km de course à pied (…) Même au cours de l’année, les jours de repos sont généralement ceux où l’on voyage. Se lever le matin et se dire ‘Ah c’est bon, on n’a rien à faire aujourd’hui’, ça n’existe pas.”
Même pour l’épreuve pré-olympique de Tokyo, alors qu’il aurait pu prendre des repères, il se sait en bonne position pour remporter le Championnat du Monde 2019 donc il préfère s’éviter un voyage et des décalages horaires. Il envoie son coach prendre des mesures de chaleur, d’humidité, de puissance développées sur le parcours vélo.. pendant que lui se prépare pour sa fin de saison.
Il n’hésite pas non plus à utiliser la technologie comme lors de l’étape finale de Lausanne lors de laquelle il ingère une gélule qui transmet des données de son corps et permet d’analyser comment celui-ci a réagi. Ce jour la il a souffert sans réellement savoir d’où venait le problème. Cette gélule va lui permettre de savoir si c’est son alimentation, la chaleur ou les deux qui ont influé sur sa performance. Si pour certains tout ça peut passer pour des sacrifices, lui, voit ça comme des concessions. Il a mis du temps pour arriver en haut mais il voit ses efforts récompensés.
La confirmation avant de décrocher le graal ?
Après un confinement passé très sereinement en raison d’une organisation optimale, Vincent Luis est arrivé frais et en forme en septembre pour l’objectif majeur de la saison. Pour cause de pandémie, le Championnat du Monde 2020 se déroulait sur une unique course. Le Français l’a maîtrisé de bout en bout et ainsi conservé son titre de Champion du Monde.
Après cette victoire importante, le triathlète a enchainé en remportant trois épreuves de coupe du monde, restant invaincu en 2020. Il confirme qu’il est l’homme à battre de cette année pré-olympique. Le néo-champion double Champion du Monde a battu Alistair Brownlee, futur adversaire sur les JO de Tokyo au sprint lors de l’étape de Valence.
Rien ne semble pouvoir arrêter Vincent Luis dans son objectif “Médaille d’or Olympique”. Il a trouvé une structure parfaite pour s’épanouir, qui s’occupe de tout pour lui. Il ne lui reste “plus qu’à” performer en mettant en application tout ce qu’il a pu apprendre au cours de sa carrière. Toutes les courses qui le séparent de Tokyo vont lui servir à optimiser ses performances et engranger de la confiance jusqu’au jour J. Ses principaux adversaires se préparent dans l’ombre mais le Français s’avance en favori pour décrocher la médaille qu’il convoite tant. Vincent est un champion en mission qui nous fera tous vibrer le 26 juillet 2021 à Tokyo avec une belle chance de médaille à la clé.
Très bon article!
J’espère que Vincent va continuer sur sa lancée 🤞
Un champion que nous aimerions être tous.
Mais il faut la volonté,le travail et le partage…..