Le biathlon est orphelin de son meilleur ambassadeur depuis 10 ans. En effet, la saison va reprendre sans l’immense Martin Fourcade. Le Français qui avait pris la relève de Raphaël Poiré a déchaussé les skis après avoir amené le biathlon Français dans le top des nations mondiales. Martin, qui vient d’être intronisé au Guinness World Record grâce à ses 7 titres consécutifs, était le porte étendard d’une délégation en pleine progression depuis plusieurs années. Derrière l’ogre Norvégien, la France s’est fait sa place et a bien distancé des nations comme la Russie ou l’Allemagne. Preuve du niveau atteint pour nos tricolores, le coach actuel des Norvégiens, nation dominante du Biathlon, n’est autre que l’ancien coach de l’équipe de France, Siegfried Mazet. Qu’en est-il des chances de l’équipe masculine bleu-blanc-rouge ?

Un Homme a fait grandir le biathlon Français
Afin de comprendre comment l’équipe de France en est arrivé là, il faut se replonger dans le passé proche. Lorsque Martin Fourcade remporte son premier titre en 2012, la France n’a pas remporté le classement général depuis 7 ans (le dernier étant Raphaël Poiré en 2004). 3 petits globe de spécialités sur 28 possibles, 8 français dans le top 10 sur 7 ans avec déjà deux top 10 pour le futur champion. La France ne finit jamais mieux que 4ème au classement des nations. Les Norvégien dont un certain Ole Einar Bjorndalen dominent le biathlon mondial. Seul le titre olympique brillamment obtenu par Vincent Defrasnes lors des JO 2006 vient redorer le blason masculin Français.

Puis en 2012, commence la moisson du Catalan. En 8 ans, une pluie de records s’abat : 7 titres consécutifs, 33 globes de cristal, 83 victoires en coupe du monde, 7 médailles olympiques dont 5 en Or (Français le plus titré des jeux), 28 podiums aux Championnats du monde dont 13 titres. Tout simplement phénoménal, la domination poussée à son paroxysme. Malgré ses chiffres à faire pâlir un Norvégien, Martin est l’arbre qui cache la forêt. Lors de ses 6 premiers titres, un seul Français se hisse dans le top 10 mondial, son frère aîné, Simon en 2012.
Mais au-delà de gagner, le Français s’est fixé un objectif : faire parler du biathlon. Diffusé sur une chaîne payante jusqu’en 2015, le biathlon va devenir en accès gratuit à partir de 2015 dans le sillon d’un Martin toujours plus incroyable que jamais.
Se développer sous l’aile du Champion
Qui dit plus d’exposition, dit plus de vocations et de moyens. L’équipe de France continue de grandir tout doucement derrière son recordman. Martin essaye d’aider son sport en lui rendant ce qu’il lui apporte. Il est la phare qui guide le biathlon Français.
« Il était sous les projecteurs et les autres pouvaient se cacher derrière. Il a emmené tout le monde derrière lui. »
Stéphane Bouthiaux, directeur du biathlon à propos de Martin. Source ledauphine.com 2020
C’est à partir de la saison 2016/2017 que les choses vont s’accélérer. Le Catalan remporte son 6ème titre en établissant le record de 14 victoires sur la saison. La France finit deuxième au classement des nations, à seulement quelques points de l’Allemagne, place qu’elle ne va plus quitter jusqu’à aujourd’hui.
Lors de la saison suivante, après plusieurs années à apprendre, Quentin Fillon-Maillet et Simon Desthieux finissent dans le top 10. Martin lui obtient son dernier titre et devient le seul à atteindre sept gros globes à la suite. Il gagne tous les globes de cristal pour la 3ème fois consécutive.

La relève se montre
« Il a changé le biathlon français et nous a tellement apporté. Grâce à lui, on a une équipe forte qui peut reprendre le flambeau sans avoir peur. »
Quentin Fillon-Maillet à propos de Martin Fourcade. Source ledauphine.com 2020
Lors de la saison 2018/2019, Martin Fourcade est diminué par des problèmes physiques et doit tirer un trait sur une bonne partie de la saison. Malgré l’absence du numéro 1 de l’équipe, la France reste deuxième au classement des nations grâce aux confirmations de Quentin et Simon. Ils finissent respectivement 3ème et 4ème au classement général. Le premier obtient même 2 victoires lors d’une saison qui voit l’avènement de celui qui peut, peut-être un jour, dépasser Martin : Johannes Boe. Le Norvégien bat le record du nombre de victoires du Français sur une saison en raflant 16 victoires.
« Martin est une légende, il a poussé tout le monde à devenir meilleur, notamment moi-même et pas seulement comme biathlète mais aussi comme personne. Je veux le remercier au nom de toute la Norvège pour toutes les batailles livrées contre Ole Einar Bjoerndalen, contre Emil Svendsen et contre moi. Il va manquer à notre équipe. »
Johannes Boe qui explique l’importance de Martin Fourcade dans ses performances au moment de la retraite du Français. Source sport24.lefigaro.fr 2020
La meilleure saison jamais réalisée dans l’histoire du biathlon Français est donc intervenue l’année dernière. Si Martin Fourcade a échoué au classement général pour 2 petits points derrière Johannes, la France a placé quatre de ses athlètes dans le Top 6 mondial. En plus des trois habitués au top 10, Emilien Jacquelin gagne le petit globe de la poursuite et se classe 5 ème de la Coupe du Monde. Une belle progression pour sa troisième année sur le circuit pour celui que Martin avait pris sous son aile. Ce dernier s’est lui retiré après avoir conquis le dernier titre qu’il lui manquait, celui qu’il attendait depuis longtemps car il correspond à ses valeurs de partage : le titre de Champion du monde en Relais avec ses coéquipiers.

Un avenir radieux
La seule ombre au tableau de cette année sera l’absence du néo retraité qui par ses performances et ses prises de parole permettait à ses coéquipiers de rester dans l’ombre et loin de l’agitation médiatique. Pour autant la saison 2018/2019 a montré que sans le Catalan, les Français pouvaient quand même performer. Il faudra malgré tout transformer les podiums en victoire si les Français veulent lutter au classement général. En effet, Quentin et Emilien ont cumulé 18 podiums pour “seulement” 2 victoires. L’International Biathlon Union (IBU) a lui même publié sur son site un article résumant la saison à une lutte Johannes Boe contre les Français pour les petits et gros globes.

L’équipe de France se prépare en ce moment dans la station de Bessans qui s’est mise en mode Biathlon afin de mettre les athlètes dans les meilleures conditions. Le temps pour eux d’affuter les corps et poser les ambitions. Quentin Fillon-Maillet vise ouvertement le classement général de la Coupe du Monde avec dans un coin de sa tête les Championnats du Monde qui auront lieu du 10 au 21 février prochain en Slovénie. Il revendique le leadership de l’équipe en l’absence de Martin. Lors des derniers tests organisés par le staff, il s’est rassuré sur son état de forme et il semble en grande forme. Suffisant pour faire tomber le tenant du titre Norvégien ? A lui de nous montrer qu’il peut reprendre le flambeau.
“Évidemment mon objectif est de me bagarrer pour le gros globe de cristal. C’est quelque chose que j’ai très envie de faire. Et c’est pareil pour les championnats du monde. Si j’échoue, ce sera une grande déception. Je suis dans l’optique de partir pour gagner et rester plus régulièrement sur la première place du podium. Ça passera évidemment par des victoires en coupe du monde. (…) Je m’entraîne pour la gagne, que pour la gagne.”
source nordicmag.info
Son jeune coéquipier, Emilien Jacquelin, sera là pour franchir un nouveau cap. Rapide sur les skis, il manque encore de constance au tir mais son avenir ainsi que celui de l’équipe de France s’annonce brillant. Il a remporté le petit Globe de la poursuite qui est une épreuve qui impose d’être régulier sur deux épreuves (le sprint d’abord qui détermine le classement pour l’épreuve de poursuite). Le jeune homme est également devenu Champion du Monde de la poursuite en Italie confirmant son feeling avec cette épreuve. Il aime donc la confrontation mais a plus de mal sur les individuelles par exemple. Il a vécu un début de préparation un peu compliqué à cause d’un coup de moins bien mental. En sortie de confinement, qui est intervenu pendant les habituelles vacances des biathlètes, il a voulu reprendre fort mais s’est vite senti fatigué. Depuis, tout est rentré dans l’ordre et il avouait il y a quelques jours avoir l’appétit grandissant à mesure que la première épreuve approche. Il faudra être plus que motivé avec les complications liées à la pandémie actuelle.
“J’ai envie de progresser en ski même si j’avais déjà un bon niveau l’hiver dernier. Si je veux viser le haut du général, ça me demande de passer un cap supplémentaire. Il m’a manqué la régularité, plus liée à un aspect mental que physique, la saison passée. Au niveau du tir, c’est encore une fois la recherche de la régularité.“
source nordicmag.info

Une saison particulière
Si en temps normal il faut être uniquement le plus constant et le plus fort sur la saison entière, cette année, il faudra également être le plus vigilant. Les règles de certains pays ne laissent pas le droit à l’erreur et un cas positif parmi une nation peut entraîner la mise en quarantaine de toute l’équipe. Comme par exemple en Finlande lors des deux premiers week-end de course. Il faudra donc vivre dans une sorte de bulle et être le plus prévoyant possible avant d’éviter de perdre des points bêtement.
Il n’y a également eu que très peu de courses de pré-saison et donc de confrontations entre les favoris. Celles-ci donnent souvent le ton de la saison et permettent aux athlètes de se rassurer avant le début de la saison. Cette année, ce sera la découverte pour tous lors de l’individuelle d’ouverture de Kontiolahti en Finlande. Un effort d’endurance (20km pour les hommes et 15km pour les femmes) avec 4 tirs. Rien de mieux pour connaître l’état de forme de chacun.
Malgré ses conditions particulières, l’organisateur de la Coupe du Monde a mis tout en oeuvre pour proposer un spectacle de qualité. Pour équilibrer les éventuelles impasses du à la COVID 19, l’IBU a prévenu que 4 moins bonnes courses de l’année seront retirées pour le décompte final du classement contre 2 en temps normal. De nouveaux dossards devraient également voir le jour. Le dossard Or sera porté par les Champion du monde en titre lors des prochains Mondiaux. Le dossard Bleu sera lieu réservé au meilleur jeune (moins de 25 ans) à l’image du maillot blanc sur le Tour de France.
A l’instar d’autres sports qui vivent une saison particulière, le biathlon revient dans un environnement particulier avec des aménagements permettant la tenue d’une Coupe du Monde avec une dizaine de week-end de course. Les conditions seront les mêmes pour tous les biathlètes et le rôle des staffs sera encore plus primordial pour mettre leurs champions dans les meilleurs conditions physique et psychologique. Si Johannes Boe fait figure de grandissime favori, Quentin Fillon-Maillet s’est donné les moyens pour jouer le titre. Il aura la lourde tâche de remplacer Martin Fourcade. Il sera le guide de l’équipe de France masculine. Emilien Jacquelin doit confirmer sa bonne saison et peur rêver de mieux. Nul doute que l’émulation au sein du groupe France hissera chacun à son meilleur niveau avec pour objectif de maintenir notre pays dans le haut du gratin mondial. Rendez-vous samedi prochain à 12h pour la reprise et le début du spectacle.