La masse salariale provoque des cauchemars chez certains directeurs généraux dans la ligue. Il faut être habile pour créer une équipe compétitive tout en parvenant à rester en dessous du plafond. Avec l’augmentation des revenus de la ligue grâce aux droits télés versés par les chaines chaque saison, les équipes voient le plafond augmenter d’année en année leur permettant d’avoir plus d’espace pour proposer des contrats plus intéressants à certains joueurs. Néanmoins la pandémie est passée par ici et la ligue a été obligée de maintenir le plafond à la même hauteur que la saison dernière c’est-à-dire 81,5 millions de dollars. Une annonce difficile pour certaines franchises qui pensaient pouvoir profiter de l’augmentation de la masse salariale sur les prochaines années pour compenser certains contrats signés lors des saisons précédentes. La bulle spéculative observée depuis quelques saisons avec des gros contrats signés s’apprête-t-elle à exploser et provoquer un changement radical dans le comportement des directeurs des franchises? Le dernier marché des agents libres a donné quelques éléments de réponse.
Des franchises contrariées par la stagnation du plafond
La pandémie n’a pas épargné le monde du sport et encore moins la NHL. Alors que la ligue envisageait une augmentation du plafond salariale en février pour cette saison, l’interruption de la saison liée à la pandémie à bouleverser les plans de la ligue. Elle a dû se résigner à laisser le plafond au même niveau que la saison dernière. Pire les deux prochaines pourraient subir la même chose. Ainsi le plafond pourrait rester le même jusqu’en 2023. Un vrai problème pour certaines franchises, certaines ayant fait signer des contrats en prévision d’une augmentation du plafond salarial. Pour comprendre la déconvenue pour certaines franchises, il suffit de regarder le nombre de franchises encore au-dessus du plafond salarial. Ainsi 10 franchises sont encore au-dessus de celui-ci alors qu’on approche du mois de décembre et de la reprise de la saison. Pour ces franchises, l’objectif est clair, elles vont devoir trouver des équipes possédant encore de la place dans leur masse salariale et acceptant de récupérer leur joueur ou alors couper certains joueurs et étaler leur salaire sur plusieurs saisons.

Par ailleurs, il faut rajouter la fin du contrat avec la télévision américaine qui n’a pas encore été renouvelée par la ligue et la chaine NBC. Un contrat d’une grande importance pour la NHL qui tombe au mauvais moment avec cette pandémie. La NHL n’est pas aidée avec les audiences des dernières finales qui ont été en dessous de celles de l’année précédente et avec la pire audience pour un match couperet en 20 ans selon John Lewis, fondateur de ‘Sports Media Watch’ qui analyse les audiences des sports depuis 2006. Néanmoins Lewis considère que la NHL ne devrait pas avoir de mal à obtenir une extension avec une hausse du montant avec la chaine NBC. Pour lui, il suffit de voir l’extension signée par la MLB et Turner Sports pour 7 ans et 3,7 milliards de dollars ce qui représente une augmentation de 65% par rapport au contrat actuel.
Les déclarations de la chaine NBC ne devraient pas plus inquiéter la ligue:
‘Nous aimons notre partenariat avec la NHL et nous espérons le continuer encore longtemps’
NBC Sports Group
Il n’empêche que la stagnation du plafond a bloqué beaucoup de directeurs généraux durant l’intersaison, certaines masses salariales étant déjà pleines, la faute à des contrats parfois très conséquents et pour une durée longue. Il suffit de regarder parmi les équipes dépassant encore le plafond: les Leafs ont signé de nombreuses extensions lors des deux dernières saisons avec trois joueurs prenant à eux seuls environ 33 millions de la masse salariale de la franchise de Toronto. Certes ces contrats sont mérités, les joueurs que sont Tavares, Marner et Matthews sont talentueux et la franchise ne pouvait prévoir l’arrivée de cette pandémie. Mais Kyle Dubas a dû bricoler durant cette intersaison pour renforcer son équipe. Il a dû laisser des joueurs partir sans pouvoir les prolonger. Seul Tj Brodie a signé un gros contrat avec la franchise de Toronto tandis que Wayne Simmonds et Joe Thornton ont signé pour une seule saison et un petit contrat. On peut citer les Capitals qui ont eux aussi de nombreux gros contrats dans leur masse salariale. Ils ont dû eux aussi limiter les arrivées avec seulement celle de Justin Schultz qui a signé pour 2 ans et 8 millions de dollars.
Le plafond a entrainé de nombreuses remises en question de la part des directeurs généraux dans leur approche du marché des agents libres. Les gros contrats n’ont pas été au rendez-vous. Les deux plus gros contrats signés par les franchises durant cette intersaison ont été ceux d’Alex Pietrangelo qui a signé pour 7 ans et 61,6 millions de dollars et Torey Krug qui a signé pour 7 ans et 45,5 millions de dollars. Des contrats conséquents mais rares tandis que les franchises ont préféré se focaliser sur des contrats plus courts et moins onéreux pendant cette difficile période.
L’inévitable modification des comportements des directeurs généraux
Alors cette pandémie va-t-elle entrainer un changement inexorable dans le comportement des directeurs généraux pour gérer leur masse salariale. Ainsi à l’instar des autres ligues américaines, la NHL a tendu vers des contrats plus gros que ce soit au niveau salarial ou au niveau de la durée. Les contrats des joueurs de compléments sur les deuxième et troisième lignes ont considérablement augmenté. L’augmentation du plafond salariale a permis cette augmentation des salaires et les joueurs ont eux aussi mérité ces salaires. Néanmoins la pandémie risque de modifier cette augmentation exponentielle des salaires chez les joueurs.
Et ce comportement a semblé commencer dès cette saison avec des contrats plus courts signés par la plupart des franchises. Très peu de contrats ont été signés sur le long terme à part quelques prolongations et les gros agents libres qui n’ont pas eu de mal à trouver un gros contrat malgré la pandémie. Les seules équipes qui sont parvenues à signer des joueurs ont été les équipes avec le plus de place dans leur masse salariale. Ainsi les Senators sont parvenus à attirer quelques joueurs tels que Matt Murray et Evgeni Dadonov. Ils ont aussi prolongé Connor Brown. Des recrutements permis grâce à la place faite par les Senators depuis plusieurs saisons. Pour le reste des équipes, il a fallu se contenter d’un gros contrat et de quelques prolongations sur le court terme. Ainsi à titre d’exemple, un joueur comme Jared McCann, qui aurait pu prétendre à un contrat sur le long terme, s’est contenté d’un contrat de 2 ans et 5,88 millions de dollars. Un contrat assez faible mais qui s’explique par la volonté des franchises de ne pas s’encombrer de trop gros contrats le temps de retrouver des revenus équivalents à ceux antérieurs à la crise.
Globalement les franchises ont été prudentes durant l’intersaison, les dépenses ayant été réduites. Il suffit de regarder les chiffres entre le marché des agents libres 2019 et le marché des agents libres 2020:


On observe clairement une baisse des dépenses de la part des franchises cette année et surtout une réduction du salaire moyen versé aux joueurs. Ainsi en 2019, la durée moyenne du contrat signé était de 2 ans pour 4,845,678 millions de dollars tandis qu’en 2020, la durée moyenne du contrat signé est toujours de 2 ans mais pour 3,418,105 millions de dollars. Un chiffre montrant incontestablement les choix faits par les directeurs généraux face à la crise et la stagnation du plafond salarial.
En effet, au-delà du plafond salarial qui est resté le même, certaines franchises vont devoir faire sans les fans pendant encore au moins une saison. Et même si les fans pourraient revenir dans les patinoires, les franchises devraient se contenter d’un nombre de restreint de spectateurs. Un manque à gagner important pour certaines franchises qui ne peuvent pas se contenter des seuls versements liés aux droits télés. Est-ce que cela veut dire que les propriétaires vont réduire leurs dépenses considérablement? Pas forcément, les joueurs et les propriétaires ayant décidé lors d’une convention collective l’été dernier de s’accorder sur une retenue de salaire de 10% la saison prochaine. Les franchises seront chargées de payer cette somme en trois saisons à partir de 2022/2023. Néanmoins cette convention semble être mal menée par certains propriétaires qui aimeraient revoir les termes et augmenter la retenue de salaire pour cette saison. Pour l’instant cela ne fait l’objet que de rumeurs mais celles-ci montrent bien l’incertitude qui règne autour des franchises et des contrats des joueurs.
Une solution à long terme?
Il semblerait que les contrats observés il y a quelque temps avec des longues durées et des montants avoisinant les 9/10 millions de dollars par saison pour les superstars de l’équipe ne soient pas touchés par cette crise. Finalement les plus touchés par cette crise risquent d’être les joueurs de compléments qui ne pourront pas aller chercher des gros contrats dans des franchises, ces dernières préférant ne pas bloquer leur masse salariale.
Une franchise ne peut gagner sans s’appuyer sur des joueurs de compléments capables de marquer 40/50 points par saison pour aider les stars offensives. Et les saisons précédentes nous ont prouvé qu’il était possible de gagner la Stanley Cup sans avoir des joueurs avec des gros salaires mais avec une équipe capable d’aligner de jeunes joueurs issus des repêchages et d’ajouter une profondeur à leur effectif pour aider les stars offensives. Ainsi les Blues de Saint-Louis ont réussi à créer un collectif suffisamment fort sur toutes les lignes derrière leurs cadres qu’étaient Pietrangelo, O’Reilly et Tarasenko. De même, les Bruins font partie des exemples à suivre en matière de gestion de masse salariale. Ainsi, deux joueurs seulement dépassent les 7 millions de dollars par saison en la personne de Rask et Krejci. Des joueurs comme Bergeron, Marchand et Pastrnak ont des contrats à hauteur de 6 millions de dollars, loin des standards de certains joueurs qui produisent autant de points qu’eux. Ajoutons à cela, des contrats sur des petites durées permettant à la franchise de ne pas être bloquée pour les prochaines années avec des contrats sur des joueurs en fin de carrière. On peut aussi citer l’Avalanche du Colorado. La franchise de MacKinnon réussit à se renforcer chaque saison en allant chercher des joueurs de compléments par des échanges et en prolongeant ses joueurs sans qu’ils prennent trop de place dans la masse salariale.
On pourrait continuer à citer de nombreuses franchises qui agissent ainsi et qui pourraient ne pas être trop gênées par la stagnation de la masse salariale. Mais d’autres franchises telles que les Oilers ou les Leafs qui ont fait le pari de consacrer une partie importante de leur masse salariale pour 2/3 joueurs peuvent être inquiètes pour les prochaines saisons. Elles devront se contenter de petits contrats et parfois être dans l’obligation de se séparer de certains joueurs importants au profit de joueurs moins performants mais qui accepteront de signer pour un salaire plus faible.
La stagnation du plafond salarial n’est pas un problème en elle-même. Le problème a été les spéculations de certains directeurs généraux sur une augmentation du plafond sans anticiper certains risques. Il ne faut pas leur jeter la pierre étant donné qu’il était difficile de prévoir une pandémie comme celle que nous vivons en ce moment. Néanmoins, ils vont devoir faire avec et les résultats de leur équipe pourraient en faire les frais. Il faudra voir sur les prochaines saisons si les directeurs généraux adoptent le même comportement que lors de cette intersaison. Tant que la situation ne sera pas revenue à la normale, les comportements ne devraient pas changer et les joueurs devront malheureusement se contenter de plus faibles contrats voire pour certains d’aucun contrat tant les places vont être difficiles à aller chercher.