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Pourquoi certains parlent d’une religion du football ?

À chacun sa religion. Pour certains, c’est le football. Dans un premier temps, assez difficile à faire le rapprochement. Pourtant, de plus en plus de supporters s’en revendiquent en témoigne l’Église maradonienne fondée en 1998. Alors prenons un petit instant. Essayons de comprendre comment le football en tant que sport dépasse-t-il parfois sa simple fonction physique en devenant une véritable croyance ?

La religion Football

Un dieu ou un footballeur. Une église ou un stade de football. Une prière ou un chant de supporters. Voici quelques caractéristiques qu’on pourrait facilement rapprocher. Malgré tout, cette analyse mérite d’être plus approfondie si l’on veut véritablement s’y intéresser. La religion, au sens propre du terme, se défini comme un ensemble déterminé de croyances et de dogmes définissant le rapport de l’homme avec le sacré (Le Dictionnaire Larousse). C’est alors que certains réagiront en affirmant que cette définition peut être transposée au niveau du football. Dans un texte intitulé Les rituels du football, on insiste sur le fait que « Certes, le foot n’est en rien une croyance en un au-delà, mais il se caractérise cependant par une pratique, une ferveur et des rituels qui en font un moment d’expression de religiosité au point que l’on désigne parfois le foot comme une ‘religion moderne planétaire' ».

Les professeurs François Fulconi et Gilles Paché se sont intéressés à cette question. En 2013, ensemble, ils publient leur livre « Football Passion as a religion: the four dimensions of a sacred experience » (La passion du football en tant que religion : les quatre dimensions d’une expérience sacrée). Dans cette enquête, l’objectif est de comprendre le football en tant qu’expérience sacrée grâce à une approche argumentée. Phénomène de société important, le football est à l’origine de nombreux enjeux, principalement financiers. Mais il provoque également tout un tas de passions, qui peut s’identifier au modèle de la religion, avec ses fidèles (les supporters) et son lieu de culte (les stades). Grâce à une recherche basée sur la littérature, les rapports de recherche ainsi que les documents sur les pratiques de football professionnel, les auteurs fondent la religion football sur quatre dimensions. Ces dernières, indépendantes les unes d’entre elles, sont la Communauté, le Droit, la Voie et l’Expérience. Ainsi, par le biais de cette recherche, le football dépasse une nouvelle fois sa simple fonction. Cette fois-ci, la passion du football est perçue d’un point de vue religieux.

La Iglesia Maradoniana (l’Église maradonienne)

Cette religion est donc polythéiste. Chacun décide et choisit en quel dieu (footballeur) il souhaite croire. Pour certains fidèles, c’est Diego Maradona. Décédé le 25 novembre dernier, Maradona a été l’attention du monde entier ces derniers jours. On a pu admirer en boucle ses exploits sportifs, mais également les éléments qui faisaient de lui quelqu’un de particulier. Fondée lors du 38è anniversaire de la star du ballon rond en 1998 en Argentine, le joueur est à l’origine d’une véritable croyance religieuse : l’Église maradonienne. Cette dernière reprend les mêmes codes qu’une église. Une prière, le Diego Nuestro. Son propre calendrier puisque le calendrier Maradonien indique l’année 60 (débute lors de l’année de naissance de l’Argentin). Chaque année, on peut fêter le Noël maradonien, ou encore les Pâques maradoniennes. En étant le plus précis possible, cette Église comptabiliserait environ 400 000 croyants dans une soixantaine de pays différents.

« Ce supporter a été jusqu’à déposer une fiole contenant des cheveux de l’Argentin. Un autre flacon contient des larmes versées par des Napolitains le jour où la star a quitté le club. »

Le Monde

L’adoration de Maradona par ses supporters est donc de l’ordre de la divination. Cette dernière dépasse bien le pays natal de Diego puisqu’à Naples également, certains sont prêts à tout pour la star argentine. Joueur du Napoli de 1984 à 1991, Diego Maradona a largement marqué les esprits lors de son passage en Italie du sud. De là à ce qu’un supporter dépose, juste devant son café supposé préféré, un autel à son effigie. En 2016, dans le cadre de l’exposition « Divinement Foot » à Lyon, le journal Le Monde rajoutait « Ce supporter a été jusqu’à déposer une fiole contenant des cheveux de l’Argentin. Un autre flacon contient des larmes versées par des Napolitains le jour où la star a quitté le club.« . Des attitudes qui feront rire certains, mais que d’autres prendront très au sérieux. Ceux qui l’ont d’ailleurs fait, l’étaient totalement !

Pour en savoir plus, voici une vidéo Le Huff Post.

Les différents rituels autour du ballon rond

Incontestablement, tous un tas d’acteurs du football pratiquent régulièrement de rituels religieux. Que ce soit s’agenouiller au bord de la pelouse avant d’entrer sur le terrain ou encore lever les bras au ciel pour célébrer un but. Ces rituels, qu’un grand nombre de joueurs croyants pratique, sont l’occasion pour ces derniers d’exprimer leur foi au grand public. Dans une interview accordée à La Revue Internationale, Denis Müller, professeur d’éthique et de théologie, s’intéresse à ses questions. Il explique entre autres que le football possède un rapport important avec la religion puisque son caractère mondialisé l’entraîne à l’expression de « transes » collectives. Il rajoute bien qu’à travers l’histoire, le football et la religion n’ont pas toujours été en lien direct. Le football s’est bien évidemment créé indépendamment de la religion. Il note enfin que ce phénomène ne s’observe pas uniquement en Amérique du Sud où le football prend une place extrêmement importante. Il peut également s’étudier en Europe « Le phénomène n’est pas limité au Brésil, on a pu montrer des analogies dans toutes les parties de la planète, y compris sur terre catholique comme l’a analysé Christian Bromberger, dans Le match de football » selon Denis Müller.

Neymar, genou à terre et yeux rivés vers le ciel, après sa victoire sur le PSG lors de la fameuse Remontada en 2017 (Crédit: Daily Mail)

En définitive, l’intervention de l’historienne du sport, Laurence Munoz, résume très bien cette analyse « Le football est un sport où le collectif mène les hommes à une forme de communion et de partage qui peuvent soulever les passions et susciter l’adhésion et l’identification des supporters ». Et que l’on soit pratiquant ou non, la religion dans le football mérite d’être traité en tant que phénomène existant des sociétés. C’est d’ailleurs ce que tous ces chercheurs précédemment cités se sont efforcés à faire.

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