Le 6 Décembre 2020, en finale de l’Autumn Nations Cup, les Anglais grandissimes favoris buttent sur une équipe de France jeune et pleine d’envie. Et, au centre du terrain, un peu perdu au milieu de Twickenham, un garçon de 20 ans distribue en série des cartouches dans les côtes d’attaquants anglais complétement hagards. Ce joueur c’est Yoram Moefana. Ce n’est pas un vieux briscard mais bien un adolescent, projeté à vitesse grand V sur la scène internationale, qui découpe des rosbifs encore saignants. Comment en est-on arrivé là ?

Futuna Matata
C’est à 16500 km de chez lui que l’histoire rugbystique de Yoram Moefana débute. En 2011, à 13 ans, le jeune néo-calédonien, sous l’impulsion de sa mère, suit son oncle en France du côté de la capitale de la porcelaine : Limoges. Tapu Falatea viens de signer à l’USAL, le club de la ville, Yoram le petit neveu lui veut seulement suivre ses études en métropole. Mais complétement plongé dans l’univers de son oncle, il ne tarde pas à répondre aux appels du pied du rugby, sport alors totalement inconnu pour le garçon.
Ses premiers ballons de rugby touchés à l’USAL l’enchantent déjà mais c’est indéniable, un dur labeur attend le jeune Yoram. L’aventure limousine sera de courte durée, deux ans seulement, avant que Falatea ne signe à Colomiers dans la banlieue Toulousaine. Évidemment Moefana suit son oncle, qui en a alors la charge, et rentre à l’école de rugby de Colomiers. Et c’est ici que les talents rugbystiques du joueur vont se révéler aux yeux discrets des entraineurs columérins. Discret c’est le mot, à Colomiers on essaye de cacher le talent de Yoram pour ne pas attiser la convoitise. Joie de courte durée quand les équipes de France jeunes l’appellent pour honorer ses premières capes. La machine est lancée.
En 2018, Bordeaux-Bègles saisit sa chance et fait signer un contrat espoir à Moefana alors âgé de 18 ans. Une affaire pour le club girondin qui n’hésite pas à envoyer son nouveau joueur se forger aux joutes professionnelles de ProD2, une année de plus pour parfaire son apprentissage et réaliser une transition « en douceur ». Moefana passe donc la saison 2018-2019 à Colomiers, le club qui lui a beaucoup donné. Durant cette année, il connaitra ses premiers matchs pro et ses premières titularisations, 3 pour être exactes, toutes à domicile.
Un Talent à polir
Yoram Moefana est une page blanche, un livre vierge qui ne demande qu’à être rempli. Le chapitre de la technique individuelle a très vite était écris. Depuis l’école de rugby, Moefana a fait preuve d’une aisance technique bien au-dessus de la moyenne qui naturellement lui a permis de se fixer au poste de centre. A cette position, encore aujourd’hui, son impact dans le jeu se fait fortement ressentir. Offensivement, il amène le défenseur où lui l’a décidé, il peut crocheter aisément, maitrise pas de l’oie et consort et enfin peut décaler ses coéquipiers par des passes précises et dans le bon timing. Des qualités qui font de lui, et ce depuis ces années de cadets, un joueur redouté et redoutable en un contre un et dans le jeu courant.
« Il avait des qualités techniques assez avancées, […] c’est un bonhomme qui pue le rugby, qui respecte tout le monde»
Fabien Berneau, en charge de la formation columérine en 2013
Mais aujourd’hui quand on voit Moefana sur nos écrans (à défaut de le voir dans les stades) son physique est aussi bien développé. C’est à 17 ans que le joueur s’est formé un corps de professionnel, nécessaire pour performer à haut niveau. S’il reste de taille moyenne (1m82), ses 97kg sur la balance pèsent, eux, bien lourds sur ses adversaires en match. Et si la mensuration de ses cuisses est encore introuvable dans les bases de données planétaires c’est à parier qu’elle ferait tiquer Silvère Tian.
Ces nouvelles capacités physiques permettent à Moefana de gagner en vitesse surtout et donc aussi en puissance. Si il se sert en priorité de la première de ces aptitude en attaque, en pratiquant un rugby d’évitement, la deuxième lui a permis de devenir un défenseur solide, âpre et dur, qui n’a pas peur d’aller au charbon. De plus, Yoram apporte désormais une polyvalence au poste de centre et d’ailier, un petit plus qui peut faire la différence dans certaines compositions d’équipe.
Moefana n’est pas parfait (encore). Il lui reste à développer son jeu au pied pour apporter de la variation, ainsi que de l’intelligence de jeu notamment dans ses placements défensifs et dans sa prise de décision sur la ligne d’avantage. Une évolution comme celle qu’a pu suivre Gaël Fickou. Un exemple qu’il ne manquera pas d’étudier.
Cette année, Moefana a disputé 6 matchs pour l’UBB dont deux titularisations, il a su s’offrir 4 essais. Une réussite frappante pour un joueur qui n’est encore qu’un gamin.
Ne pas se brûler les ailes en volant trop près du soleil
Moefana a connu sa première sélection dans les derniers instants du match contre l’Italie dans la Autumn Nations Cup 2020. La semaine d’après, il a été projeté titulaire en finale de cette compétition face à la terrible équipe anglaise. Tout va très vite pour le bordelais, ce match était seulement sa 6ème titularisation en tant que joueur professionnel. Grace à ces rencontres, il est devenu aussi à jamais le premier international français né dans les années 2000.

Si Jalibert et Ntamack ont connu leur première sélection à 19 ans, le contexte n’était pas le même. En effet les deux numéros 10 français étaient déjà rompus aux joutes professionnelles du Top14. L’environnement est différent avec Yoram qui a toujours était plutôt protégé par tous les clubs dans lesquels il a évolué. Attention à ne pas sombrer dans la folie des grandeurs.
L’arrivée en équipe de France a été une véritable surprise pour les joueurs et les entraîneurs de l’UBB. Même si tous, ceux sont accordés à dire que cet appel en sélection était mérité, le Staff bordelais aurait certainement préféré que sa pépite reste encore un peu à l’ombre des projecteurs du XV de France.
« A nous de faire en sorte qu’il reste tranquille, qu’il continue à bien travailler et qu’il ne parte pas dans tous les sens. »
Frédéric Charrier entraîneur des lignes arrières de l’UBB
Vous l’aurez compris, Yoram Moefana est une étoile filante dans la voute céleste du rugby français. Une jeune pépite qui a débarqué vite, très vite (trop vite ?) dans le rugby professionnel. Mais quand on voit ses qualités techniques et physiques comment s’en étonner. Le jeune homme a encore soif d’apprendre et a une marge de progression intéressante. De quoi nous donner pas mal d’espoir pour notre équipe de France.