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La décennie 1930 en NFL : Les temps modernes

Petit retour hebdomadaire sur les acteurs et les évènements qui ont fait de chacune des décennies de l’histoire de la NFL des périodes uniques de son évolution. Aujourd’hui, les années 1930, grande entrée dans les temps modernes pour l’organisation.

Le 14 décembre 1930, il y a 90 ans presque jour pour jour, les Packers concluaient leur dixième saison avec un match nul 6 à 6 contre les Portsmouth Spartans. La rencontre, qui scelle un deuxième titre consécutif pour le club de Green Bay, est parfaitement symbolique de la deuxième décennie de la ligue. Une période qui verra éclore certaines des plus grandes franchises de tous les temps et qui accompagnera une transformation radicale du football sur le terrain.

Les 1930 s en résumé :

À l’aube de sa deuxième décennie historique, la NFL se trouve dans une situation plus qu’inconfortable. D’abord, malgré les arrivées massives de vedettes universitaires dans ses rangs, la ligue de football a du mal à voir son nombre de fans augmenter de manière conséquente. Et en plus, avec la Grande Dépression qui pointe le bout de son nez aux États-Unis, de plus en plus de franchises se retrouvent dans des gouffres financiers insurmontables. Entre 1929 et 1932, quatre nouvelles équipes abandonnent l’aventure et laissent l’organisation concourir avec seulement huit membres.

Pour le président Joseph Carr, l’association n’a plus le choix : elle doit tenter le tout pour le tout en essayant de s’imposer dans les plus grandes villes du pays. En cas de succès, le nombre d’habitants dans les métropoles permettrait de remplir les stades à court terme, mais en cas d’échec, les sommes dépensées pour créer ces nouvelles franchises seraient impossibles à rembourser et creuseraient encore un peu plus la tombe du football professionnel. 

            Entre 1930 et 1933, quatre clubs inédits font alors leur apparition dans la grande famille NFL :

  • Les Portsmouth Spartans, renommés en Detroit Lions en 1934
  • Les Boston Redskins de George Preston Marshall, relocalisé à Washington en 1937
  • Les Pittsburgh Pirates de Art Rooney, rebaptisés Steelers en 1940
  • Les Philadelphia Eagles de Bert Bell
Réunion des propriétaires de la NFL à la fin des années 1930.

Avec des bilans catastrophiques et des soucis financiers en tout genre dès leurs premières années d’existences, les nouvelles franchises ne payent pas vraiment de mine pendant la première moitié des années 1930. Mais sans le savoir, en ouvrant la porte de l’association à ces jeunes acteurs, Joseph Carr venait de sauver la National Football League.

En effet, même avec des résultats médiocres sur le terrain, il ne faut pas attendre longtemps avant de voir Preston Marshall, Bell et Rooney prendre en importante dans le cercle des propriétaires. En compagnie de George Halas et Tim Mara, déjà installés dans des rôles d’influence, les nouveaux dirigeants vont véritablement créer un « club des cinq » qui dictera complètement l’évolution du football professionnel.

Dans les années qui suivront, on ne comptera plus les innovations brillantes apportées par le quintette : séparation de la ligue en deux divisions distinctes, instauration d’un match pour le titre pour remplacer le classement général, mis en place d’un All-Star Game, partage égalitaire des recettes de billets vendus, fanfares dans les stades… Tout est bon pour faire de la NFL une attraction attirante pour les spectateurs.

En 1936, c’est d’ailleurs l’esprit de Bert Bell que naitra l’idée la plus remarquable de tout le sport américain. Lassé de voir ses Eagles se faire écraser à la fois sur le terrain et lors des négociations avec les joueurs universitaires, le propriétaire de Pennsylvanie propose à ses collègues d’instaurer un système équitable de répartition des jeunes talents : la draft. Reprise ensuite dans toutes les ligues majeures, elle permettra à la NFL de voir son niveau de jeu s’uniformiser lors des décennies suivantes.

Bert Bell, fondateur des Philadelphia Eagles et inventeur de la draft.

Sur le terrain, les années 1930 voient également le football se transformer pour ressembler de plus en plus à la discipline que l’on peut apprécier aujourd’hui. Sous les ordres des nouveaux propriétaires, la passe en avant est légalisée partout derrière la ligne de scrimmage (le passeur devait être reculé de cinq yards avant ça), les hashmarks apparaissent pour la première fois et les poteaux sont avancés sur la ligne d’en-but pour favoriser les Field-goal. Ainsi, en 1939, lorsque le premier match de l’histoire est diffusé à la télévision, le divertissement proposé par la ligue aux téléspectateurs n’a plus rien à voir avec le jeu brouillon de la décennie précédente.

Quelques mois plus tard, lorsque Joseph Carr s’éteint paisiblement à son domicile de New York, le président part le cœur léger. Si son organisation n’était pas encore devenue une référence majeure dans le sport américain, il avait réussi à la lancer dans la bonne direction. Désormais entre les mains des cinq amis propriétaires, la NFL pouvait continuer sa grande quête de prospérité dans des conditions idéales.

L’équipe de la décennie : Les Green Bay Packers

Discrète lors de la première décennie de la ligue, Green Bay entame sa tradition de franchise la plus titrée de l’histoire en 1929. Grâce à une bonne campagne de recrutement, le club du Wisconsin réussit à attirer la vedette des Giants Cal Hubbard sur sa ligne offensive pour ouvrir la voie au Fullback surpuissant Johnny Blood. Ensemble, les deux hommes mèneront leurs coéquipiers à une saison exceptionnelle avec un total de 22 points encaissé sur la globalité de l’exercice.

Deux ans plus tard, c’est avec la même formule que les Packers captureront leur troisième titre, devenant ainsi, la première (et l’une des deux seules) équipe de l’histoire à réussir un three-peat.

Ralentis par le retour des Bears sur le devant de la scène, et par le nouveau système de playoffs, les hommes de Lambeau devront attendre 1936 pour retrouver la plus haute marche du podium. Portés par un Johnny Blood de retour après un court passage à Pittsburgh, les Packers écraseront les Redskins en finale avant de réitérer trois ans plus tard contre les Giants.

En 1939, alors que certaines équipes comme les Eagles ou les Steelers cherchent encore leur première saison dans le positif, les Packers deviennent ainsi la seule franchise de l’histoire à avoir remporté cinq titres en moins de douze ans.

Le joueur offensif de la décennie : Sammy Baugh

Si c’est bien George Preston Marshall qui fonde les Redskins à Boston en 1932, c’est véritablement l’arrivée de Sammy Baugh qui lance la grande histoire de la franchise dans la capitale américaine.

En 1937, le jeune Quaterback de TCU fait sa première apparition en NFL en même temps que le déménagement de l’équipe, et dès ses premiers pas sur les terrains, il révolutionne complètement la manière de jouer au football tout en menant Washington a un titre à l’issue de sa saison rookie.

Pour la première fois de l’histoire, un joueur est capable de prendre les rênes d’une attaque et de la conduire avec la précision d’un chef d’orchestre. Avec lui, finies les passes approximatives des coureurs hybrides et leur préférence pour le jeu au sol. Sammy Baugh est un Quaterback, un vrai.

Que ses records de yards à la passe (2 938), de touchdowns lancés (25) et de précision (70 %) en soient témoins, la tour de contrôle des Redskins était en avance sur son temps. De trente bonnes années au moins.

Le joueur défensif de la décennie : Bronko Nagurski

Difficile de choisir un défenseur d’exception à une époque où les joueurs évoluaient toujours des deux côtés du ballon et où les tactiques se résumaient encore à intimider le plus possible les attaquants. Mais si l’on parle d’instaurer la peur dans l’esprit des adversaires, peu de personnes pouvaient se mesurer à Bronko Nagurski dans les années 1930.

Depuis sa double position de Fullback/Linebacker, la vedette des Bears ne connaissait qu’une seule chose : frapper. Le plus fort possible. Pendant la décennie, on ne compte plus le nombre de joueurs qui sont sortis sur civière après avoir croisé sa route et les deux titres remportés par Chicago lors de la période portent, sans aucun doute, sa signature indélébile.

Aussi étonnant que cela puisse paraitre, le joueur le plus violent de la décennie a également évolué comme… Quaterback pendant quelques années. Tim Tebow peut aller se rhabiller, le passeur le plus physique de tous les temps, c’est bien Bronko Nagurski. 

Le coach de la décennie : Curly Lambeau

Avec quatre titres sur l’ensemble de la décennie et une détermination à toute épreuve pour maintenir les Packers à flot financièrement, Curly Lambeau est sans conteste le coach le plus méritant de la NFL dans les années 1930. Tout comme son collègue, et prédécesseur pour la distinction, George Halas, il est à la fois joueur, coach et propriétaire de sa franchise à ses débuts. Et comme son collègue, la triple casquette lui va à ravir.

En 1929, après avoir mené ses hommes au premier sacre de l’histoire du Wisconsin Lambeau raccroche les crampons pour de bon et se focalise sur la révolution du jeu aérien depuis son banc de touche. Chaque saison, le tacticien s’applique à construire des concepts de passes de plus en plus sophistiqués et permet à son Quaterback Arnie Herber de s’imposer comme une véritable star. Résultats : Green Bay sera l’une des équipes les plus modernes de la NFL pendant toute la durée de la décennie et enregistrera les meilleurs bilans à la passe de toute l’organisation.

Curly Lambeau, ancien coach et fondateur des Green Bay Packers.

La tactique de la décennie : la T-Formation  

Si les années 1930 sont connues comme la décennie de la modernité en NFL, c’est principalement pour l’émergence de la T-Formation dans les stades professionnels.

Popularisée par les Bears de George Halas, la tactique offensive impose pour la première fois le poste de Quaterback comme maître du jeu. Désormais, c’est lui qui reçoit le ballon à chaque action pour le transmettre au Runningback ou le passer aux Ends offensifs qui servent de cibles prioritaires.

La T-Formation, véritable révolution du football des années 1930

Grâce à elle, les formations redeviennent équilibrées avec trois joueurs de chaque côté du Centre et les Bears reviennent sur le devant de la scène à partir de la saison 1932. À l’époque, les receveurs extérieurs n’existent pas encore, mais le football commence tout même à ressembler un peu plus à celui que nous connaissons aujourd’hui. 

Le match de la décennie : Le Sneakers-Game (1934)

Derrière la T-Formation et le talent de Bronko Nagurski, les Bears connaissent un nouvel âge d’or au début de la décennie. En 1934, après avoir remporté coup sur coup les deux premières finales de l’histoire lors des années précédentes, c’est donc sans surprises que le club de l’Illinois est attendu comme le grand favori de la saison.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les hommes de George Halas ne déçoivent pas en saison régulière. Treize rencontres, treize victoires et une différence de points de +200. La campagne est parfaite.

En finale, ce sont les Giants de Tim Mara qui se présentent face à eux avec un piètre bilan de huit succès pour cinq défaites. « Pas de soucis », pense alors le coach de Chicago. Mais alors que les Big Blue semblent en effet fébriles au début de la rencontre, c’est un autre élément qui vient bousculer ses plans : à cause d’une longue pluie glacée, le terrain du Polo Ground new-yorkais se retrouve complètement verglacé. Impossible pour les joueurs de trouver leurs appuis.

Il faudra alors une idée de génie de Steve Owen pour débloquer la situation. Alors que son équipe était menée 10-3 à la pause, l’entraineur des Giants missionne ses assistants d’aller emprunter des paires de sneakers au club de basketball voisin. Lorsque ce dernier revient à quelques minutes de la fin du troisième quart-temps, les Bears ont accru leur avance de trois nouveaux points. À 13-3 et quinze minutes à jouer seulement, il faudrait un miracle pour renverser le score.

Ce miracle, les paires de baskets vont se charger de l’apporter. En troquant leurs crampons contre des chaussures de sport basiques, les New-Yorkais réussissent à se déplacer convenablement pour la première fois de la rencontre. Et en un seul quart-temps, les coéquipiers de Mel Hein parviendront à inscrire un total de 27 points pour porter le score à 30-13.

Au coup de sifflet final, l’impensable s’est produit. Les Giants ont remporté leur second titre historique et ont réussi à renverser une équipe parfaite jusque-là. On voit maintenant d’où vient l’inspiration de 2007.

Le défi de la décennie : L’American Football League II

En NFL, à chaque décennie sa ligue rivale. Et dans la plupart des cas, les nouveaux concurrents n’hésitent pas à reprendre le patronyme d’AFL pour tenter de détrôner l’organisation de Joseph Carr.

Si l’AFL (1936-1937) n’est pas la plus connue des adversaires, elle aura tout de même tenu deux saisons, faisant suer à grandes gouttes les propriétaires originels, et aura apporté deux éléments importants :

  • Les Cleveland Rams, qui rejoindront la NFL en 1937 avant de déménager à Los Angeles
  • Les Los Angeles Bulldogs, première franchise professionnelle majeure de l’histoire du sport américain.
Les Los Angeles Bulldogs, première équipe de sport majeur de la côte ouest des États-Unis.

Le changement de règle de la décennie : La honte du siècle

Si les années 1930 ont connu un paquet d’innovations, toutes plus belles les unes que les autres, la règle la plus marquante de la décennie n’a surement jamais été rédigée sur papier. Pourtant, elle aura été la plus impactante de toutes et, sans aucun doute, la plus honteuse.

Contrairement au baseball et au hockey sur glace, la NFL a commencé son histoire avec des Afro-Américains dans ses rangs. Entendons-nous, le nombre de joueurs noirs dans la ligue était évidemment très limité dans lors de ses premières saisons, mais certains athlètes d’exception, comme l’incroyable Fritz Pollard, avaient tout de même l’opportunité de chausser les crampons chaque dimanche après-midi.

Seulement voilà, au début des années 1930, lorsque la Grande Dépression pointe le bout de son nez en même temps que les nouveaux propriétaires, le sort des Afro-Américains commence à être discuté de plus en plus dans les couloirs de l’association. Pour George Preston Marshall, entre autres, les joueurs de couleur volent le travail des blancs jusque dans les ligues de sport et il faut à tout prix les en empêcher.

Ainsi, en 1933, les dirigeants de l’organisation passent un accord officieux pour boycotter tous les joueurs noirs. Il faudra alors attendre treize longues années pour voir Kenny Washington, un jeune coureur de UCLA, briser la barrière de la couleur à nouveau en 1946. Preston Marshall, pour sa part, refusera d’intégrer un Afro-Américain à ses Redskins jusqu’à une obligation du gouvernement Kennedy lui-même en… 1962.

La honte.

L’action de la décennie : La Squirrel Cage

Dans les œuvres de fiction on ne compte plus les scènes où l’équipe qui reçoit un kickoff se regroupe au centre du terrain avant de voir ses joueurs se disperser en feintant de porter le ballon. Et chaque fois, on a beau être amusé, on se demande comment une telle tactique pourrait marcher dans le monde réel.

La Squirrel Cage des Los Angeles Bulldogs

Et bien dans les années 1930, une franchise était connue pour pratiquer cette « Squirrel Cage » au début de tous ses matchs : les Los Angeles Bulldogs. 

Si l’on a tout même quelques doutes sur l’efficacité régulière de l’action, les Bulldogs ont tout de même été l’une des meilleures équipes indépendantes de la décennie, enchainant victoire sur victoire contre les clubs les plus populaires de la NFL.

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